LA FIRME

LA FIRME

Sydney Pollack, 1993

LE COMMENTAIRE

On est con quand on est jeune, comme le démontre assez facilement le théorème de Saez. Cela veut dire que la jeunesse n’a que son ambition pour elle. La mèche impeccable, le regard affuté, bien déterminé à faire les heures supplémentaires nécessaires. Quand on est jeune, on prête souvent serment les yeux fermés pour se faire salement essorer. Sans vraiment savoir à quel sauce on va être mangé.

LE PITCH

Un jeune avocat brillant découvre qu’il travaille en fait pour la mafia.

LE RÉSUMÉ

Tout frais émoulu d’Harvard, Mitchell McDeere (Tom Cruise) voit tous les cabinets d’avocats prestigieux se bousculer à sa porte. Contre toute attente, il décide d’opter pour une petite firme de Memphis. Probablement touché par la taille humaine du cabinet ainsi que son esprit de famille, Mitch est tout de suite sous le charme. À Memphis, le travail déborde. Tout est calculé pour le mettre dans les meilleures conditions, sous l’œil bienveillant de son mentor Avery Tolar (Gene Hackman).

Une discussion inattendue avec Wayne Tarrance (Ed Harris), un agent du FBI, va néanmoins éveiller en lui quelques soupçons. Et si tout n’était pas si parfait…?

L’avocat réalise que Bendini Lambert & Locke sert en fait de machine à laver l’argent sale des Morolto, une famille du crime de Chicago. Quand Mitch s’en aperçoit, il est déjà trop tard. Son cabinet a de quoi mettre son mariage par terre, voire pire.

De l’autre côté, le FBI le tient également en respect.

Who gives a fuck? I’m a federal agent! You know what that means, you lowlife motherfucker? It means you’ve got no rights, your life is mine! I could kick your teeth down your throat and yank ’em out your asshole, and I’m not even violating your civil rights!

Pris entre le marteau et l’enclume, Mitch fait honneur à son diplôme en élaborant un plan imparable. Grâce à son frère (David Strathairn) et Tammy (Holly Hunter), il met tout le monde en échec et s’offre une sortie honorable (cf Un Prophète).

Le FBI fait couler la firme. Les Morolto s’en sortent sans trop de dommages.

De son côté, Mitch traînera cette première expérience comme un boulet sur son CV toute sa carrière mais au moins il a retrouvé son indépendance – et sa femme Abby (Jeanne Tripplehorn).

L’EXPLICATION

La Firme, c’est une erreur qui n’en est pas une.

N’importe quel job exige de jouer un numéro d’équilibriste avec l’éthique (cf The Walk). Chaque entreprise enfreint la loi qu’elle est censée respecter par ailleurs, dans une moindre mesure. Le moteur de recherche et l’intelligence artificielle connaissent toutes nos questions, même les moins avouables. Les assistants vocaux nous facilitent la tâche au quotidien, écoutant au passage la moindre de nos conversations. Les équipementiers sportifs font trimer des enfants pour vendre des maillots.

Chaque pièce a son revers.

L’ironie est que cette firme qui traite avec les plus gros mafieux du Midwest va tout bêtement couler pour sur-facturation comme Alphonse Capone est tombé pour évasion fiscale (cf Untouchables). Pourtant, la sur-facturation est une pratique commune, presque normale. Sauf que c’est interdit.

Donc finalement en matière de légalité, tout est relatif. Et puis les règles du jeu sont malléables. Finalement le droit est aussi flexible que le roseau de Jean de la Fontaine (cf Ariaferma) :

Do you think I’m talking about breaking the law?

No I’m just trying to figure out how far do you want it bent.

As far as you can without breaking it.

À toute chose malheur est bon : cette mésaventure va permettre à Mitch d’ouvrir les yeux (cf Eyes Wide Shut). Pour la première fois dans sa vie, se questionner. Réfléchir un peu au pourquoi des choses. Il passe de l’autre côté du miroir.

You want to know something funny. You made me think about the law. I managed to go through three years of law school without doing that.

On peut en baver pendant des années pour essayer de comprendre des concepts sinueux sans même prendre le temps de les mettre en doute. Et puis il arrive un moment où on a suffisamment de maturité pour prendre un peu de hauteur et se dire que ce qu’on fait n’est peut-être pas juste, et qu’on n’est peut-être pas obligé de le faire.

Soyez résolus à ne plus servir et vous serez libres.

La jeunesse se perd justement quand on passe de l’autre côté de la barrière, avec l’effondrement des certitudes que cela impose. Mitch se pense réaliste. Il est plutôt idéaliste : Il ne se lève pas tôt pour l’argent. Sinon il aurait choisi n’importe quel gros cabinet de New York. Il veut faire du bon travail. Sa naïveté lui donne une certaine fraîcheur et une force de conviction redoutable. Lorsqu’il s’aperçoit du manège, il tombe de haut.

Mitch constate avec horreur que ce monde dans lequel il était numéro un n’était qu’une fabrication. Le voilà en plein milieu de la matrice. Lui qui voulait avoir les manettes n’est en fait qu’un vulgaire pantin entre deux types de criminels.

Il va avoir l’opportunité de se révéler. Mitch n’est pas très intéressant jusqu’à ce qu’il s’aperçoive qu’il est coincé. Cette histoire aura notamment le mérite de le rapprocher de son frère dont il avait honte et avec qui il avait coupé les ponts.

Il en sortira peut être moins riche mais surtout moins bête. Avery, lui, s’est embourbé dans le piège de la corruption, aux jupes courtes et aux cocktails savoureux. Comme quoi, un mauvais tournant ne finit pas toujours dans une impasse (Cf Carlito’s way).

Belle leçon de modestie pour Mitch qui se destinait à devenir un ambitieux de plus dans un monde en marche qui en compte déjà beaucoup trop. Une fois le tsunami passé, sa femme lui fait enfin la plus belle des déclarations :

I’ve loved you all my life. Even before we met. Part of it wasn’t even you. It was just a promise of you. But these last days… you kept your promise.

Mitch se voyait comme une machine. Il ne pensait qu’à son succès, se traduisant par une belle propriété et une belle voiture fonction. Désormais, il se rend compte que cela ne vaut rien. Une prison dorée. Il vaut beaucoup plus que toutes ces heures qu’il facture.

Abby est celle qui a tout compris. Elle sait que l’homme est humain, avec ses défauts et son potentiel. À ce titre, il a le droit à l’erreur car l’erreur permet également de confirmer ses belles promesses.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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