ADAPTATION

ADAPTATION

Spike Jonze, 2003

LE COMMENTAIRE

Les créatifs ont parfois besoin de changer de perspective en montant sur un bureau (cf Le Cercle des Poètes Disparus), en s’allongeant par terre ou en descendant à la cave (cf Kennedy et Moi). Rien de tel que des nourritures intellectuelles pour se stimuler le cerveau droit. Au hasard, un bon bouquin sur l’art d’écrire? Rien de tel qu’un bon sandwich aussi.

LE PITCH

Un scénariste a toutes les peines du monde à adapter un roman.

LE RÉSUMÉ

Charlie Kaufman (Nicolas Cage) est invité à adapter Le Voleur d’orchidées, le roman de Susan Orlean (Meryl Streep) que Valerie Thomas (Tilda Swinton) souhaiterait porter à l’écran.

Malgré le succès de Dans la peau de John Malkovich, Charlie est au point mort. Il tourne en rond, englué dans sa dépression.

Why should I be made to feel I have to apologize for my existence? (…) All my problems and anxiety can be reduced to a chemical imbalance or some kind of misfiring synapses. I need to get help for that. But I’ll still be ugly though. Nothing’s gonna change that.

Son autisme effraie Amelia Kavan (Cara Seymour). Rien ne va. Son frère jumeau Donald (Nicolas Cage), plus extraverti, ajoute de la pression en se lançant à son tour dans l’écriture.

I’m gonna be a screenwriter, like you!

Donald s’est inscrit aux cours de Robert McKee (Brian Cox) afin de profiter des conseils du maître. Ce que Charlie refuse formellement, ayant horreur de toute forme de méthode.

Cependant il ne trouve pas encore d’angle intéressant pour le Voleur d’Orchidées. Très peu inspiré par la rencontre de Susan Orlean, journaliste au New Yorker, et de John Laroche (Chris Cooper), botaniste de contrebande.

The book has no story. There’s no story.

À contre-coeur, il se rend à New York pour demander de l’aide à McKee.

What if the writer is attempting to create a story where nothing much happens? Where people don’t change, they don’t have any epiphanies, they struggle and are frustrated and nothing is resolved. More a reflection of the real world.

Nothing happens in the world?? Are you out of your fucking mind?!

Finalement, il part en Floride en compagnie de Donald pour découvrir qu’Orlean et Laroche sont amants. Tous les deux développent une drogue hallucinogène à base d’orchidée.

Inquiète que son secret soit révélé au grand jour, Orlean lance la chasse aux frères Kaufman. Donald meurt dans un accident mais Laroche se fait croquer par un alligator avant de pouvoir tuer Charlie. Orlean est arrêtée par les autorités.

À son retour, Kaufman annonce la tragique disparition de Donald à sa mère. Il exprime ses sentiments à Amelia qui les accueille cette fois-ci avec un sourire (cf Punch Drunk Love, Her). Plus important, il est content de son scénario.

‘Kaufman drives off from his encounter with Amelia, filled for the first time with hope.’ I like this. This is good.

L’EXPLICATION

Adaptation, c’est rentrer dans l’histoire.

Le rôle du scénariste est de transposer une histoire d’une dimension littéraire vers une dimension cinématographique. Il fait se rencontrer deux mondes. Charlie Kaufman a un talent en la matière. Il comprend instinctivement comment les choses fonctionnent, sans avoir développé de théorie.

Writing is a journey to the unknown.

C’est d’ailleurs pour cette raison que Valerie Thomas le qualifie de génie (cf Amadeus). Tout est dans sa tête. Rien ne peut être formalisé. Son cerveau bouillonne constamment d’idées, à l’image de son double prolixe.

It’s like a brain factory in here!

Le scénariste n’est pas le réalisateur (cf 8 1/2). Sa responsabilité n’est pas d’assembler les pièces du puzzle pour en faire une oeuvre finale. Il doit filtrer, digérer, transformer l’histoire en un condensé qui devienne intéressant à l’écran. Personne ne lui réclame une idée originale.

Do I have an original thought in my head?

Charlie est passé maître dans l’art de la réconciliation. Paradoxalement, il se sent complètement hors de sa propre dimension : le monde réel. Incapable de communiquer. Invisible des équipes de tournage. Prisonnier de ses fantasmes. Toujours écartelé entre deux histoires qui ne sont pas les siennes. Ayant l’impression de manquer cruellement d’authenticité.

Just be real. Confident.

Il n’y parvient pas.

D’une certaine manière, sa situation personnelle le bloque. Elle l’empêche de pouvoir s’imprégner de l’histoire. Il maintient ses distances avec le voleur d’orchidées pour aller consulter d’autres personnes extérieures – comme McKee qui lui donne de nouvelles injonctions.

Any idiot can write a voice-over narration to explain the thoughts of a character.

Charlie aurait plutôt besoin d’être desinhibé pour trouver la solution. Plutôt que de fuir le problème, c’est précisément dans le problème qu’il va trouver sa réponse. Dans ce roman qui parle justement de la manière dont les fleurs s’adaptent…

Adaptation is a profound process. Means you figure out how to thrive in the world.

Yeah but it’s easier for plants. I mean they have no memory. They just move on to whatever’s next. With a person though, adapting is almost shameful. It’s like running away.

Orlean met le doit sur ce que Charlie doit dépasser. Selon elle, s’adapter, est un signe de faiblesse. Honteux. Exactement ce que ressent Charlie qui doit absolument se libérer de ce sentiment pour avancer (cf Des Souris et des Hommes). Apprendre à s’aimer plutôt qu’à ne penser qu’à plaire.

Adapter n’est pas s’adapter. Donald a raison.

You are what you love, not what loves you. That’s what I decided a long time ago.

Adapter est aussi assumer, pour mettre un peu de soi dans l’histoire.

I’ve written myself into my screenplay.

La réponse apparait soudainement. Il ne s’agit plus de l’histoire d’une journaliste coincée du New Yorker, se prenant de passion pour un romantique édenté, écorché par la vie. Une histoire qui ne suffit pas en elle-même à créer l’intérêt.

Changement de direction. L’histoire devient celle de Kaufman tentant de rendre cette histoire intéressante, en injectant un peu de ses propres névroses. Des rebondissements. Une belle résolution.

I know how to finish the script now. It ends with Kaufman driving home after his lunch with Amelia, thinking he knows how to finish the script. Shit, that’s voice-over. McKee would not approve. How else can I show his thoughts? I don’t know. Oh, who cares what McKee says?

Tout s’est emballé, n’en déplaise à McKee. Pas de règle.

Charlie Kaufman a apporté sa touche. C’était tout ce qui compte.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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