AMERICAN ANARCHIST

AMERICAN ANARCHIST

Charlie Siskel, 2016

LE COMMENTAIRE

Il faut se méfier de l’eau qui dort. De la même manière qu’il faut se méfier du grand-père presbyte aux cheveux gris, qui tapote gentiment sur son clavier dans l’intimité feutrée de son bureau. Ses étagères sont remplies de livres. Les murs ornés de diplômes ou d’oeuvres d’art. Derrière chaque papy sympa se cache un ancien révolutionnaire enragé.

LE PITCH

Un anarchiste tente de faire marche arrière sur ses vieux jours.

LE RÉSUMÉ

William Powell fut l’auteur du livre The Anarchist Cookbook à l’âge de dix neuf ans. Aujourd’hui, il vit reclus avec sa femme dans le petit village de Massat, en France. Il évoque son passé de jeune rebelle, profondément marqué par les manifestations des années 70 réprimées dans la violence.

I was in the process of forming an opinion about politics, about myself.

The Anarchist Cookbook va être sa réponse au système, en forme de doigt d’honneur. Dans le livre, il y parle de son désenchantement.

There’s no justice left in the system. The only justice is that which the individuals create themselves and the individual is helpless without a gun.

Surtout il y explique comment manier des armes ou encore fabriquer ses propres explosifs, après avoir consulté des livres accessibles en bibliothèque. Il explique pourquoi:

To take what the military had and put it in the common domain so it was accessible to everyone.

William Powell re-parcourt aujourd’hui les pages de son livre, non sans une certaine forme de honte.

I was pleased with that at the time. Now I think it’s absolute rubbish.

Et pour cause : son livre, tiré à près de 500.000 exemplaires, avait fait immédiatement scandale avant que les ventes ne chutent doucement.

William Powell est devenu père. Il s’est rapproché de l’Église Anglicane puis reconverti dans l’enseignement. Oublié The Anarchist Cookbook, jusqu’à ce qu’il refasse surface de manière macabre: la tuerie de Colombine, le massacre d’Aurora, les attentats d’Oklahoma City.

À chaque fois, les auteurs avaient lu le Cookbook.

L’attitude de William Powell envers son livre est ambivalente. Il le condamne aujourd’hui à travers son interview sans l’avoir vraiment dénoncé, sauf lorsqu’il a demandé à Amazon de ne plus vendre son livre.

Par ailleurs, il a continué à toucher les royalties issus de la vente du livre. Powell se sent responsable bien qu’il n’ait rien fait de mal – si ce n’est d’écrire un livre.

Il a voulu prendre ses distances. Le livre l’a suivi partout où il est allé. Persona non grata.

En creusant l’enfance de Powell, on découvre un élève qui n’est pas à la hauteur des espérances de son père diplomate. Il fut tyrannisé en Angleterre parce qu’il était Américain puis moqué à son retour aux États-Unis pour son accent anglais. Abusé sexuellement par l’un de ses professeurs. Cela n’excuse malheureusement rien.

Tout au plus, on comprend peut-être pourquoi son livre a trouvé un écho particulier auprès des jeunes paumés qui se sont rendus coupables des atrocités sus-mentionnées.

Juste après le Cookbook, il avait écrit un roman historique intitulé the first casualty dont le protagoniste est Gavrilo Princip, un étudiant qui clamait qu’on lui avait volé son pays et qui se voyait comme un soldat de la liberté. Tiens donc.

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L’EXPLICATION

American Anarchist, ce sont les écrits qui restent.

On a heureusement le droit d’évoluer avec le temps. Parce qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Comme bon nombre de révolutionnaires, William Powell s’est assagi avec les années. Il est rentré dans le rang.

Un homme doit néanmoins assumer ses actes ou ses paroles. William Powell donne au passage une leçon à tous les jeunes qui partagent absolument tous leurs états d’âme sur les réseaux sociaux sans se soucier des conséquences.

The footprints last for ever.

William Powell a écrit un livre « au nom de la liberté ».

I think I was advocating for people to think for themselves.

Son Cookbook inspira de nombreux désaxés (cf Nitram). Comment leur reprocher ? Que peut-on faire d’autre après avoir lu pareil livre si ce n’est d’essayer de construire sa propre bombe artisanale ?

Powell n’a de cesse de clamer que ce n’était pas là son intention.

There’s no call to action in the book itself.

Il est vrai qu’au dos de son livre, on peut trouver la mention suivante:

Use care, caution and common sense. This book is not for children or for morons.

C’est quand même se dédouaner un peu facilement.

I have no idea what the vast majority of people have done with this book.

William Powell n’a certes pas ordonné à James Holmes, Dylan Klebold ou Eric Harris de tuer des gens. Il les a pourtant malgré tout aidés d’une certaine manière.

On repense au sketch « Gardez Sakharov! » de Pierre Desproges dans lequel l’humoriste accusait Robert Oppenheimer de se plaindre que ses travaux atomiques eut été détournés à des fins militaires.

Il ne s’agit pas ici de faire le procès de William Powell, qui aurait pu demander à ce que le livre soit retiré de la vente. Sa carrière et sa vie en ont souffert. Aujourd’hui, il est exilé dans l’Ariège.

Il faut considérer William Powell avec un peu de perspective, comme un maillon d’une chaîne. Un ingrédient, comme peut l’être la violence dans les jeux vidéos ou les fabricants d’armes.

I wonder what sense of responsibility the factory worker has who makes the Smith & Wesson.

Powell se revendique de Gavrilo Princip qui a mis le feu à l’Europe « par accident ». C’est faux. Powell est avant tout un pur produit de l’Amérique: un jeune intellectuel épris de liberté qui se rebelle contre l’autorité avec violence, dans les mots.

D’autres moins intellectuels poursuivront cette logique de violence, dans les actes cette fois-ci.

Quand l’Amérique, dont le port d’arme constitue le deuxième amendement de sa Constitution, se plaint de toute cette violence, l’hôpital se fout de la charité.

The Anarchist Cookbook est le fruit du climat politique des années 70 et il conduit aux drames des années 2000. C’est dans l’ordre des choses.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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