MISERY
Rob Reiner, 1990
LE COMMENTAIRE
Pendant des siècles, les hommes ont imposé leurs sautes d’humeur aux femmes. La tempête commençait par des insultes injustifiées, suivies de coups bas, pour se conclure par des abus inexcusables. Aujourd’hui, les choses ont changé. Ce sont les femmes qui prennent le contrôle. Elles sont en colère, et elles ont parfaitement le droit de l’être.
LE PITCH
Alors qu’il vient de finir son roman, un écrivain se retrouve prisonnier du blizzard.
LE RÉSUMÉ
Paul Sheldon (James Caan) comme à son habitude finit son livre dans son chalet à la montagne. Il met ainsi un point final à une longue saga de Misery qui lui aura rapporté tant de succès – et d’argent frais. Alors qu’il quitte son chalet l’esprit serein, il se fait surprendre par le blizzard. Sa Ford Mustang sort de la route. Personne ne sait où il est (cf Buried). À l’époque il n’y a pas de téléphone portable. Peu importe de toute façon il n’aurait pas de réseau.
Nobody knows you’re here.
Heureusement pour lui, Annie Wilkes (Kathy Bates) le recueille chez elle et va l’aider à se remettre sur pieds. « Heureusement » jusqu’à ce qu’il découvre qu’Annie Wilkes est l’une de ses fans les plus assidues.
I’m your number #1 fan.
Car comme toute groupie qui se respecte, elle est aussi complètement cinglée. Le fait qu’Annie soit venue en aide à Paul ne doit rien au hasard, elle guettait ses moindres faits et gestes. Le romancier cloué au lit les jambes en morceaux est donc complètement à sa merci. Elle va découvrir son travail en avant-première.
Mauvaise surprise : elle ne supporte pas que Paul puisse mettre fin à la série des Misery. Alors elle brûle le travail de l’auteur, puis elle va le séquestrer et le torturer si besoin pour l’obliger à ré-écrire son roman.
God came to me last night and told me your purpose for being here. I’m gonna help you write a new book.
Amoureuse de l’artiste et maintenant de l’homme, Annie refuse de perdre Paul. Elle souhaite donc fêter le bouclage du retour de Misery comme il se doit : en se suicidant avec son auteur préféré.
Au prix d’efforts considérables, Paul réussira à se débarrasser d’Annie et à s’enfuir.
Rentré à New-York, il refusera la proposition de son agent (Lauren Bacall) qui aimerait le voir écrire un livre sur sa captivité. Paul veut oublier ce très mauvais souvenir qui le hante(ra) toujours.
L’EXPLICATION
Misery, ce sont les célébrités prises en otage par leurs fans.
L’artiste et ses fans entretiennent une relation quasi-conflictuelle. On reproche souvent aux stars d’être distantes. De ne pas répondre quand on les croise dans la rue. Insulte suprême : de refuser une photo quand l’occasion se présente. En tant que fan, rien de pire que de se prendre un vent par son artiste préféré! Smiley cœur brisé (cf La femme de Tchaïkovski).
Une fan isolée ne compte pas (cf Priscilla). Il faut donc pour les fan se constituer en un club de manière à peser dans la relation de force avec l’artiste. Ensemble, ils convaincus que l’œuvre leur appartient un peu.
You killed my Misery!
Donc par amalgame, ils pensent que l’artiste leur appartient également. Sans my major company, Grégoire ne serait pas devenu l’artiste qu’il est. À ce titre, il devient la co-propriété de celles et ceux qui ont financé son album. Le fan se transforme en actionnaire majoritaire de l’artiste. Si aucun contrat formel n’est jamais vraiment signé, l’artiste a quand même des responsabilité envers ses fans. Il peut bien leur offrir un petit album de temps en temps!
Il est vrai aussi que les fans font une place énorme à leurs influenceurs préférés (cf The American Meme). Ils courent avec eux dans les oreilles, ils prennent le métro avec eux, ils mangent devant eux, ils les lisent ou les écoutent même parfois le soir avant de s’endormir. Une confusion s’opère souvent dans la tête de certains fans qui finissent par vivre une vie d’emprunt à travers les personnages des uns ou les chansons des autres. Ainsi Annie s’imagine être l’amie intime de Misery Chastain.
L’artiste n’a rien demandé, même s’il est fier d’avoir une place de choix dans le cœur des gens. Il faut l’assumer. Les artistes sont parfois dépassés par leur popularité et sont nostalgiques de l’époque où ils pouvaient se balader au supermarché sans que la caissière les reconnaisse. Ils en viennent parfois à détester leur fans. Font appel à des gardes du corps ou des vitres teintées pour s’en protéger.
L’artiste se pense comme un esprit libre et il veut s’imaginer comme tel à jamais. On dit d’ailleurs l’artiste et ses fans, pas l’inverse. L’artiste veut pouvoir disposer de ses fans, pas en dépendre.
Alors qu’il ne construit pas son succès seul. L’artiste est presque prisonnier de ses fans comme Paul est ligoté sur le lit de Annie – qui aime pratiquer son revers à une main avec un maillet sur la cheville de l’écrivain.
Patrick Sébastien, Franck Dubosc, Arthur, Jean-Marie Bigard, Cyril Hanouna ou Sébastien Cauet se sont construits sur la France d’en bas (cf Les Tuche). S’ils finissent par en avoir marre des beaufs qui les poursuivent en réclamant des serviettes qui tournent, ils ne peuvent plus faire demi tour malgré tout.
C’est trop tard. On ne crache pas dans la soupe.
Voilà néanmoins comment l’artiste peut en venir à détester ses fans car il cherche sans cesse à leur reprendre un peu de sa liberté. Comme Paul essaie tant bien que mal de s’affranchir de l’autre dingue.
L’artiste a d’autant plus de raison de détester ses fans qu’aujourd’hui le téléchargement a remis pas mal de choses en perspective. Puisque maintenant les fans peuvent profiter de leurs artistes gratuitement. Brûler les manuscrits avant même qu’ils ne soient sortis. L’artiste n’est quand même pas bénévole.
Un peu comme un mariage dans lequel l’un des partenaires aurait envie d’aller voir ailleurs de temps en temps. D’autant plus compréhensible que les fans sont rarement exclusifs et couchent avec d’autres artistes. Les fans de Johnny sont connus pour leurs infidélités avec Eddy Mitchell, Michel Sardou ou Dick Rivers. Ajoutons à cela que les fans ne veulent même plus payer leur part au restaurant!
La monogamie prend du plomb dans l’aile.
Dire que Coluche prenait la défense des pauvres alors qu’ils n’ont que ce qu’ils méritent. Qu’on leur maintienne leur tête sous l’eau. Qui aujourd’hui a envie de venir en aide à une horde de piranhas ?
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