TAKE SHELTER

TAKE SHELTER

Jeff Nichols, 2011

LE COMMENTAIRE

La tempête gronde. On le constate tous les jours. Les nuages s’épaississent, les éclairs crépitent dans le ciel… L’homme refuse de regarder la réalité en face. Il détourne la tête, plutôt que de la baisser avec humilité. Pendant ce temps, les miss météo de la TV ont volé vers d’autres horizons. Quel dommage alors qu’on a plus que jamais besoin de quelqu’un qui soit capable de nous expliquer des saisons qu’on ne comprend plus.

LE PITCH

Un fou se lance dans la construction d’un abri anti-tornades.

LE RÉSUMÉ

Curtis LaForche (Michael Shannon) est employé sur les chantiers. Sa vie est sans histoire. Jusqu’à ce qu’il soit victime de cauchemars remplis d’oiseaux menaçants et d’averses d’huile de moteur. Plutôt que d’en parler à sa fille (qui est sourde) ou sa femme Samantha (Jessica Chastain) comme le ferait n’importe qui, Curtis préfère se la jouer Jean Gabin. Il garde tout pour lui sans savoir que les femmes d’aujourd’hui n’ont plus la psychologie ni la patience de Simone Signoret.

Persuadé que ses rêves sont prémonitoires et que la fin du monde est proche, il va construire un refuge digne des plus solides abris atomiques.

Son anxiété augmente graduellement, Curtis s’isole petit à petit du monde et sa famille avec. Il va se pousser à la faute en empruntant du matériel de chantier pour son propre projet puis en pétant un plomb lors d’une réunion du Lions Club local.

C’est alors qu’une tornade finit par frapper l’Ohio. Curtis et sa petite famille peuvent enfin se mettre à l’abri. Il faudra toute la détermination de Samantha pour convaincre Curtis de se séparer de son masque à gaz et de remettre le nez dehors. La tempête est passée. Elle n’a fait que peu de dégâts.

Son psy autorise Curtis en partir en vacances mais lui impose de suivre une thérapie à son retour. La petite famille est en train de profiter gentiment de la plage lorsque le temps se couvre. Samantha commence à sentir quelques gouttes de pluie…. d’huile de moteur. Le cauchemar les rattrape. Il est temps pour la famille de se mettre de nouveau à l’abri.

take

L’EXPLICATION

Take Shelter, c’est une paranoïa contagieuse.

Un homme cherche à se protéger d’une menace qu’il a construite tout seul comme un grand. Dans son rêve, Curtis fantasme une tempête digne de l’apocalypse. Certes, le pire n’est jamais à exclure et il est toujours à craindre. Nous avons tous une belle propension à l’imaginer. Tentés que nous sommes par le pire.

On peut passer une vie entière à observer le ciel en attendant que quelque chose nous tombe sur la tête, comme les Gaulois dans Asterix. Curtis va se prendre à ce jeu malsain et même finir par s’y abandonner totalement, allant jusqu’à bafouer les règles sociales élémentaires. Au diable son sens des responsabilités! Sa folie va peu à peu l’handicaper en le privant de tout discernement.

Cette menace est d’autant plus vicieuse qu’elle est imaginaire, donc elle n’a aucune limite et s’auto-nourrit dangereusement. Curtis est dans l’exagération. Un peu comme les habitants d’Amity sont terrorisés à l’idée de mettre un orteil dans l’eau car ils ne voient pas la menace (cf Les dents de la Mer). On sent une présence et cela suffit. Un requin blanc devient vite un monstre assoiffé de sang.

Alors qu’en réalité, on sait que les requins blancs ont autre chose à faire que de croquer des nageurs. Ils sont bien plus occupés à éviter les bouchers qui tentent de découper leurs ailerons (cf Les Seigneurs de la mer).

Curtis va perdre les pédales. Sa peur le submerge. La tempête vient de nulle part et donc de partout à la fois. Il l’entend tout le temps jusqu’à habiter son cauchemar. Au fur et à mesure que l’orage gronde dans sa tête, sa peur grandit.

There’s a storm coming like nothing you’ve ever seen and not a one of you is prepared for this.

Curtis s’isole. Le monde le prend pour un fou, ou un marginal. Personne n’aime se sentir isolé, en particulier ceux qui vivent déjà au fin fond de l’Ohio.

Curtis est pourtant bien le seul à voir la tempête arriver.

Is anyone seeing this?

take shelter

La différence entre l’illuminé et le visionnaire est d’ailleurs très subtile. Combien passent pour des imbéciles jusqu’à se vanter d’avoir dit avant les autres « Je vous avais dit que Lance Armstrong était dopé! » ou « Je vous avais dit qu’Harvey Weinstein était un pervers! »?

La tempête finale semble donner en partie raison à Curtis. Elle n’excuse en rien ses excès. Il faut toujours garder du recul pour ne pas tomber dans le jeu des démagogues qui s’improvisent prophètes a posteriori.

Cette peur dont Curtis est la victime consentante, on l’attribue volontiers à des provinciaux ou à des gens de peu d’éducation – employés sur les chantiers. Un peu comme on a plus facilement tendance à se réfugier dans l’abri proposé par l’extrême droite quand on vit dans un petit village du nord de la France et qu’on n’a pas envie que son pays se fasse envahir tout entier par les migrants (cf la Cravate).

Alors que quand on vit dans la capitale on a moins peur des étrangers car on en voit tous les jours. Et quand on lit autre chose que la presse people, on sait que la vie est un peu plus complexe qu’elle en a l’air.

La peur est contagieuse. Ainsi, la démence de Curtis finit par contaminer Samantha qui elle aussi se met à avoir des hallucinations. Que se passe-t-il lorsque les garde fous finissent eux aussi par perdre les pédales ? Qu’arrive-t-il au Titanic quand l’eau passe les quatre premiers compartiments ? Que se passe-t-il lorsque ceux qui sont censés tenir un discours d’intelligence se mettent à tenir un discours guerrier ?

Nous avons donc tous le devoir de ne pas céder à la panique et aussi l’obligation d’identifier les Curtis afin de les empêcher de descendre sous terre. Sinon ils finiront par réussir à enfermer tout le monde dans leurs abris. Dans un monde où la tempête s’annonce, la réponse ne peut pas être de s’isoler. La vie n’est pas faite pour être vécue sous terre (cf 12 Monkeys) ou loin du monde (cf Jusqu’au déclin).

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

5 commentaires

  • Intéressant comme point de vue, mais bien très personnel avec peu de recule, je trouve… En parlant de Curtis (sa tempête, sa folie). Vous considèrez de faite qu’il est malade, et qu’il transmet cette folie, à sa femme, Samantha.

    La clef et la réponse réside en leur petite fille, qui, à la fin, perçois elle aussi la tempête cataclysmique. Cette apocalypse est donc réel puisque cette petite n’aurait pas put l’inventer, d’autant plus que dans le bunker, c’est la seul qui est capable de ressentir l’orage avant d’admettre en langage des signes qu’il n’y a plus d’orage.

    Vous prenez partis et considérer de faire qu’il est malade, alors que les réponses sont pourtant la, non c’était prémonitoire, en revanche, son comportement n’est pas excusable dans la mesure où il a été égoïste selon moi et que ça peur à pris le dessus.

    • Merci Pseudotom, donc d’après vous, qu’est-ce que cela peut-il bien signifier? Qu’on ne devrait finalement pas prendre de haut ceux qui commencent à empiler les boîtes de conserve parce qu’ils sont dans le vrai?

  • ROMA • Explication de Film

Commentez ou partagez votre explication

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.