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LA VIE D’ADÈLE

LA VIE D’ADÈLE

Abdellatif Kechiche, 2013

LE COMMENTAIRE

Quelle longue vie d’errance où l’on croise finalement beaucoup trop de personnes insignifiantes. Cela ne donne que plus de valeurs aux personnes qui en valent la peine. Celles là il faut les chérir autant que possible. Être présent pour ne perdre aucun de ces précieux moments trop éphémères (cf La vie rêvée des anges).

LE PITCH

Une jeune femme va découvrir les affres du grand amour.

LE RÉSUMÉ

Adèle (Exarchopoulos) est une jeune lycéenne lilloise qui s’interroge sur l’amour. Pendant que son prof parle du coup de foudre comme d’une prédestination dans la rencontre, ses copines sont autrement plus terre à terre.

Franchement si y a moyen de niquer, je le nique.

Ce sont ces mêmes copines qui vont la pousser dans les pattes Thomas (Jérémie Laheurte), un jeune homme aussi ténébreux que benêt. Leur relation ne prend jamais vraiment. Tous les deux n’accrochent pas, notamment sur La Vie de Marianne que Thomas n’a pas compris:

Je peux même pas comprendre qu’on peut pas aimer.

J’ai pas dit que j’ai pas aimé hein. C’est le côté, avec le vocabulaire, les longues phrases, les trucs anciens et tout j’ai du mal.

Ils vont au ciné ensemble, s’embrassent, couchent même ensemble. C’est pourtant sur Emma (Léa Seydoux) qu’Adèle fantasme, une jeune fille aux cheveux bleus qu’elle a croisé un jour par hasard. Quelque chose qui la torture.

Il me manque un truc. Je sais pas j’suis tordue.

La situation commence à se clarifier lorsqu’une de ses copines de classe l’embrasse. Le déclic. Malheureusement cette copine n’est pas sérieuse. Alors Adèle va commencer à fréquenter les bars lesbiens de la ville avec son copain Valentin (Sandor Funtek) où elle va finir par retrouver Emma qui étudie aux Beaux-Arts.

Avec Emma c’est plus qu’un coup de foudre, c’est un grand amour qui dérange forcément, à commencer par ses copines de classe qui la chahutent violemment.

On veut juste que t’assumes que tu lèches des chattes. Nan mais après moi j’m’en fous que tu sois gouine tu fais c’que tu veux. Mais l’truc c’est que t’es venue plusieurs fois chez moi, dormir à poils dans mon lit. Là c’est un peu plus dur. Moi j’suis ta pote hein, j’préfère être claire tu vois.

Adèle s’en moque. De musées en manif, elle kiffe bras dessus bras dessous avec Emma qui l’invite chez ses parents, un couple d’intellectuels très ouverts. La relation est officielle, ou presque. La rencontre avec les parents d’Adèle, plus conservateurs, est un peu plus délicate.

Si on veut être artiste on a besoin d’avoir un mari, un conjoint qui assure derrière.

Adèle et Emma emménagent ensemble. Le couple bat de l’aile. Adèle n’est pas à l’aise avec les amis de sa compagne, trop cultivés à son goût. Elle se sent seule et finit par succomber aux avances d’un collègue. Emma le découvre et la fout aussitôt dehors.

Les deux jeunes femmes se reverront quelques temps plus tard pour prendre un café larmoyant. La rupture est encore trop fraîche. Alors Adèle continue de vivre comme elle peut, sans saveur.

Emma invite Adèle à son vernissage. Ce n’est décidément pas son monde. Elle y croise Samir (Salim Kechiouche), un ami d’Emma qui avait flashé sur Adèle depuis quelques temps. La tête ailleurs, Adèle profite de la première occasion pour fuir le prédateur et s’éclipser discrètement.

L’EXPLICATION

La vie d’Adèle, c’est une traversée du désert qui n’en finit pas (cf Gerry).

Adèle est une adolescente qui se cherche une identité. C’est aussi une jeune fille rongée par la solitude: Elle part à l’école seule. Rentre chez elle seule, un peu comme la Marianne de Marivaux qui a vu s’envoler ses illusions.

Adèle est entourée de Thomas qui ne la comprend pas, de ses copines de classe qui ne la comprennent pas plus. Elle craint l’opinion de ses parents. Cela ressemble à un chemin de croix. Adèle ne souffrirait peut-être pas autant si elle n’était pas aussi romantique.

Sa romance trouve echo chez Emma. Leur rencontre va apporter des réponses. Grâce à Emma, Adèle va se trouver en tant que femme. Elle va s’habiter.

Je suis femme. C’est une vérité.

Comme lui enseigne Emma, qui n’hésite pas à citer Sartre, c’est à Adèle de définir qui elle est. Sans autorité supérieure. Assumer son homosexualité est un combat. Adèle doit se battre dans la cour d’école pour s’affirmer. Emma, comme un guide, lui permet de faire ses premiers pas dans le monde. Se détacher du regard des autres pour se concentrer sur le seul qui compte.

Emma lui fait découvrir un autre monde, plus profond, plus sensible et beaucoup plus intense. Ce monde est vertigineux et Adèle va s’y perdre. Elle s’est découverte puis ne s’y reconnaît plus, rattrapée par ses démons, se sentant à nouveau seule au milieu des amis d’Emma qui parlent une langue qui n’est pas la sienne. Ce n’est pas Adèle qui trompe Emma. C’est plutôt Emma qui a abandonné Adèle.

Ce fut une première et belle expérience. Ce n’était cependant qu’une expérience. Adèle doit digérer cette rupture qui l’aura vu pleurer comme un bébé.

Me fait pas partir! J’vais où sans toi ? J’peux pas partir j’vais faire quoi ? J’t’en supplie.

Cette rupture lui donne l’impression qu’Emma lui reprend ce qu’elle lui a donné. Ce n’est pas tout à fait exact.

Adèle doit grandir. À elle de se remettre en selle, toute seule comme une grande.

Il est déjà tellement compliqué d’assumer son homosexualité qu’on en viendrait presque à oublier que les gays aussi se séparent (cf Marriage story). On peut gravir une montagne, la route ne s’arrête pas là pour autant. Les couples gay sont tout aussi vulnérables que les autres à la rupture. Sinon plus.

Adèle et Emma sont confrontées à la routine, aux disputes – comme les autres. Leur lune de miel prend fin.

Tu m’aimes plus ?

Adèle va finir par redescendre de son nuage. Ce qu’on trouve en bas du nuage, c’est Lille (cf Bienvenue chez les Ch’tis). Germinal, Bachelet, Boon, Dunkerque. L’enfer du Nord.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.


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