LES OUBLIÉS

LES OUBLIÉS

Martin Zandvliet, 2015

LE COMMENTAIRE

Sur la plage bondée, on fait attention à tout le monde. L’effet combiné de la crème solaire et de la brise marine donne le tournis. Les yeux se baladent à l’infini (cf Mektoub). Sur la plage abandonnée, coquillages et crustacés, personne ne remarque ceux qui nettoient.

LE PITCH

De jeunes soldats Allemands espèrent pouvoir rentrer chez eux (cf Das Boot).

LE RÉSUMÉ

1945. Les prisonniers de guerre de la Wehrmacht sont envoyés sur la côte pour désamorcer les 2 millions de mines qui ont été disséminées sous le sable.

Vous n’avez qu’une seule et unique fonction : nettoyer la côte Ouest du pays des mines terrestres qui infestent ces plages. Des mines Allemandes. Vos mines!

Ces prisonniers sont des adolescents.

Le lieutenant Ebbe Jensen (Mikkel Boe Følsgaard) apprend le métier à une douzaine d’entre eux qui sont ensuite confiés au Sergent Rasmussen (Roland Møller). Les garçons sont traités à la dure. Ils ne comptent pas. Donc on les sous-alimente et on se défoule sur eux. S’ils meurent, personne ne les regrettera.

Le Danemark ne vous aime pas!

Rasmussen se fiche pas mal de leur santé.

Je me fous de ce qui vous arrivera. Vous pouvez bien crever. 

Néanmoins, il a des objectifs à atteindre. Il doit commencer à s’intéresser à eux pour s’assurer de leur rendement. Certains comme Sebastian Schumann (Louis Hofmann) se montrent particulièrement doués. Comment ne pas finir par s’attacher à des soldats qui se sont retrouvés sur le champ de bataille par la faute de la folie Nazie ? Des gamins ne pensent qu’à retourner chez eux pour reconstruire (cf Allemagne Année Zéro).

Dans ces conditions, les accidents se multiplient forcément. Whilelm (Leon Seidel) perd ses bras avant de mourir à l’infirmerie. Ernst (Emil Belton) est victime d’une double mine. Son frère Werner (Oskar Belton) se fait sauter de tristesse quelques jours plus tard.

Ils ne sont plus que quatre. Tout près de pouvoir rentrer, ils sont finalement envoyés à Skallingen par l’intraitable lieutenant Ebbe Jensen.

Ils ne rentrent pas chez eux. Tous les Allemands restent au Danemark tant que le pays n’a pas été totalement déminé.

Rasmussen intervient et les relâche à quelques centaines de mètres de la frontière. Il les regarde s’enfuir, soulagé d’avoir pris la bonne décision (cf La liste de Schindler).

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L’EXPLICATION

Les Oubliés, c’est éviter un nouveau traité de Versailles.

La guerre déshumanise (cf Voyage au bout de l’enfer), peu importe les nationalités. Sous prétexte que toutes les horreurs sont permises, les hommes se transforment en bêtes sauvages capables de toutes les ignominies. Reconnaissons que voir ses amis se faire déchiqueter par les balles adverses ne donne pas envie de faire la paix avec ceux d’en face (cf Armadillo). Toujours est-il qu’il faut du courage pour réussir à préserver son humanité de tout cela (cf La ligne rouge).

Tomber dans la monstruosité est facile. C’est également tenace. La guerre a beau être terminée, les comportements perdurent. Par exemple, le premier réflexe des pays qui ont été envahis est de chasser l’occupant avec violence pour récupérer ce qui leur appartient.

C’est mon pays! Allez vous-en! On veut plus vous voir!

Pas de pitié, ni de pardon envers les brutes qui ont souhaité notre mort et voulu violer nos femmes (cf Le vieux fusil).

Puis on cherche à se venger. Un sentiment encore une fois légitime, même s’il n’apporte rien (cf Kill Bill 2). Les Danois veulent faire payer aux Allemands le prix de l’horreur en leur rendant la monnaie de leur Deutsch Mark – avec les taux d’intérêt. Qu’ils assument les conséquences de leurs actes. Aucune raison de mourir en essayant de désamorcer des mines placées par l’ennemi. Après tout, la logique se tient.

Nous avons besoin de bras. (…) Si on est assez vieux pour faire la guerre, on est assez vieux pour faire le ménage derrière soi.

La logique tient un peu moins bien lorsqu’il s’agit de faire travailler des enfants quand même. Peu importe si Sebastian et ses amis ne comprennent rien à tout cela. Les soldats Danois copient les schémas de torture mentale de l’ennemi, en faisant du chantage affectif, sans honte.

Ne souhaitez vous pas retrouver votre famille ?

Ces Allemands ont la tête sous l’eau. On doit la leur maintenir sur le principe que tout bon bosch est un bosch mort. Malgré tout, les jeunes soldats s’accrochent désespérément au mince espoir de revoir la mère patrie. Dans l’adversité, certains fuient la réalité (cf La vie est belle). Ces Allemands font preuve d’une détermination toute germanique.

On reste, on finit le travail. Après on rentrera chez nous.

Une mine après l’autre. Comme Sisyphe, poussant son rocher. Ils font des petits pas vers la liberté.

Au cours de cette épreuve atroce, ils parviennent à conserver leur dignité (cf Des hommes d’honneur), n’hésitant pas à venir en aide à la fille de la fermière qui s’est égarée en plein milieu du champs de mine. Une fermière qui se réjouissaient pourtant que ces crevures meurent de faim quelques jours auparavant. Ouvertement. Ils n’ont que ce qu’ils méritent. Pourtant les Allemands n’ont pas hésité une minute à prendre tous les risques pour sauver la petite.

Un soldat doit toujours être prêt à aider les gens.

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Ces soldats sont tristes d’avoir perdu une guerre dont ils n’étaient même pas responsables. Épuisés de travailler comme des chiens, risquant leur vie pour que d’autres ne perdent pas la leur. Ils veulent reconstruire mais personne ne leur permet de le faire. Surtout pas! Au contraire, on les condamne à mort. Et s’ils s’en sortent par miracle, ils n’auront qu’une envie, c’est de faire payer leurs bourreaux en retour. C’est ainsi qu’ils se retrouvent dans la peau de leurs aïeux (cf 1917), étouffés par le traité de la honte.

Rasmussen est celui qui ne commet pas la même erreur deux fois. Alors que lui aussi en a gros sur la patate : il a d’abord souffert de la guerre et ensuite il a perdu son chien sur la plage, victime d’une mine oubliée. Lui aussi a envie d’abuser de sa position dominante. Celui qui coupait tout contact émotionnel avec ses équipes va avoir l’intelligence de s’ouvrir. Il va découvrir des garçons comme les autres, qui aimeraient pouvoir un peu profiter de la vie sans faire de mal à un scarabée.

Rasmussen est celui qui donne une nouvelle chance à ceux qui la méritent.

Sebastian ne l’oubliera pas.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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