MON ROI
Maïwenn, 2015
LE COMMENTAIRE
On confond souvent l’Amour avec la passion. L’Amour transcende le temps (cf Interstellar) alors que la passion est plus furtive. Elle donne autant le sourire qu’elle peut vous rendre malade. Vous faisant tomber à la renverse. Encore faut-il pouvoir s’appuyer sur la bonne personne.
LE PITCH
Une femme se remet doucement d’une rupture des ligaments croisés du coeur.
LE RÉSUMÉ
Tony (Emmanuelle Bercot) se blesse au genou. Sa physio-thérapeute lui fait comprendre que cet incident n’est peut-être pas anodin.
Pourquoi vous êtes tombée… à ski… ce jour là?
Sa ré-éducation va laisser tout le temps à Tony de se remettre de sa relation tumultueuse avec Georgio (Vincent Cassel), celui-là même qui lui avait redonné vie après son mariage raté – tout en prenant soin de la mettre en garde.
Faut que t’arrêtes de rencontrer des connards.
T’es pas un connard toi?
…. Non.
T’as vachement hésité quand même!
C’est parce que moi je suis le Roi des connards.
Tony tombe enceinte et la lune de miel s’arrête aussi sec. La relation devient orageuse. Solal (Louis Garrel) ne porte pas son beau-frère dans son coeur. En effet, Georgio délaisse Tony pour passer son temps à s’occuper de son ex, Agnès (Chrystèle Saint Louis Augustin), sous prétexte qu’elle a fait une tentative de suicide. Le couple s’engueule. Tony fait des crises de nerfs et finit sous traitement. Georgio a l’idée lumineuse de prendre un appartement de l’autre côté de la rue pour se donner un peu d’air avant l’accouchement.
Tony, je veux cet enfant. Mais 24h avec toi, je peux pas.
Facile quand on a les moyens (cf Polisse). Georgio ne les a même pas. Ses biens, ainsi que ceux de Tony, sont saisis par un huissier. Tony n’en peut plus. Cette fois, c’est bien elle qui tente de se suicider. Il est temps de divorcer. Georgio refuse et s’accroche, tout en la trompant même après la naissance de son petit Simbad.
Je ne t’ai pas trompé, je sais, j’étais avec une fille dans ce lit, mais il s’est rien passé… J’étais drogué.
Plus le mensonge est gros et plus il passe.
Il part faire une thérapie en Australie et quand il revient, il ne boit plus de café. Pourtant, rien n’a changé aux montagnes Russes.
Tony elle en a maaaaarre!!! Marre, marre, marre!
Quand elle aborde le sujet, Georgio botte en touche.
Le problème, c’est ni toi, ni moi, c’est nous deux ensemble.
Quand Tony reparle sérieusement de divorce, Georgio change de ton et la menace.
La garde, tu vas la perdre! Alors sers toi de ton crâne une fois dans ta vie.
Finalement, le couple se sépare pour de bon. Tous les deux continuent de se voir malgré tout, de s’aimer et se détester sans parvenir à trouver un équilibre.
La ré-éducation de Tony s’accélère. Elle s’est rapprochée d’un groupe avec lequel elle discute et s’amuse. On respire et remarche à nouveau. À sa sortie de la clinique, elle retrouve Georgio qui débarque en retard à une réunion de parents d’élèves. Tony observe ses gestes avec attention, les petits détails. On le voit arriver comme une tempête. Prendre toute la place puis se faire plus discret. Visiblement ému à l’annonce des bons résultats scolaires de son fils. Presque émouvant.
Puis il s’en va comme un courant d’air, comme il est venu, comme d’habitude. Avec sa petite tête de mouche.
L’EXPLICATION
Mon Roi, ce n’est qu’un pervers narcissique.
Le Roi, on ne le choisit pas. Tony tombe sous le charme de ce dragueur de boîte de nuit. Elle ne l’a pas choisi et pourtant elle veut être sa Reine. Quand Georgio rentre dans sa vie, il impose son pouvoir souverain. Va et vient quand cela lui chante, même si cela sous-entend de déménager de l’autre côté de la rue. Vivre dans un caprice, avec une cour. Nul besoin de prévenir. Il s’intéresse, puis se désintéresse.
Écoute franchement : je m’en fous. Prends celui que tu veux.
Le Roi est génial, sur le papier. Un baratineur qu’on a tellement envie de croire. On tombe facilement sous le charme de ses pitreries sur les planches de Deauville ou au restaurant. Qu’il fasse des belles promesses, qu’il soit parfait. On veut en être fier comme les Belges peuvent l’être de Philippe, sans couronne mais avec une belle cravate.
J’ai réalisé que ce que j’aimais c’est que les gens prennent du plaisir. Et si c’est un petit peu à cause de moi, ben ça me donne l’impression de servir à quelque chose.
N’oublions pas que le Roi exige, comme lorsque Georgio commande un enfant à Tony. Il faut suivre.
J’veux un enfant de toi. Un ptit bonhomme, une ptite fille je sais pas, ce qui viendra… avec ta tête avec tes yeux, avec ton caractère de merde.
Surtout que le Roi n’est pas respectueux envers ses sujets, ni même sa Reine parfois. Difficile à supporter. Georgio l’ingrat refuse d’endosser ses responsabilités de mari ou de père. Il maquille la situation de manière à ce que Tony ait l’impression qu’elle le prive de liberté. Toujours le beau rôle.
Ce soir, je suis puni, je reste à la maison, à moins que mon amour me rende ma liberté.
Le Roi en devient carrément imbuvable. Un délinquant relationnel. Sauf que plutôt de lui couper la tête, on préfère s’ouvrir les veines. Agnès d’abord, puis ensuite Tony.
Georgio est ce fameux pervers narcissique qui fait tant couler d’encre dans les magazines lifestyles. Le vilain dont il faut absolument se méfier.
Georgio est finalement peu de choses. Le Roi n’est pas différent des autres, comme le rappelle Solal en sniffant les baskets du monarque.
T’es riche, t’es pauvre… tu pues des pieds quand même!
Il a ses faiblesses. Bien que flamboyant en apparences, Georgio n’a cependant pas une très haute estime de lui-même.
Je me suis toujours dit que c’était ce moment qui n’appartenait qu’à moi, que c’était le moment où je pouvais me comporter comme une merde. Parce que dans le fond, c’est ce que j’ai l’impression d’être.
Le Roi, on doit surtout le prendre comme il est.
Il faut que je sois comme tu veux alors que t’es venue vers moi justement parce que je suis comme je suis ?
On aimerait faire de lui un monstre. Les choses ne sont pourtant pas aussi simples. Malgré ses maîtresses, il n’aime que sa Reine, à sa façon.
Tu t’es battu toi?
Oui.
Non pas une seconde!
C’est quoi pour toi se battre ? Pousser des cris ? Moi c’est pas comme ça que je me bats c’est tout. Je me démerde pour que tu puisses pas partir.
L’engagement au Roi réclame un amour inconditionnel et une vie qui n’est pas de tout repos. Une vie dans laquelle on ne s’ennuie pas. Le chaud et le froid.
Je préfère vivre comme ça… que comme ça.
Alors tu sais que ça, ça s’appelle un électro cardiogramme et tant que ça fait comme ça, c’est que t’es vivant. Quand c’est comme ça, c’est que t’es mort.
Le Roi est un être exceptionnel qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue – dans la douleur.
Quand on parvient à s’affranchir de sa tyrannie, on se libère de son influence.
De lui on s’en souvient comme une cicatrice.
Je ne pense pas que les femmes cherchent « L’excuse parfaite pour trop de femmes qui ne cherchent qu’à se faire passer pour des victimes. »
Dommage qu’au 21ème siècle, on rende encore les femmes responsables de tout.
Merci pour ce commentaire. Il ne s’agit évidemment pas de rendre les femmes responsables de tout – bien au contraire. Veillons malgré tout à ce qu’on ne traite pas non plus tous les hommes de ‘pervers narcissiques’ à la moindre occasion. La bêtise, ça fonctionne dans les deux sens.
J’ai vécu ce genre de relation il y a 10 ans, moi, femme. Ni victime, ni bourreau, après une thérapie, ai compris que c’est moi qui ai attiré ce genre d’homme. Maintenant, j’ai compris, et je peux les voir venir à 1 km à la ronde.
Merci pour ce témoignage qui fait écho avec l’histoire de Toni qui souffre avant de trouver la bonne distance. 1km, ça semble raisonnable.
« On ne peut pas le haïr » c’est sans compter la destruction de toutes les personnes sur son passage. J’ai l’impression dans cet article de lire une apologie du pervers narcissique plutôt que sa dénonciation. Car ils/elles restent des personnalités dangereuses.
En réalité, il ne s’agit pas ici de faire l’apologie ou la dénonciation du personnage du pervers narcissique mais plutôt de partager une interpretation du film.
En l’occurrence, ce que le film met en relief, c’est la sympathie que Tony éprouve pour Georgio. Malgré tout ce qui s’est passé. Ça parait surprenant…
Il est impossible à vivre, c’est certain. Sa personnalité est effectivement dangereuse. Pour autant, Tony le regarde avec un peu de tendresse. Elle ne le haït plus. Car elle a réussi à se libérer de son emprise. Elle n’est pas une victime.
Je tombe dénue…on n’a clairement pas la même conception de ce qu’est un « amour inconditionnel »…
Et puis (après lecture des commentaires) être libéré d’une emprise, ne veut pas dire ne pas avoir été/être une victime…
Ca pique tout de même les yeux de lire tout cela : une interprétation qui manque de profondeur psychologique tout de même. Je vous invite à prendre connaissance des entretiens avec le psychanalyste Jean-Charles Bouchoux sur la question : s’instruire de cette manière apporte plus de concret et de réalisme à une situation encore trop souvent romantisée (et donc de mieux comprendre le message du film!)
Merci Gertrude pour ce commentaire plein de bon sens.
ce film m’a captivée du début à la fin car clairement il raconte mon histoire. un homme beau parleur qui m’a trompée pendant toute ma grossesse et qui a continué après , qui m’a isolée de tout le monde et qui m’a rendue à moitié dingue , qui m’a quittée et qui m’a laissée avec une grosse dépression et des antidépresseurs et évidemment il me traiter de folle et disait qu’il pouvez m’enlever ma fille quand il voulait mais qu’il me la laissait parce que j’étais malade (on a découvert que j’avais une sclérose en plaques 6 mois avant qu’il me quitte) . ce n’est pas forcément le rôle de l’acteur qui a fait écho en moi mais c’est le rôle de l’actrice , j’avais l’impression de me retrouver en elle , cette longue descente aux enfers avec des tromperies des trahisons , de la violence autant physique que morale que psychologique , jusqu’à m’imposer sa maîtresse à la maison exactement comme dans le film …. quand on a vécu quelque chose d’aussi fou et d’aussi semblable on ne peut que cautionner ce film et trouver l’interprétation extrêmement juste
Merci beaucoup pour votre témoignage Stéphanie.
Jamais compris comment et pourquoi Cassel est considéré comme un sex symbol avec sa sale gueule de voyou homme des bois