ALICE AU PAYS DES MERVEILLES

ALICE AU PAYS DES MERVEILLES

Clyde Geronimi, Wilfred Jackson, Hamilton Luske, 1951

LE COMMENTAIRE

On peut rationaliser la vie autant qu’on veut pour se rassurer, force est d’admettre que certains événements nous échappent. Nous n’avons pas réponse à tout. Il est parfois difficile de savoir faire la différence entre sa droite et sa gauche. Ce qui ne doit, en aucun cas, nous empêcher de garder le sourire.

LE PITCH

Une jeune fille tombe dans un trou à la recherche d’un lapin pressé.

LE RÉSUMÉ

La jeune Alice, totalement distraite, abandonne sa leçon d’histoire pour s’intéresser à un lapin blanc qui s’active le long de la rivière.

I’m late, I’m late, I’m late!

En voulant le suivre, elle chute dans un trou sans fond où tout est à l’envers. Après avoir changé plusieurs fois de taille, elle est aspirée par le trou d’une serrure. Enfermée dans une bouteille, elle suit Dodo et sa bande dans une course saugrenue sur l’océan jusqu’à atteindre la rive où elle perd le lapin blanc dans la forêt. Elle fait la rencontre de Tweedledee et Tweedledum qui lui racontent l’histoire du Morse et du Charpentier pour la mettre en garde contre sa curiosité.

Alice n’en a que faire. Elle continue de s’aventurer dans la forêt où elle rencontre tour à tour le pauvre lézard Bill, une assemblée de fleurs, une chenille géante fumeuse de narguilé puis le Chat de Chester qui la renvoie chez le Chapelier Toqué et le Lièvre de Mars. Après avoir fait la fête en leur compagnie et essayé de boire un peu de thé, Alice reprend sa route.

Perdue au fin fond de la forêt de Tulgey, Alice commence à désespérer. Le lapin blanc a disparu. Elle ne rentrera certainement plus jamais chez elle. Le Chat-foin réapparait pour la réconforter et l’orienter vers la Reine de Coeur – la seule qui soit apparemment capable de l’aider à retourner d’où elle vient. La Reine lui propose une partie de croquet qui tourne mal. Elle s’énerve et finit par réclamer la tête d’Alice. Le Roi obtient qu’on lui fasse quand même un procès.

Les témoins se succèdent lors d’une audition fantasque. Alice mange un reste de champignon qui lui permet de grandir et d’impressionner la Reine, juste le temps pour elle de s’enfuir avec tout le monde à ses trousses. Bloquée par une porte, elle s’aperçoit assoupie de l’autre côté de la serrure.

C’est alors que sa soeur la réveille.

Come along it’s time for tea!

L’EXPLICATION

Alice au Pays des Merveilles, c’est pas le paradis.

Alice est une rêveuse qui n’arrive pas à se concentrer sur sa leçon d’histoire. Elle n’en a pas envie. Préfigurant déjà une génération qui n’arrive plus à s’intéresser à quoi que ce soit qui ne soit pas imagé ou animé. Elle privilégie clairement la forme au fond. Le moteur d’Alice est le divertissement.

In my world, the books would be nothing but pictures.

Problème. Dans l’Angleterre Victorienne (cf Jane Eyre), l’heure n’est pas au divertissement. Les femmes sont inférieures aux hommes. Elles ne peuvent ni agir, ni décider par elles-mêmes (cf Mary Shelley). Elles doivent se cantonner aux études littéraire dans l’attente de trouver un mari dont elles deviendront la propriété (cf Dracula). Alice a donc l’obligation de se tenir bien droite et rester à sa place, obéissante. Elle n’en éprouve pas le désir. Aventureuse. Elle a besoin d’un peu de fantaisie et de créativité. Alors plutôt que d’écouter sa soeur, elle préfère n’en faire qu’à sa tête. Elle part dans ses divagations.

If I had a world of my own, everything would be nonsense. Nothing would be what it is because everything would be what it isn’t. And contrary-wise; what it is it wouldn’t be, and what it wouldn’t be, it would. You see?

Derrière la porte, elle va trouver ce fameux monde de différences qu’elle cherchait tant.

Nothing’s impossible.

Les repères y sont brouillés. L’apesanteur n’existe plus. Les proportions sont capricieuses. Le langage n’obéit plus à aucune règle. Cet univers inattendu semble parfaitement adapté pour elle qui ne demande qu’à suivre son instinct et sa curiosité ; contre lesquels tout le monde ou presque l’a pourtant mise en garde.

Curiosity often leads to trouble.

Elle continue néanmoins de suivre le lapin blanc (cf Matrix), ignorant les remontrances de la chenille.

Keep your temper.

Alice se prend au jeu. Elle s’enfonce dans cette forêt et plonge de plus en plus profond dans la folie.

Most everyone’s mad here.

alice

Elle finit par perdre patience avec le Chat-foin parce que celui-ci ne lui apporte pas les réponses qu’elle réclame. Il ne cherche pas à l’embrouiller. Simplement, il lui explique que la vie est une question de choix et qu’il n’y a pas de bonne ou mauvaise décision.

I was just wondering if you could help me find my way.

Well that depends… on where you want to get to!

Alice ne s’amuse plus dans cette anarchie. Elle se perd dans l’absence de règle. Seule et désorientée, elle regrette l’ordre du monde qu’elle cherchait à fuir.

It would be so nice if something would make sense for a change.

Elle réalise que cet endroit n’est qu’un miroir aux alouettes. Ce monde sans fond n’est pas vivable. Elle est tombée dans un trou rempli de vide. Pas de conversation structurée avec le Chapelier Toqué. Et le Chat-Foin ne fait que se moquer d’elle. Insupportable. C’est à elle de mettre du sens là où il en manque.

Ce fameux Pays des Merveilles est un endroit trompeur pour Alice car il n’est pas si différent de la réalité qu’il en a l’air finalement. Ce paradis a même des allures de métropole, peuplé de gens pressés, à l’image du lapin blanc qui court après la montre sans jamais vraiment savoir pourquoi.

The time! The time! Who’s got the time?

Et puis cet endroit est à la merci d’une patronne d’entreprise qui n’écoute que ses caprices et menace de couper les têtes pour un oui ou pour un non.

I warn you, child… if I lose my temper, you lose your head!

Le Pays des Merveilles ressemble donc à une publicité mensongère. Il est néanmoins révélateur. En effet, ce voyage aura permis à Alice de comprendre qu’elle ne peut tout simplement pas échapper au monde. Il lui faut évoluer dans la réalité, pas en dehors. Elle est d’ailleurs presque contente de se réveiller.

Une fois ses esprits retrouvés, il est temps pour elle de se mettre à bosser. La petite fille va pouvoir devenir femme (cf Working Girl). C’est tant mieux, le vrai monde a besoin d’elle. Plein de combats décisifs pour le droit des femmes l’attendent.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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