LES VESTIGES DU JOUR

LES VESTIGES DU JOUR

James Ivory, 1993

LE COMMENTAIRE

On peut passer sa vie à regarder le monde comme un spectateur, protégé derrière sa fenêtre et du haut de son étage. Le temps passe et les événement défilent alors sous nos yeux sans que nous ne puissions rien dire. Il ne reste plus qu’à se résigner ou peut-être passer à l’action (cf Past Lives, Sur la route de Madison). Descendre dans l’arène avant qu’il ne soit définitivement trop tard.

LE PITCH

La vie bien rangée d’un majordome est chamboulée par une femme.

LE RÉSUMÉ

En 1959, une ancienne employée de Darlington Hall recontacte Mr Stevens (Anthony Hopkins) pour lui donner rendez-vous dans l’Ouest de l’Angleterre. Désormais divorcée et au chômage, Miss Kenton (Emma Thompson) aimerait reprendre du service. Sur la route qui le mène à Clevedon, Stevens va replonger dans ses souvenirs et devoir faire face à son passé.

À la veille de la guerre de 39, Mr Stevens recrute Miss Kenton, une jeune intendante extrêmement rigoureuse comme lui. Bien que souvent en conflit, les deux membres du personnel vont se rapprocher. Mr Stevens lui apporte de la discipline tandis qu’elle tente de lui apporter un peu de fantaisie.

Tous les deux vont affronter la deuxième guerre mondiale. Bien qu’isolé, le monde se déplace encore au château. Et Lord Darlington (James Fox), sous influence, file un mauvais coton en se rapprochant des fascistes Anglais et des Nazis. Reginald Cardinal (Hugh Grant) alerte Stevens sur les dérives de son patron. Celui-ci reste néanmoins fidèle. Son travail est de servir son maître, pas de critiquer ses décisions.

Of course this assumes that one’s employer is a superior person, not only in rank or wealth but in morale stature.

En plein conflit moral et supportant de moins en moins le platonisme de leur relation, Miss Kenton va pousser Stevens à une action qui ne viendra jamais. Elle décide, à regret, de s’engager avec Mr Benn puis quitte Darlington Hall.

Stevens qui se faisait une joie de retrouver Miss Kenton va vite déchanter. Son amour de toujours a changé d’avis et préfère finalement rester dans l’Ouest où sa fille vient d’avoir un bébé. Mr Stevens s’en retourne donc vers Darlington Hall, finir sa vie en compagnie du nouveau propriétaire Américain, Mr Lewis (Christopher Reeves).

À son retour, un oiseau est prise au piège dans la salle de réception du château. Lewis l’aide à s’échapper. Stevens le regarde s’envoler au loin, avec tristesse.

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L’EXPLICATION

Les Vestiges du Jour, c’est une époque révolue.

Parce qu’il ne sort plus de son château que pour chasser le renard, Lord Darlington a une vision du monde qui est totalement dépassée. Les bonnes manières Anglaises sont renversées par le réalisme Américain. Lewis hallucine devant l’amateurisme de ses hôtes.

Do you have any idea of what sort of place the world is becoming all around you? The days when you could just act out of your noble instincts, are over. Europe has become the arena of realpolitik, the politics of reality.

Les vieux moutons Anglais sont sur le point de se faire dévorer tout crus par les loups de Nuremberg.

Stevens, quant à lui, incarne un respect aveugle de l’autorité qui a totalement disparu. Aujourd’hui les employés n’hésitent plus à séquestrer leur patron, voire à lui déchirer sa chemise respectant ainsi une tradition chère à Zebda.

L’époque où il incombait à l’employeur de devoir se déplacer pour recruter quelqu’un est également révolue. Aujourd’hui, un petit quart d’heure en visio suffit pour se voir signifier qu’on n’a pas les compétences requises (cf La Loi du Marché).

Stevens refuse de voir le monde opérer une transition. Sans réaction. Paralysé. Il se sert de son travail comme d’une excuse pour mieux laisser sa propre vie lui passer sous le nez. Incapable de sortir de son personnage de majordome, il n’est pas un acteur de sa vie. Et quand il décide enfin de le devenir en sortant du château pour aller à la rencontre de Miss Kenton, il n’est pas récompensé.

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Stevens est la figure du vieux garçon, incapable de s’ouvrir aux autres. Alors que Miss Kenton est curieuse de ses lectures, qu’elle s’intéresse à lui, fleurit sa vie… lui ne laisse aucune place aux autres.

This is my private time. You’re invading it.

Stevens refuse de prendre l’initiative. Ainsi, tout lui échappe. Des diplomates Anglais peu consciencieux lui volent son Lord, le travail lui vole son père et Mr Benn lui vole son amour. Sous son nez (cf Welcome). Et quand finalement il se décide à prendre la Daimler, à la plus grande satisfaction de Lewis qui l’encourage à découvrir le monde, il va se faire punir par une femme qui n’a pas oublié. On n’y reprendra plus Stevens de si tôt. Résigné, il laisse même le pigeon s’envoler.

Stevens n’est pourtant pas un mauvais bougre. Il est juste un peu lent et arrive malheureusement après la bataille. En cherchant à remonter le passé, il est renvoyé à son présent.

Il a rendu service à tout le monde. Grâce à lui, chacun peut se sentir libre car le majordome s’occupe de tout. Il s’est soucié de sont travail mais pas de ses sentiments. Le voilà prisonnier volontaire des murs du château pour toujours, enfermé dans ses principes et de règles qui effarent pourtant Lewis.

The rule in the kitchen has always been… cook cooks the cooked breakfast while her assistant toasts the toast.

On espère que Stevens puisse entrevoir un peu de bonheur ou qu’il puisse au moins le vivre par procuration, en voyant l’oiseau s’envoler au loin. À la fin, il est le pigeon. Pas de happy end. La grande Angleterre reste à l’arrêt de bus sous la pluie. Figée sur la piste de danse. Condamnée pour ne pas avoir pris l’initiative. Seule sur son île.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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