ENTRE SES MAINS

ENTRE SES MAINS

Anne Fontaine, 2005

LE COMMENTAIRE

On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille. Ce dernier point pourrait être soumis à discussion dans la mesure où l’on peut choisir sa famille politique. En tout cas, on ne choisit par qui on aime. Celles et ceux qui affirment avoir des préférences chassent en général au sein d’un même groupe ethnique sans jamais trouver la bonne personne. Le coup de foudre tombe sur les amoureux sans qu’ils n’aient rien demandé.

LE PITCH

Une conseillère en assurances s’intéresse à un mystérieux vétérinaire.

LE RÉSUMÉ

Laurent Kessler (Benoît Poelvoorde) a un dégât des eaux dans son cabinet vétérinaire. Il consulte son assurance. Claire Gauthier (Isabelle Carré) s’occupe du dossier. Le risque a visiblement été sous-évalué dans le contrat de Kessler mais Claire veut faire de son mieux.

Je suis sincère.

On l’est tous.

Je suis là pour vous aider.

Je l’espère.

Au fil de leurs rencontres, Kessler ne cache pas son intérêt pour Claire bien qu’elle soit mariée et mère de famille. Il la drague ouvertement.

C’est une belle idée le mariage je trouve, c’est inapplicable dans la vie mais je trouve que c’est une très belle idée. Et puis c’est bien d’y croire.

Vous savez même quand on l’a fait, on a du mal à y croire.

(…) Vous aimez votre mari ? Je veux dire, vous l’aimez encore ?

Pendant ce temps, un tueur en série sévit à coup de scalpel. De nouvelles femmes célibataires viennent s’ajouter aux victimes qui se multiplient dans le Nord.

Kessler se comporte de manière étrange. Ses propos suivent ses sautes d’humeur.

C’est difficile de savoir ce qu’il y a dans la tête des gens.

Claire trouve le personnage touchant. Il est insistant. Cela ne lui déplaît pas.

Alors qu’elle devrait être en weekend avec sa famille, Claire passe la soirée avec Kessler qui se confie.

Parfois, j’imagine ce que ce serait d’être avec toi…

Au moment de l’embrasser, il se rétracte (cf Les Liaisons dangereuses).

Claire ne comprend pas. Son attitude inhabituelle inquiète cependant son mari (Jonathan Zaccaï) qui envisageait de déménager dans une appartement plus grand et faire un deuxième enfant. Le mariage bat de l’aile.

Quelques jours plus tard, Claire retrouve son amie Valérie (Valérie Donzelli) égorgée à son domicile. Cette fois il n’y a plus de doute. Kessler est bien le tueur en série.

Aide moi Claire. S’il te plait… 

Claire va accepter de revoir son amant une dernière fois. Tous les deux s’embrassent. Puis Kessler sort son scalpel, qu’il retourne contre lui-même. Il s’écroule au sol sans rien dire. Claire quitte le cabinet avec mélancolie. Il ne lui reste plus qu’à déambuler dans les rues lilloises pour rejoindre son foyer. Elle pense à la chanson de Pierre Bachelet : au Nord, c’était les corons.

L’EXPLICATION

Entre ses Mains, c’est neutraliser Don Juan.

La philosophe Britney Spears a chanté la figure du séducteur qui fait rêver les femmes avant de les laisser tomber comme de vieux tampons, et enchaîner sur de nouvelles conquêtes. Ce menteur fait mal car il donne envie d’y croire. Le womanizer est devenu, au même titre que le pervers narcissique (cf Mon Roi) ou le porc (cf Harvey Weinstein), un prédateur à éviter de toute urgence pour des femmes aux émotions fragiles.

Laurent Kessler est ce fameux salaud.

Il est tourmenté.

Vous êtes heureux ?

Non. Mais ce n’est pas ce que je cherche.

Parfait pour Claire qui n’a nul besoin d’un autre homme sympa et fiable dans sa vie. Elle en a déjà un à la maison. Kessler n’a pas le profil de son futur mari. Il est sombre et il picole. On dirait qu’il est plutôt la promesse d’une relation orageuse qui n’est pas pour déplaire à madame Gauthier qui s’ennuie dans sa grisaille. Pourquoi pas sortir à nouveau, boire de la vodka et faire des karaoké ? La vie n’est pas terminée.

Dans sa relation à Kessler, elle refuse de se laisser impressionner par les formules toutes faites.

Personne vous a forcé. Vous avez lu le contrat, vous l’avez signé.

La vie est un combat. Je m’y résous…

Mais Kessler la bouscule, dans le bon sens du terme. Claire Gauthier fait un métier à la con. Son patron (Bernard Bloch) est chiant comme la pluie. Les petites piques de Kessler lui font du bien.

Moi j’ai la passion des animaux. Vous, vous n’avez pas la passion des sinistres ?

Claire a besoin qu’un homme s’invite dans son bureau et pour l’emmener prendre un café, sortir des conventions et casser la routine. Il s’intéresse à elle alors que son mari s’est endormi (cf Gone Girl). C’est toujours plaisant de sentir que quelqu’un s’intéresse à soi. Claire s’aperçoit qu’elle a du mal à vivre l’instant (cf Le Cercle des Poètes disparus).

J’ai du mal à être vraiment là.

Kessler est décomplexant, même s’il enfonce quelques portes ouvertes.

De toute façon, on ne connait jamais vraiment personne.

Ses répliques charmeuses commencent à faire mouche.

Je suis content de vous avoir rencontrée…

Tout simplement parce que c’est vrai. Il est vraiment content. C’est une belle rencontre. Kessler devient dangereux quand il montre une facette de lui plus sensible. Claire espère qu’il ne montrer rien de tout cela avec les autres, ce qui lui donnerait l’impression d’être exceptionnelle.

Et si je vous demandais de rester…?

Pourquoi ?

Pour pas me laisser seul.

Tout bascule. Claire a l’impression d’avoir réussi à toucher la racine de Don Juan. Elle a réussi là où les autres ont échoué.

Claire reste cependant sur ses gardes. Elle ne travaille pas dans les assurances pour rien. En l’occurrence, elle a raison car c’est un piège. Kessler est un barjot. Il enchaîne les one night stands pour ne plus jamais revoir ses partenaires. Elles disparaissent comme s’il les tuait, en quelques sortes.

Pour ne pas être une anonyme de plus au compteur de Kessler, Claire va l’affronter. Bien qu’elle sache qui il est, elle n’hésite pas à le rejoindre dans son cabinet. Elle l’embrasse avec tous ses sentiments.

Le scénario se brouille pour lui. D’habitude il sort son arme et tue sa partenaire. Cette fois-ci, il ressent quelque chose auquel il n’est pas habitué. Déjà, il réussit à embrasser Claire et surprise, il y prend du plaisir. Il ne peut pas la tuer comme les autres. Kessler se saborde.

Il n’en pouvait plus de cette vie à la con. D’une certaine manière, Claire lui a rendu service. Kessler a mis son destin entre les mains de Claire. Elle l’a libéré de sa condition d’animal. Reste à espérer pour lui qu’il renaisse de ses cendres.

Quant à Claire, elle a survécu à Don Juan. Désormais, elle arpente les rues sombres et les murs de briques rouges. Elle va rentrer sans conviction à la maison, où son mari l’attend toujours la bite à la main pour faire le deuxième…

LE TRAILER

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2 commentaires

  • Je me demandais si de voir en Claire une femme qu’il pouvait aimer ne lui faisait pas finalement comprendre qu’elles sont toutes aimables, ce qui est vrai pour Claire étant vrai pour toutes les autres. Ceci lui faisant voir encore plus crûment toute sa propre monstruosité (qu’il ne supporte d’ailleurs plus depuis longtemps) et le faisant passer à l’acte en se suicidant.

    • Merci Cedinscri pour ce commentaire. C’est une interprétation possible. Claire est la seule qui ne joue pas un rôle avec lui. Alors qu’avec Valérie, c’est le « scénario classique » et impersonnel. La routine de Kessler. Claire lui dit d’emblée qu’elle est mariée. Elle assume ce qu’il est en train de se passer. Peut-être s’intéresse-t-elle vraiment à lui plus que comme une simple aventure extra-conjugale. Tout cela crée la confusion chez Kessler qui ne sait pas gérer ce genre de sentiments.
      Il lui réclame de l’aider.
      Peut-être que Claire le réconcilie avec les femmes. Se sentant soudainement coupable de tous ses crimes, il se suicide.

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