LE CERCLE DES POÈTES DISPARUS
Peter Weir, 1989
LE COMMENTAIRE
La construction de la personnalité passe par l’écoute et l’observation. L’exploration est nécessaire afin de mieux connaître ses goûts. Ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas. Le caractère et l’affirmation de soi vont se révéler lors d’un acte symboliquement fort : le refus. Se lever. Dire non. Taper du poing. Arracher les pages.
LE PITCH
Un professeur retourne la tête de ses élèves.
LE RÉSUMÉ
Mr Nolan (Norman Lloyd), le directeur de Welton, rappelle à chaque rentrée les piliers de l’Académie que sont l’honneur, la tradition, la discipline et l’excellence. Des valeurs que n’hésitent pourtant pas à parodier un petit groupe d’étudiants parmi lesquels Neil (Robert Sean Leonard), Knox (Josh Charles), Charlie (Gale Hansen), Meeks (Allelon Ruggerio), Pitts (James Waterston) et Todd (Ethan Hawke) le nouveau venu.
Leur esprit de rébellion naissant va trouver un écho particulier dans les propos de leur nouveau professeur de littérature, John Keating (Robin Williams), qui fait figure d’OVNI dans ce monde ultra-rigide.
Le futur pèse lourd sur les frêles épaules de garçons bombardés futures élites de la nation. Le message de Keating lors de son premier cours sera d’apprendre à profiter du jour présent.
Seize the day boys. Make your life extraordinary.
Keating explique ensuite à sa classe que la meilleure manière de profiter du jour présent est de penser par soi-même. Il dézingue d’abord la vision de la poésie de J. Evans Pritchard en la comparant à de la crotte, puis demande à ses élèves d’arracher ces pages de leur livre de littérature comme un symbole.
Curieux de ce personnage charismatique, les élèves découvriront que leur professeur fréquenta lui-aussi les bancs de Welton des années avant eux et qu’il était membre du Cercle des Poètes Disparus, un groupe d’esprits libres férus de poésie. Sous l’impulsion de Neil, ils vont reprendre le flambeau.
Fin psychologue, Keating n’aura de cesse de décomplexer ses disciples et de les aider à se trouver.
Boys you must strive to find your own voice.
La plus sûre méthode pour y arriver restant encore de challenger l’ordre établi.
Don’t be resigned. Break out!
Chacun va ainsi transgresser l’ordre à sa façon. Knox va prendre tous les risques pour séduire Chris (Alexandra Powers). Charlie va défier l’autorité de l’Académie en réclamant des filles à Welton. Et Neil va aller contre la volonté de son père en participant à une pièce de théâtre.
Sauf que le rêve de liberté prend fin pour Neil. Son père le démasque et le retire de Welton pour l’envoyer dans une académie militaire. Neil ne voyant aucune issue possible et refusant de faire médecine décide de se suicider.
Keating plie bagages pendant que Mr Nolan demande à ses élèves de lire l’introduction de J.E. Pritchard, une page manquante dans le manuel. Certains élèvent rendront alors rendre un dernier hommage à ce capitaine qui leur aura ouvert les yeux.
L’EXPLICATION
Le Cercle des Poètes Disparus, c’est faire preuve de maturité.
Il y a deux conceptions de l’éducation. L’une fondée sur l’obéissance aveugle à la règle et une autre héritée de Condorcet qui voit dans l’éducation une opportunité d’émanciper les esprits.
I always thought the idea of education was to learn to think for yourself.
At these boy’s age? Not on your life!
Se pose effectivement la question de l’âge. À partir de quand doit-on considérer un individu comme tel ? Faut-il vraiment attendre la majorité pour s’interroger sur les rôles masculins et féminins en société (cf Je ne suis pas un homme facile)?
Se pose aussi la question de savoir comment le professeur Keating a pu se retrouver dans une Académie comme celle de Welton. En même temps les erreurs de casting se produisent parfois.
Keating désacralise une institution via une autre.
It’s not the Bible. You’re not gonna go to Hell for this.
Il montre ainsi que tout peut et doit être questionné. Honneur, tradition, discipline, excellence certes. Pas sans un brin de fantaisie. Les points d’exclamation doivent laisser un peu de place aux points d’interrogation.
C’est la fin des années 50, une génération éclairée n’a plus envie qu’on décide pour elle. Les caprices d’hier sont devenus des désirs et doivent être entendus. Le drame que vit Neil est d’ailleurs de plus en plus rare aujourd’hui. Il est presque impensable d’imaginer que des parents puissent encore contraindre leurs enfants à embrasser telle ou telle carrière (cf Varsity Blues), en dehors peut-être des élèves de prépa à Henri IV (cf la boum). Aujourd’hui les jeunes veulent décider de tout et en priorité de leur vie.
Il ne s’agit pas d’anarchie mais bien de mesure. Keating rappelle à ses élèves :
Sucking the marrow out of life does not mean chocking on the bone.
Il faut savoir apprendre à consommer avec modération. Keating condamne donc logiquement la tentative maladroite de Charlie. Il ne le condamne pas sans lui expliquer pourquoi. Et il le fait avec finesse de manière à ce que Charlie puisse comprendre le message.
Phone call from God… If it had been collect, that would have been daring.
Et surtout Keating regrette l’acte irraisonné de Neil qui tout comme Charlie a peut-être avalé les mots de Keating de travers. Neil et Charlie on sucé la moelle de la vie et ont avalé l’os contrairement à ce que leur avait conseillé leur professeur.
Nolan pense qu’on ne peut pas mettre une arme aussi puissante que la liberté de pensée entre les mains de n’importe qui, surtout pas d’adolescents de dix-sept ans. Keating prouve le contraire. Il insiste également sur la nécessité de la notice d’utilisation, que la nouvelle génération ne veut plus prendre la peine de lire malheureusement. Le sujet n’est donc pas d’arracher les pages mais plutôt de savoir lire les bonnes.
L’héritier de l’enseignement de Keating c’est Todd, pas foutu d’aligner deux mots avant Keating puis qui sera parvenu à sortir de sa coquille – sans tomber de son nid. Todd va pouvoir prendre son envol sans vivre dans l’ombre de son aigle de frère.
Enfin, c’est bien beau de décoincer des gosses de riches. Comment on aide aussi les autres à accéder à la lumière, sans avoir recours à Pascal le grand frère ? Qu’est-ce qu’on fait quand l’internat montre ses limites ? Heureusement qu’on trouve encore des François (cf entre les murs) dans les salles de classe les plus agitées.
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