MEAN STREETS

MEAN STREETS

Martin Scorsese, 1973

LE COMMENTAIRE

Les pilotes de Formule 1 (cf Senna) rentrent aux stands pour changer leurs pneus. Dans les vestiaires, les joueurs de football ont la mi-temps pour se dire les choses. Des couples s’offrent des parenthèses pour réfléchir. Les employé·es se prennent des pauses clopes pour debriefer des derniers ragots. Quelque invité·es vont en cuisine pour bitcher (cf Cuisine et dépendances). D’autres vont à l’Église tous les dimanches pour se faire pardonner de leurs erreurs de la semaine.

LE PITCH

Un homme fait carrière dans la criminalité et tente de gérer ses scrupules.

LE RÉSUMÉ

Charlie (Harvey Keitel) est un gangster en devenir. Poli, intelligent et ambitieux, il peut s’appuyer sur son oncle Giovanni (Cesare Danova) qui est respecté dans tout Little Italy. Son ami Johnny Boy (Robert de Niro) ne peut pas en dire autant. Il n’a pas de piston. C’est un joueur dégénéré et il accumule les dettes à droite et à gauche, notamment auprès de Michael Longo (Richard Romanus) qui commence à s’impatienter de ne jamais être remboursé. À un moment, ça n’est plus une question d’argent mais une question d’ego. Johnny jure qu’il va payer.

I swear to my mother, I swear to Christ come on!

En réalité, il ne craint rien. Personne n’ose le toucher puisqu’il est ami avec le neveu de Giovanni. Ce serait déclencher une querelle politique qui n’en vaut pas la peine.

Charlie entretient une liaison secrète avec Teresa (Amy Robinson), la cousine de Johnny Boy. Elle souffre d’épilepsie, ce qui lui vaut d’être isolée du monde. Giovanni désapprouverait une telle relation s’il l’apprenait. Il ne voit pas non plus d’un bon oeil que Charlie couvre autant Johnny Boy. Le Don fait passer ses messages…

Honorable men go with honorable men.

La vie continue. Charlie collecte un peu d’argent ici et là, plus ou moins facilement. Cela se finit souvent par une bagarre, puis par un verre, entre gentlemen.

Let’s have a drink and forget about it.

Avant une nouvelle bagarre!

Charlie se retrouve coincé entre son oncle et Teresa, Johnny Boy et Michael. Il tente de trouver le réconfort auprès de Jésus, sans espoir. Au point qu’il considère même se sacrifier tel un martyr.

L’épée de Damoclès au dessus de la tête de Johnny se rapproche dangereusement. Charlie couvre encore et toujours, autant qu’il peut. Michael, las d’être ridiculisé, réclame son argent.

That kid doesn’t show up tonight I’ll find him.

Malheureusement, Johnny se moque une nouvelle fois de lui en lui promettant $30 et en ne lui en donnant que 10.

You’re too good for those $10?

Puis il sort un calibre. Michael tourne les talons, vindicatif. Charlie est gêné et ne sait plus quoi faire. Il a totalement perdu le contrôle.

Johnny accepte en fin de quitter New York, le temps que l’histoire se tasse un peu. Charlie le conduit en dehors de la ville. La voiture de Michael s’approche. Jimmy Shorts (Martin Scorsese) se charge d’abattre Johnny.

Fin de l’histoire.

L’EXPLICATION

Mean Streets, c’est la figure du bon Samaritain.

Charlie est hautement Catholique. Il a eu la chance de ne pas se faire tripoter par un curé (cf Spotlight), donc pour lui la religion c’est très sérieux. De celles et ceux qui vont à l’Église en dehors du dimanche et qui parlent à Jésus sur la croix. Les principes sont suivis à la lettre.

Rien dans la Bible n’indique que les fidèles puissent se permettre d’avoir une aventure avec une personne qui ne partage pas leur couleur de peau. Alors mieux vaut ne pas prendre de risque. Dans le doute.

She’s really good looking. But she’s black.

Attention : Charlie n’avale pas l’ostie les yeux complètement fermés (cf Eyes Wide Shut). Il s’interroge et remet en question les règles du Seigneur qui ne lui paraissent pas faire de sens.

If I do something wrong, I just want to pay for it my way. So I do my own penance for my own sins.

Sa dévotion le pousse néanmoins à prendre le vilain petit canard Johnny sous son aile. Car le bon Samaritain est celui qui a fait sienne la devise Tu aimeras ton prochain comme toi même. Il ne questionne pas du tout ce principe. Ce qui pourrait lui causer des ennuis d’ailleurs.

Mais il a le Seigneur derrière lui, et le Seigneur est encore plus fort que don Giovanni. On ne peut pas se tromper.

Cela ne l’empêche pas de souffrir. Sa morale chrétienne au dessus de tout soupçon ne lui rend pas la vie facile.

The pain in hell has two sides, the kind you can touch with your hand, the kind you can feel in your heart, the worst of the two is the spiritual.

Charlie ne profite jamais vraiment de rien. Il voit Teresa, dans le secret. Il protège Johnny parce qu’il fait son devoir envers Dieu, tout en allant à l’encontre de son oncle. C’est compliqué d’être Catholique. Heureusement que les bons élèves finissent au Paradis à la fin du film!

Charlie se soucie des autres, tout l’inverse de Johnny qui est un chien fou.

I don’t give two shits about you or anybody else.

Se soucier d’autrui n’apporte que de la souffrance. C’est une énorme charge que d’être responsable – pour les autres. On peut plaindre les scouts. Toutes les remontrances qu’on fait à Johnny s’appliquent également à Charlie et finissent par peser lourd sur ses épaules.

Just stay on top of it Johnny. We don’t want this to go out of hand.

Giovanni donne de précieux conseils à son neveu, comme de se donner du temps. Ne pas griller les étapes. Ne pas vouloir changer le monde tout seul trop vite (cf Biutiful).

Don’t be impatient.

Cette responsabilité est néanmoins une source de frustration énorme pour Charlie car Johnny n’en fait qu’à sa tête. On peut parfois se demander à quoi cela sert. Charlie est quand même prêt à laisser sa vie pour Johnny. Il s’obstine.

I’ve talked to him and I talked to him…

Bien qu’il ne soit pas récompensé pour son travail. Car Johnny est un ingrat.

You didn’t do nothing for me you fuck.

Le pire c’est que tout cela ne sert strictement à rien puisque Johnny finit malgré tout par se prendre une balle dans la tête. Charlie est vraiment le serviteur de Dieu.

We play by your rules, don’t we?

En vérité, il ne s’agit ni plus ni moins que du drame permanent que vit la figure de Pascal le grand frère.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

Commentez ou partagez votre explication

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.