LES AILES DU DÉSIR

LES AILES DU DÉSIR

Wim Wenders, 1987

LE COMMENTAIRE

À toujours observer les autres dans le souci de leur ressembler, on finit par s’en oublier soi-même. Plutôt que de prendre des selfies pour se rassurer, nous pourrions prendre le temps de nous regarder. Peut-être pourrions nous réussir à voir notre véritable nature (cf Nous ne sommes pas des Anges).

LE PITCH

Un ange quitte l’éternité pour une trapéziste.

LE RÉSUMÉ

Peter Falk prend l’avion pour l’Allemagne où il doit tourner un film se déroulant lors de la Seconde Guerre Mondiale. L’occasion de se rappeler de sa Grand-Mère, victime de la barbarie nazie.

Damiel (Bruno Ganz) et Cassiel (Otto Sander) flottent dans le ciel Berlinois. Depuis la colonne de la victoire, dans le métro ou sur le sommet de l’Eglise du Souvenir sur le Kurfürstendamm, les deux anges écoutent leurs contemporains se poser des questions existentielles.

Que va devenir ce garçon ? Peut-être qu’il se trouvera un jour ?

(…) Pourquoi suis-je moi et pourquoi ne suis-je pas toi ?

(…) Le mal existe-il vraiment ?

De temps en temps, ils se partagent leurs observations comme fascinés par ce dont les humains sont capables de plus beau. Damiel partage néanmoins un peu de sa frustration avec Cassiel. Il souffre de se sentir transparent.

À bas le monde derrière le monde!

L’ennui d’avoir l’impression de faire semblant. Secrètement, il aimerait devenir humain. Rejoindre l’histoire du monde.

‘Maintenant’ au lieu de ‘depuis toujours’. (…) Deviner au lieu de tout savoir. (…) Être un sauvage! (…) Je veux me fondre dans la foule.

Damiel rencontre Marion (Solveig Dommartin). Cette jeune célibataire va bientôt perdre son emploi car le cirque a fait faillite. Comme tout le monde, elle affronte le vide – avec courage mais non sans peur.

Trouver qui je suis, qui je suis devenue. (…) Je regarde devant moi et le monde se lève devant mes yeux. (…) Ça arrive, c’est comme ca, ça va passer. Pas envie de pleurer, mais alors pas envie du tout.

Finalement Damiel renonce à ses ailes pour rejoindre les vivants (cf Brazil). Il découvre les couleurs, le goût et les sentiments. Peter Falk va l’aider dans sa recherche de Marion, car lui aussi est un ange converti.

Je suis si heureux de te voir.

Nous sommes beaucoup…

Damiel est convaincu que Marion va tout lui apprendre. Il la retrouve dans un concert de Nick Cave. Au bar, tous les deux se parlent pour la première fois.

Enfin ca devient sérieux. Je suis prête. C’est à ton tour maintenant. Il n’y a pas d’histoire plus grande que la nôtre.

Une autre éternité peut commencer.

Je sais enfin ce qu’aucun ange ne sait.

L’EXPLICATION

Les Ailes du Désir, c’est aller sur le terrain.

Il est possible de faire le choix de vivre sans se poser la moindre question, par confort. De ce point de vue, on dit des ignorants qu’ils sont bénis (cf Matrix). Après tout, rien n’a vraiment d’importance comme le fait remarquer Peter Falk dont les croquis ne deviendront jamais célèbres.

Ce dessin n’est pas bon. Et alors? Personne ne le verra.

Puisque rien ne compte, après moi le déluge! À quoi bon se faire des noeuds au cerveau ?

L’angoisse me rend malade.

Pas si simple cependant de prendre la vie comme elle vient en se contentant de regarder seulement le bon côté des choses (cf Monty Python : la Vie de Brian). Par ailleurs, nous sommes moins ignorants que nous voulons bien le croire (cf Idiocracy). Qu’on le veuille ou non, notre quotidien est plombé par une myriade d’interrogations que nous ne parvenons pas à refermer – ni les psychanalystes.

Comment dois je vivre ? C’est peut-être pas ça la question : comment dois-je penser ?

Se trouvant dans l’impossibilité de ne pas se questionner et à défaut d’avoir les réponses, nous essayons désespérément de prendre nos distances avec le réel (cf Detachment). On se croise (cf La La Land). Se regarder, sans se voir. S’écouter, sans s’entendre. Toujours pressés. Jamais disponibles. Cela nous évite ainsi de trop ressentir, donc de trop souffrir face à ce que nous ne pouvons pas comprendre comme une rupture, un suicide, un accident ou un cirque dont l’activité s’arrêterait brusquement.

C’est exactement la vie des anges planqués comme Damiel et Cassel qui traversent les années comme des passagers clandestins bien qu’ils soient remplis de bonnes intentions.

Nous sommes à leur image. Participant activement à la comédie humaine, en tant que simples figurants. Parfaitement invisibles dans le décor.

Ces humains sont des extras.

Surtout ne pas faire de vague. De bon soldats, ou de bons élèves à peine soucieux de l’évaluation de l’éducation nationale ou de notre direction.

Je me demande si ce que je fais plait au réalisateur.

Ne voulant pas forcément du mal à son prochain, ni trop de bien non plus. On vit sa vie en parallèle les uns des autres, sans vraiment se considérer. En tout cas, pas autant que nous pourrions le faire.

Je ne te vois pas, mais je sais que tu es là.

Damiel a envie de prendre des risques. Un aller simple pour le terrain. Après avoir veillé sur les humains autant de temps, il sait qu’il existe un âge où tout est possible (cf Tomboy) :

Lorsque l’enfant était enfant…

Revenir à un état d’insouciance pour arrêter de ne rien faire. Profiter de son amour pour Marion, de l’autre côté du miroir. Sentir son coeur battre. Prendre part à l’Histoire en tant qu’acteur.

À moi-même, me conquérir une histoire!

Damiel commence à comprendre que si Marion est son guide, il doit tout découvrir par lui-même. En tant qu’humain, il a désormais la possibilité d’apporter sa rime (cf Le Cercle des Poètes Disparus).

Je n’ai qu’à lever les yeux et je redeviens le monde.

Comme Peter Falk avant lui, Damiel s’est jeté à l’eau. Errer avec des mortels surprenants bien qu’à la dérive. Prêt à devenir vulnérable en coupant ses ailes, ce qui lui permet d’aller à la rencontre de Marion, sans emploi ni perspective. La vie prend soudainement tout son sens.

Les individus solitaires que nous sommes en dépit de nos familles (cf Le Parrain 2) ou de nos amis (cf les Petits Mouchoirs) peuvent parfois créer de vraies relations. Une complicité mutuelle qui ne s’essouffle pas. Marion et Damiel.

Il est arrivé quelque chose qui continue d’arriver, qui me lie.

Alors qu’il consignait les réactions des uns et des autres dans son registre, Damiel vit enfin. Sans filet.

Cette nuit, j’ai appris à m’étonner.

Il est celui qu’elle attendait, bien qu’il ne ressemble pas à l’idée qu’elle s’en faisait. Sa coupe de champagne était prête pour elle, au bar. Elle ne l’a pas accepté tout de suite. Car on ne se rencontre pas où on l’attend. Aucun dialogue n’est écrit à l’avance. Les cascades sont réelles. La vie est encore mieux qu’un film. Infiniment.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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