GERMINAL

GERMINAL

Claude Berri, 1993

LE COMMENTAIRE

La gentrification est la mal du siècle. Elle ronge les villes à mesure que les bohèmes annexent les quartiers populaires. Aujourd’hui, ils se sont mis en tête de fréquenter les mêmes bars PMU que le peuple. Ils arborent les mêmes moustaches. Le bourgeois essaie de passer incognito mais son trench le trahit. En plus, l’homme du peuple, le vrai, il boit de la goutte. Pas des pintes de bière blanche.

LE PITCH

Un homme du Sud découvre l’enfer du Nord. (cf Bienvenue chez les Chtis)

LE RÉSUMÉ

Etienne Lantier (Renaud) arrive au Voreux pour demander du travail. Bonnemort (Jean Carmet) le refroidit.

Y’a rien…

La mort de Fleurance libère un poste. Lantier en profite pour descendre sur le champs et suivre Toussaint Maheu (Gérard Depardieu) dans les couloirs sombres et sinueux de cette mine au boisage douteux. Catherine (Judith Henry) est déjà sous le charme du nouveau. Chaval (Jean-Roger Milo) montre aussitôt des signes de jalousie (cf L’Enfer).

Les temps sont durs.

La Maheude (Miou-Miou) réclame un peu d’argent aux actionnaires. Léon Grégoire (Pierre Lafont) calme ses ardeurs.

Ce mois-ci, on n’a plus rien.

Il faut faire des économies ma bonne, comme nos paysans. Il ne faut pas tout boire.

Dur dur…

Elle essaie de négocier un peu de café auprès de Maigrat (Gérard Croce), un commerçant sans scrupule.

Chaval se positionne sur Catherine en lui offrant un joli ruban, avant de l’emmener dans les bois pour la violer. Catherine tire sur le ruban pour s’étrangler.

Les temps sont vraiment très durs.

Rasseneur (Jean-Pierre Bisson) et Lantier parlent de Karl Marx et de révolution prolétarienne. L’anarchiste Souvarine (Laurent Terzieff) prône plutôt le chaos (cf The Dark Knight) et se réfère à Johnny Hallyday.

Il faut allumer le feu au quatre coins des villes et il faut tout raser. Quand il ne restera plus rien de ce monde pourri, peut-être en repoussera-t-il un meilleur…

Lantier organise la révolte. Il demande à chacun de se cotiser pour fonder une caisse.

Il tient qu’à nous de changer ce monde pourri. De faire régner le bonheur sur terre… l’égalité.

Jeanlin (Albano Guaetta) est grièvement blessé à cause d’un éboulement. La famille Maheu toute entière souffre mais fait le dos rond.

Faut faire manger neuf personnes avec trois payes!

La compagnie continue de mettre la pression, provoquant la grève. Les patrons discutent de la situation devant un plat d’écrevisses. Ils refusent catégoriquement de satisfaire les revendications de leurs employés.

Ils sont en grève ? Qu’est-ce que cela nous fait ? Nous n’allons pas décommander le déjeuner pour cela. 

Maheu essaie de déclencher une grève générale. À la mine de Jean-Bart, Chaval réclame 5c de plus par berline à Deneulin (Bernard Fresson). Échec. Les arguments du patron sont imparables et parviennent à convaincre les mineurs de retourner au charbon.

Pour que vous viviez il faut bien que je vive d’abord.

La colère des grévistes éclate. Maheu coupe les câbles. Tout un symbole. Les femmes coupent les testicules de Maigrat. Autre symbole. L’armée se rend sur place pour faire respecter l’ordre. Un soldat tire sur Maheu et le tue. La Maheude se retrouve veuve et abandonnée à la fois par Etienne et Catherine qui redescendent.

Souvarine a saboté les installations. La mine est noyée. Les ouvriers sont pris au piège. Sous-terre, la recherche s’organise. Négrel (Frédéric van den Driessche) retrouve Lantier. Catherine n’a pas survécu. Zacharie est mort aussi, victime d’un coup de grisou.

Avant de partir, Etienne vient dire au revoir à ses camarades. La Maheude lui dit qu’elle ne lui en veut pas, même si elle a perdu la moitié de sa famille et que l’autre moitié doit descendre à la mine à son tour.

On s’aperçoit qu’au bout du compte, c’est pas de ta faute. C’est la faute de tout le monde.

Lantier repart comme il est venu.

L’EXPLICATION

Germinal, c’est vol au dessus d’un nid de mineurs.

Nous pouvons parfois arriver dans un groupe comme la pièce manquante d’un puzzle. Nous nous sentons alors parfaitement à l’aise dans cet ensemble harmonieux (cf Le goût des autres). Le groupe nous révèle plus qu’il nous absorbe. Notre impact est concret. La vie fait soudainement plus de sens.

Inversement, nous pouvons parfois rejoindre un groupe sans réussir à trouver véritablement notre place. Incapacité à s’entendre avec les autres membres. Période d’essai compliquée. La greffe ne prend pas. Notre action semble inutile et on repart sans que rien n’ait vraiment changé (cf Vol au dessus d’un nid de coucou).

C’est l’expérience de Lantier qui débarque avec son manteau rouge bien propre, dans un univers où les mineurs ont le visage marqué par le charbon.

J’en ai dans la carcasse, de quoi me chauffer jusqu’à la fin de mes jours.

Venant de l’extérieur, il va apporter une perspective nouvelle. Les mineurs se rendent compte des dysfonctionnements. Les ateliers ferment les uns après les autres. Tant qu’ils descendront, des gens crèveront. Ils n’ont pas de la viande tous les jours. S’il y a des problème, c’est toujours sur leur dos. Ils le savent. Ils savent également qu’ils sont fatigués de crever de faim.

Ça peut pas continuer comme ça, ça cassera un de ces quatre matins. 

Cependant, ils sont tellement au coeur du sujet qu’ils n’arrivent pas à trouver des solutions pour sortir de leur conditions d’esclaves (cf Spartacus).

Quand vous aurez la tête broyée, c’est vous qui en subirez les conséquences ? Non! C’est la compagnie qui paiera la pension à vos femmes…

Lantier est un idéaliste qui veut jouer le rôle de catalyseur. Il théorise les idées que les ouvriers n’arrivent pas à poser.

L’ouvrier seul n’est rien. Rassembler représente une force. (…) Il faut rebâtir un monde propre avec plus de justice.

Son programme politique est séduisant. D’ailleurs Maheu est séduit.

Je veux pas mourir avant d’avoir vu tout ça.

Lantier va surtout organiser, ce qui manque aux théoriciens pour passer à l’action. Il parle d’instruction et de caisse commune. Etienne donne l’impression d’être l’élément moteur grâce auquel les plaques vont enfin bouger, dans le bon sens. Il tente de mettre en place un projet nouveau, ambitieux.

Tout le monde n’est pas d’accord évidemment. Chaval voudrait du sang. Et Souvarine ne jure que par les flammes parce que selon lui le ressentiment des ouvriers est ce qui guide leur révolte dans le mur.

C’est ça votre idée à vous tous, les ouvriers français. Déterrer un trésor pour le manger tout seul ensuite. Mais le courage vous manque de renvoyer au pauvre l’argent que la fortune vous envoie. Jamais vous ne serez dignes du bonheur tant que vous aurez quelque chose à vous. Vous criez contre les riches tant que vous êtes pauvres. Mais votre haine des bourgeois vient uniquement de votre besoin enragé d’être des bourgeois à leur place. 

Lantier parvient à lancer sa fusée mais elle explose dans le ciel, sous ses yeux. L’armée est déployée. Des ouvriers meurent, comme toujours (cf Code 8). Les Belges les remplacent.

La grève est fichue. C’était fatal, on l’a faite à contre-coeur. On se met à rêver à des choses et quand ça tourne mal, on oublie qu’on aurait du s’y attendre. 

Il fait un constat d’impuissance. Ses beaux principes retombent comme un soufflet. Son mouvement fait pschitt. Il démissionne, prend ses valises et repart comme il est venu.

Un monde nouveau va naitre mais les inégalités ne disparaitront pas pour autant. Il y aura toujours des gens plus intelligents que d’autres qui s’engraisseront sur le dos des faibles. C’est sans solution. 

Les ouvriers le saluent avant son départ, comme s’ils reconnaissaient malgré tout sa tentative. Ils ne lui en veulent pas de leur avoir fait miroiter un monde meilleur. Lantier a été une éclaircie dans le ciel du Nord. Les mineurs, fatalistes, retournent à leur condition.

Éteins la lampe, j’ai pas besoin de voir la couleur de mes idées.

Souvarine avait peut-être raison. Les faits parlent pour lui en tout cas.

Vous mettrez mille ans à changer le monde. Commencez plutôt à faire sauter ce bagne, sinon vous crèverez tous.

Lantier n’est qu’un homme qui s’est attaqué au système (cf Le Stratège) sans avoir réussi à le faire évoluer. Sur la route qui l’emmène à Lille, il va pouvoir se faire un post-mortem et analyser ce qui ne s’est pas bien passé, la tête froide. Peut-être a-t-il vu trop grand ? Le Nord n’était peut-être pas le bon terrain de jeu ? A-t-il manqué d’appuis ?

En tout cas, tout le monde ne s’appelle pas Lincoln.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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