SEUL EN MER

SEUL EN MER

J. C. Chandor, 2013

LE COMMENTAIRE

Sous ses faux airs latinos, Éric Morena n’en est pas moins né à St Omer, pas très loin de la Manche. On espère qu’il connaît bien la mer parce qu’il a suffisamment chanté son amour du bateau. Une manière pour lui de fuir ses problèmes, nu sous le ciel étoilé, dans un concert de crevettes qui lui criaient olé olé. Chacun sa façon de procéder. Il est certainement plus lyrique de fuir ses problèmes ainsi plutôt qu’à coups d’anti-dépresseurs. Même si cela n’empêche pas de couler. Alors autant rester philosophe…

LE PITCH

En plein milieu de l’Océan Indien, un marin fait naufrage.

LE RÉSUMÉ

Un homme (Robert Redford) est réveillé par de l’eau qui s’invite dans son bateau. Il vient d’être percuté par un container. Le mal est fait. La brèche est béante. Le marin prend l’étendue des dégâts et garde son calme. Il bouche le trou avec quelques morceaux de bois, de la toile et de la paraffine. Quelques heures pour se reposer puis se remettre à la tâche en pompant tout ce qu’il peut pour évacuer l’eau. Le soleil se couche. Il admire le spectacle. Sa réparation de fortune semble tenir.

Il faut désormais réparer la radio pour envoyer un message de détresse. Regarder sa position sur la carte. Peut-être lire une ou deux pages d’un manuel. Essayer en tout cas.

This is The Virginia Jean with an SOS call, over.

Ne pas réussir. Boire un bon coup de whisky pour se donner du courage. Manger un peu de pâtes pour se donner des forces. Recommencer.

Il monte en haut du mat pour réparer l’antenne radio et constate qu’une tempête tropicale approche. L’affronte avec courage puis passe quand même par dessus bord.

Parvient à remonter sur son bateau qui finit par se retourner. Jette alors son canot de sauvetage à la mer. Le lendemain, les dommages sont sévères.

Emporter ce qu’on peut: quelques boites de conserve, un jerrican d’eau. Sur son canot, la marin étudie ses cartes et remarque qu’il dérive près d’une route commerciale avec peut-être l’espoir d’être repéré par un navire de la marine marchande (cf Seul au monde).

Il traverse une nouvelle tempête. Son jerrican d’eau a été contaminé par de l’eau de mer imbuvable. Les nerfs craquent. Le temps lui est maintenant compté. S’accrocher. Expérimenter. Dans son équipement de survie, il trouve de quoi pêcher. Il se déshydrate. Blessé au front, sa peau est brûlée par le soleil.

Un cargo s’approche. Il allume des fumigènes.

I’m here!!! Help!!! I’m here!!!…

Personne ne le remarque, ni ne s’arrête.

Sa ligne se met à mordre. Malheureusement, sa prise lui est volée par deux requins (cf Le vieil homme et la mer).

Le 8e jour il déchire un morceau de son journal et demande pardon.

13th of July, 4:50 pm. I’m sorry. 

La nuit suivante, à bout de force et croyant voir une lumière au loin qui n’était peut-être que la réflexion de la lune sur l’océan, il allume un feu sur son canot qui finit par s’enflammer. Désespéré, il se laisse couler lentement.

Sous l’eau, il aperçoit de nouveau une lumière. Il parvient à nager miraculeusement jusqu’à la surface pour attraper la main qu’on lui tend.

sans-titre-81

L’EXPLICATION

Seul en Mer, c’est tout donner.

À bien y réfléchir, on n’est pas plus gros qu’un petit bateau sur l’océan. Prêt à affronter l’imprévu. On mène sa barque, seul en mer.

La vie ne commence vraiment que lorsque l’on est frappé par accident. Ce pauvre marin ne demande rien à personne puis rentre malencontreusement en collision avec un conteneur poubelle qui n’avait rien à faire là. Rageant. Sûrement évitable. Comme quoi, il faut se méfier de l’eau qui dort. Malheureusement, les accidents arrivent et il faut apprendre à composer. On se réveille.

Face à cet imprévu, la vie devient une suite de prises de décisions stratégiques. Rien ne sert de s’exciter. Il faut calculer et réparer, avec méthode. Puis s’ajuster si l’on veut s’en sortir. La vie est encore belle au couché du soleil. Ce qui s’apprécie, même avec un trou dans la coque.

Apprendre à vivre à 80%.

Un malheur n’arrive jamais seul. Une fois qu’on est fragilisé, on s’expose. On doit affronter la tempête, celle qui vous maintient la tête sous l’eau. Boire la tasse. On ne se laisse pas faire (cf Interstellar). Après l’ouragan, il ne reste que des décombres. On sauve ce qui peut l’être.

Apprendre à vivre à 40%.

Tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir. On n’a pas fait tous ces efforts pour démissionner maintenant. Alors on fait avec les moyens du bord. On se débrouille, on se surprend, on trouve des ressources. Alain Bompard l’a fait, alors pourquoi pas nous? L’horizon nous rappelle que tout est possible.

Et puis les banderilles: l’eau salée qui nous intoxique. Les requins qui nous volent nos derniers espoirs. Ces bateaux gigantesques d’une vie qui continue sans nous, ceux là mêmes qui transportent les conteneurs qui sont à l’origine du naufrage. Torpillé par la vie.

Désormais contraint d’envisager l’inéluctable. Cette fois, on pense à Tabarly. À l’après. On prend ses précautions. Laisser un testament dans lequel on s’excuse, platement. Forcément.

L’espoir nous quitte lentement. C’est la résignation. La lucidité nous quitte d’abord. On lutte pour ne pas perdre sa dignité. L’instinct de survie.

Apprendre à vivre au radar.

Dans ce parcours d’embûches, on finit par faire une erreur fatale. Ce sont toujours les meilleurs nageurs qui se noient. On met le feu à la maison par inadvertance. Se retrouvant véritablement dans la peau de l’homme à la mer d’Etienne Daho, seul et abandonné.

On s’est battu, cela valait la peine quand même. Ne plus rien avoir à se reprocher. Partir la conscience tranquille. Faire la paix. Ce sera l’obscurité des profondeurs (cf Abyss) ou peut-être une main qui nous hissera peut-être vers la lumière (cf Seul sur Mars) ?

Dans tous les cas, il nous faut apprendre à mourir.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

10 commentaires

Commentez ou partagez votre explication

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.