ORANGE MÉCANIQUE

ORANGE MÉCANIQUE

Stanley Kubrick, 1971

LE COMMENTAIRE

Passer des heures devant des écrans n’est pas encore considéré comme une véritable addiction sur le plan médical. Néanmoins, on peut déjà observer des conséquences sur le plan comportemental. Aujourd’hui, tout est fait pour nous obliger à regarder des contenus souvent toxiques ou qui n’ont tout simplement pas vocation à nous éveiller (cf The Social Dilemma). Nous n’en sommes encore qu’aux prémices d’une nouvelle forme de violence.

LE PITCH

Un chef de gang et ses droogs se préparent à un peu d’ultra-violence.

LE RÉSUMÉ

Après s’être enfilé un bon verre de Moloko Plus au Korova milk bar en compagnie de Georgie (James Marcus), Dim (Warren Clark) et Pete (Michael Tarn) ; Alex (Malcolm McDowell) sonne la charge. La bande se met en appétit en tabassant un SDF sous un pont, avant d’enchaîner par une petite baston contre la bande de Billyboy.

Alex et ses hommes foncent ensuite sur les routes d’Angleterre à bord d’une Durango volée pour s’inviter chez l’écrivain F. Alexander (Patrick Magee) qu’ils estropient tandis qu’Alex viole sa femme sur l’air de Singing in the Rain.

I’m ready for love.

Le lendemain matin, l’agent de probation d’Alex (Aubrey Morris) le met en garde.

Next time, it’s not going to be the corrective school anymore.

Alex se fiche pas mal des avertissements mais ne voit pas la révolte de ses droogs poindre. Trahi par les siens, il est arrêté puis incarcéré. Sélectionné pour servir de cobaye à un programme expérimental de réinsertion, Alex est contraint à regarder des scènes de brutalité, sur fond de Beethoven. Cette technique de conditionnement vise à le dégoûter de toute forme de violence.

I’ve learned me lesson, sir.

Remis en liberté puis mis à la porte par ses parents, il se fait tabasser à son tour par le SDF qui l’a reconnu. Secouru par deux policiers qui ne sont autres que Georgie et Dim qui se vengent au reste. Alex rampe à moitié mort vers la maison la plus proche qui se trouve être celle de F. Alexander. L’écrivain devenu paraplégique travaille à présent contre le gouvernement dont il cherche à dénoncer les méthodes barbares.

Il se souvient de son agresseur quand Alex fredonne Singing in the Rain dans son bain. F. Alexander pousse Alex au suicide, faisant d’une pierre deux coups: il se venge et prouve l’inefficacité de la méthode Ludovico.

Alex survit cependant à ses blessures. À l’hôpital, le Ministre vient lui rendre visite devant un parterre de journalistes sur l’air de la 9e symphonie.

Alex a de nouveau des visions d’ultra-violence. Il est guéri.

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L’EXPLICATION

Orange Mécanique, c’est le dérèglement de la société.

Qui mieux que le SDF, mis à l’écart par la communauté, peut résumer la situation avec lucidité?

It’s a stinking world because there’s no law and order anymore, it’s a stinking world because it lets the young get on to the old, like you done. Oh, it’s no world for an old man any longer. What sort of a world is it at all? Men on the moon, and men spinning around the earth, and there’s not no attention paid to earthly law and order no more.

Ce n’est effectivement pas un monde où il fait bon vieillir (cf No Country for Old Men). Où le progrès technologique côtoie la corruption. L’idée de limite a explosé et surtout la notion de respect a été oubliée. Une situation d’urgence pour une jeunesse qui se radicalise (cf Les Misérables).

La société paie effectivement les pots cassés par le meurtre d’une protectrice des animaux et du viol d’une artiste:

A victim of the modern age!

La réaction instinctive est de corriger, c’est à dire rétablir. Pour cela, la société confie ses enfants aux autorités supposées compétentes qui se servent des nouveaux outils de la jeunesse pour mieux faire passer leur message à travers l’image et le son. Un peu comme on peut se servir des réseaux sociaux aujourd’hui.

Cela fait tout d’abord son effet sur Alex.

It’s funny how the colors of the real world only seem really real when you viddy them on the screen.

S’il est important de se mettre au goût du jour, ce n’est cependant pas suffisant. La société échoue lamentablement dans son approche trop en surface. Elle n’a pas réfléchi au fondement. Tout comme le discours politique manque à la fois de hauteur et de profondeur. Les autorités mettent un pansement sans se préoccuper du mal. Elles cherchent à guérir plutôt que de prévenir. La société occulte tout simplement le problème qui est que sa jeunesse est dans l’action, pas dans la réflexion.

But suddenly I viddied that thinking was for the gloopy ones and that the oomny ones use, like, inspiration and what Bog sends.

L’action n’est pas une mauvaise chose pour peu qu’elle bénéfice d’une direction, ce qui n’est pas le cas. Elle va donc dans le mur. C’est l’accident. La société essaie alors de réparer. Elle corrige sans éduquer et propose donc la mauvaise leçon. Pire, elle passe en force comme un parent hors la loi qui essaierait de mettre une série de claques à son enfant turbulent pour l’aider à compter jusqu’à vingt. En insistant, la société abrutit la jeunesse plutôt que de la responsabiliser.

Goodness is something to be chosen. When a man cannot choose he ceases to be a man.

Sans parler du fait que la société obsédée par le moment présent n’a pas réfléchi une seconde à la question de l’après. Quand Alex retourne à la vie civile, qui est violente, non seulement il n’a plus les moyens de se défendre mais en plus il n’a même plus de domicile pour se reconstruire. Cette absence de pédagogie et de cadre plonge Alex dans une profonde dépression, qui explique le désarroi d’une partie de la jeunesse.

I can’t see much in the future, and I feel that any second something terrible is going to happen to me.

Ce qui explique pourquoi certains sont confortés dans la violence de leurs convictions. Les droogs ont continué à brutaliser et le font maintenant au nom la police, impunément. La société a enfanté la violence et l’a rendue légitime.

Violence makes violence.

Alex finit presque logiquement par redevenir lui-même. Chassez le naturel, il revient au galop. La société n’a tout simplement pas accepté qu’il faut que jeunesse se passe. Au lieu de cela, elle ne s’en est pas souciée une minute et se retourne aujourd’hui en ne pouvant que constater le désastre. Nous sommes des parents dépassés, au bord de leur piscine, incapables d’accepter notre âge et nous sentant menacés par nos propres enfants. Victimes d’un jeunisme que nous avons nous-mêmes prôné (cf le casse du siècle) et subissant en direct le drame de la chirurgie cosmétique (cf Brazil).

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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