LE VILLAGE

LE VILLAGE

Night Shyamalan, 2004

LE COMMENTAIRE

Il faut sans cesse questionner les mythes fondateurs comme celui du Petit Poucet par exemple, qui a prétendu être perdu pour mieux polluer la forêt de ses cailloux. De la même manière le petit chaperon rouge, qui était en fait jaune, ne se promenait pas joyeuse dans les bois, convaincue que le loup n’y était pas. En réalité, elle était parfaitement consciente du danger. On pourrait même dire qu’elle avait grave la pétoche.

LE PITCH

Les habitants du petit village de Covington vivent dans la peur de ceux dont on ne parle pas.

LE RÉSUMÉ

Dans la Pennsylvanie du XIXe siècle on ne rigole pas avec les monstres. Edward Walker (William Hurt) et Alice Hunt (Seagourney Weaver), les membres fondateurs de la communauté de Covington, ne le savent que trop bien. Ils ont donc établi une série de règles comme de ne jamais porter de rouge car la couleur attire ces fameuses créatures de la forêt qui entoure la bourgade. Ceux dont on ne parle pas…

Tout se passe bien jusqu’au jour où le fougueux Lucius Hunt (Joaquin Phoenix), impatient de voir le monde, demande la permission d’aller en ville. Il voit sa requête aussitôt rejetée par le conseil des anciens. On ne se promène pas dans les bois. Point final. Lucius est têtu et commence à s’aventurer dans la forêt malgré les remontrances. Dans la foulée, des monstres sont aperçus dans le village, semant la panique chez les habitants.

Ivy (Bryce Dallas Howard), la fille d’Edward, déclare sa flamme à Lucius. Jaloux, Noah (Adrien Brody) poignarde Lucius et se retrouve enfermé jusqu’à nouvel ordre. Cette fois-ci, il n’y a plus d’autre choix que d’envoyer quelqu’un en ville pour trouver des médicaments et sauver Lucius.

Edward décide d’envoyer sa propre fille, malgré sa cécité. Il lui avoue que les monstres n’existent pas vraiment. Il s’agit simplement de membres du village qui se déguisent dans le but de dissuader les autres habitants de partir. Ivy est accompagnée de deux jeunes hommes pour traverser la forêt mais ceux-ci prennent peur et l’abandonnent dans les bois.

Ivy finit par s’échapper (cf Truman Show). Recueillie par Kevin, un patrouilleur tout surpris de découvrir quelqu’un sortir des bois, lui qui pensait surveiller un parc animalier. Il apprendra de la bouche de son patron (Night Shyamalan) que cette réserve est en fait la propriété d’Edward Walker. Lui et ses amis ont fondé ce village en 1970 suite à une série de drames personnels.

Ivy ignore tout de cette pesante vérité. Elle récupère les médocs et s’en retourne illico au village. Aveugle, mais pas stupide. Elle se doute bien que quelque chose d’étrange se joue. Le conseil décide de ne pas sortir de son mensonge, et de continuer à fermer les yeux – comme si de rien n’était.

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L’EXPLICATION

Le Village, c’est une prise d’otages déguisée.

Une poignée de bourgeois a décidé de se retirer du monde parce qu’il le trouvait trop violent. Accablés par la perte d’un proche, ils ont décidé d’aller se planquer dans les bois et faire semblant de vivre comme au XIXe siècle. Pour vivre heureux… (cf Une vie cachée). Réfugiés dans une fiction que le conseil des Sages a élevé au rang de réalité (cf Canine). Retour vers le passé.

Ce que réalisent Edward et Alice est une performance en soi car aujourd’hui, il n’est plus possible de vivre incognito nulle part. Ces exilés volontaires se sont fabriqués leur propre société utopique sur un gros mensonge et quelques superstitions (cf Problemos). Par exemple, on ne porte pas de rouge car cette couleur attire les monstres. On force tout le monde à s’habiller en jaune car cette couleur est protectrice. Et on cocufie tout le monde au passage.

Ce que vivent Edward et Alice est également très banal car nous sommes tous, dans une moindre mesure, les prisonniers volontaires d’un même village où quelques ‘sages’ forcent la génération future à vivre dans un fantasme. Sur la défensive, comme des Parisiens qui seraient partis vivre dans le Perche un peu plus longtemps qu’un weekend et qui diraient à leurs enfants de se méfier des gens de la ville.

La tentation du village est forte : C’est là où tout commence. La France de TF1 ou de Leclerc. Au village on y fait la fête, en chantant des airs bien de chez nous. Que cela nous plaise ou non, nous sommes tous des gens du village. On rêve d’en partir puis on désespère d’y retourner. Le village est le cocon paradoxal. On ne peut pas y vivre tout sa vie.

Who do you think will continue this place, this life? Do you plan to live forever?

L’équilibre qu’Edward et Alice tentent de maintenir dans la durée est donc impossible. Le mensonge ne dure qu’un temps. Le monde est sauvage par définition et on ne peut pas lui échapper. Bien que retranchés dans un camp idéalisé (cf The Beach), personne ne peut empêcher Noah de poignarder Lucius. La violence les rattrape (cf there will be blood).

Les murs de ce petit monde finissent immanquablement par se fissurer. On ne peut pas non plus lutter contre le progrès incarné par Lucius. Quand on sait qu’on ne peut pas lutter contre la vie, en bien comme en mal, pourquoi se la compliquer?

Sometimes we don’t do things we want to do so that others won’t know we want to do them.

Le repli sur soi apparaît comme une tentation naturelle, et néanmoins malsaine. Surtout, elle ne sert à rien puisqu’elle ne peut pas empêcher le monde de tourner. Inutile de fermer les yeux ou brandir une menace fantôme pour aveugler ses propres enfants.

I see the world, Lucius Hunt. Just not as you see it.

On ne peut rien contre le progrès, ni contre l’amour.

The world moves for love.

L’amour est porté par le besoin d’aller vers l’autre. La main tendue.

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On peut essayer de lui tourner le dos et être malheureux dans sa baignoire (cf Love) ou on peut l’accepter et en faire son moteur. L’amour finit toujours par triompher de tout.

It is amazing what two people love chooses to unite, it follows no rules.

L’Amour est la vie. Ce qui pousse Ivy à se promener dans les bois, au nez et à la barbe du loup. Plus fort que le travail (cf Punch Drunk Love) ou que le temps (cf Interstellar). On n’avait qu’à ré-écouter les Beatles ou Aloe Blacc. L’Amour est cool. Une belle leçon qui devrait donner des envies d’ouverture à Edward et Alice. Ne pas vivre retranchés dans son Moyen-Âge. Reprendre des risques. Promenons-nous à nouveau dans les bois, malgré la possibilité qu’un loup hypothétique puisse s’y trouver.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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