BIUTIFUL

BIUTIFUL

Alejandro González Iñárritu, 2010

LE COMMENTAIRE

Chacun change le monde à son échelle. Certains ont la responsabilité de prendre des décisions politiques qui vont impacter la vie de millions de personnes. D’autres changent le monde plus modestement, en faisant de leur mieux. Ils se lèvent aux aurores et travaillent dur. Pourtant même eux, malgré toute leur bonne volonté, ne peuvent changer le monde seuls.

LE PITCH

Souffrant d’un cancer foudroyant, un homme règle ses affaires.

LE RÉSUMÉ

Orphelin et divorcé de Marambra (Maricel Alvarez), Uxbal (Javier Bardem) élève tant bien que mal ses deux enfants dans un appartement pourri, loin du Barcelona coquet de Woody Allen. Il multiplie les petites arnaques pour tenter de maintenir la tête au dessus de l’eau et boucler les fins de mois grâce à ses dons de voyance.

En effet, Uxbal peut parler aux morts et faire passer des messages.

Puis le couperet tombe. Le pauvre Uxbal qui connaissait quelques difficultés au moment d’uriner est en fait diagnostiqué avec un vilain cancer de la prostate en phase terminale ne lui laissant que quelques mois à vivre.

Son amie Bea lui suggère de ne pas perdre ses forces dans une chimio inutile. Bea ne partage pas l’idée qu’il faille se battre jusqu’au bout (cf Interstellar, All is Lost). Elle est pour l’euthanasie (cf Mar Adentro), après avoir mis de l’ordre avant de quitter ce monde. Parce que les morts souffrent quand ils laissent des dettes.

You can give up, let yourself go… or grit your teeth and hang on like stupid people do.

Uxbal est très impliqué avec les immigrés clandestins. Il se démène et multiplie les plans foireux pour leur trouver du travail. De cette manière, il peut assurer un semblant d’avenir à ses enfants.

Malheureusement, il voit tous ses efforts s’effondrer un à un : les Africains se font prendre par la police, les Chinois meurent asphyxiés au gaz à cause d’un radiateur défectueux qu’Uxbal avait lui-même installé généreusement. Il est rongé de tous les côtés: par son cancer ainsi que par les scrupules.

Une dernière tentative de se remettre avec Marambra se révèle être un échec.

Sentant sa fin proche, il décide de confier ses économies et la garde de ses enfants à Ige (Diaryatou Daff). Elle s’en occupera mieux.

Uxbal peut partir en paix et retrouver ce père qu’il n’a jamais connu.

L’EXPLICATION

Biutiful, c’est faire ses valises.

Tout ce qui compte est ce qu’on laisse derrière soi (cf Broken Flowers). Encore plus quand on a des enfants. Tout ce qui obsède Uxbal est l’héritage qu’il va laisser à Mateo et Ana.

Look in my eyes, look at my face. Remember me, please. Don’t forget me Ana.

Uxbal est profondément altruiste. Il aurait certainement fait un père Noël ordurier : généreux, plein d’idées et sans un sou. Car une orange fait-elle encore le poids contre une Playstation? Peut-on vraiment en vouloir aux enfants de ne plus comprendre le sens de c’est l’intention qui compte?

Uxbal vient d’un monde où l’on ne revendait pas ses cadeaux de Noël sur internet dès le 26 décembre (cf Sorry we missed you). Il aurait plutôt du être pompier, celui qui vient récupérer le chat dans l’arbre rempli de frelons. Le pompier dont on a envie de tomber amoureuse – ou amoureux (cf Backdraft).

Uxbal est aussi profondément poli. Ce qui est une qualité qui se perd aujourd’hui, donc d’autant plus importante. Quand on voit ce qu’on risque de laisser derrière nous demain, entre une énième convention climat qui ne sert à rien d’autre que de constater la catastrophe et des régions données en pâture à l’extrême droite (cf la Cravate), on pourrait prendre exemple sur Uxbal.

La vie va vite. Le cancer foudroyant est là pour le rappeler. Et dans cette vie en accéléré, Uxbal donne l’impression de courir dans tous les sens comme un poulet sans tête. Jamais dans la bonne direction, à tenter de sauver des Africains ou des Chinois pour lesquels il faudrait plus qu’un seul Uxbal.

Il est une sorte de Sisyphe qui ne s’épuise jamais mais qui se disperse. Avec Marambra, il se repose sur la mauvaise personne. Il n’accepte de ne pas pouvoir réparer le passé.

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A bout de force, il va enfin réaliser que le peu d’énergie qui lui reste sera plus utile s’il le consacre à ses enfants. Uxbal découvre un peu péniblement qu’il n’est pas Superman (cf Hollywoodland). Juste un Catalan qui fait ce qu’il peut. Incapable de changer le monde à lui tout seul. Un monde trop grand pour ses petites mains. Il l’a oublié et pêché par orgueil.

Le cancer le rappelle à la réalité. Il n’est qu’un homme avec ses bonnes intentions et ses limites. Accepter de prendre moins de responsabilités, c’est aussi être plus efficace ou faire un peu moins de dégâts.

Il réalise qu’il peut faire le bien à hauteur de son petit périmètre. Un petit périmètre, c’est déjà pas mal. Uxbal donne ainsi une belle leçon à tous les Coluche en devenir qui ont le cœur plus gros que leurs mains.

L’altruisme commence d’abord par s’occuper de celles et ceux dont on peut s’occuper. On ne résout pas la misère du monde tout seul, malgré toute son énergie (cf Mission Impossible).

Par contre, on peut contribuer à limiter la casse en s’assurant déjà que ses deux enfants ne finissent pas dans une famille d’accueil. Pour cela, on peut demander de l’aide aux immigré·es, plus que d’essayer de les aider. Inversons les rôles. N’est pas bon Samaritain qui veut.

On ne vit pas tout à fait seul, ni ne meurt tout à fait seul non plus.

Lorsqu’on s’occupe de ce qui est à notre portée, on se concentre sur l’essentiel. Ce qui nous permet de mettre nos affaires en ordre afin de ne pas laisser d’ardoises. Ne pas accabler les générations suivantes qui ont bien de quoi s’occuper sans qu’on en rajoute.

Voyager léger vers l’autre vie. Retrouver les personnes qui ont compté, l’esprit clair (cf L’échelle de Jacob).

Les autres nous rejoindront bientôt.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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