LE CHÂTEAU AMBULANT
Hayao Miyazaki, 2005
LE COMMENTAIRE
Johnny, Soprano, Kendji Girac, Jul, IAM, Bruce Springsteen, Lofofora… Ils ont tous chanté le feu à un moment ou un autre. Passage obligé sur cet élément essentiel qui est pourtant devenu une commodité. S’il ne suffit effectivement que d’une étincelle pour l’allumer, il nécessite quand même pas mal d’entretien pour le maintenir…
LE PITCH
Une modiste brise la malédiction dont elle a été victime.
LE RÉSUMÉ
La jeune Sophie croise la sorcière des Landes qui la transforme en grand-mère. Pour se désensorceler, elle part en voyage. Un épouvantail qu’elle baptise Navet la conduit jusqu’au château ambulant du magicien Hauru.
Elle y fait la connaissance de Marco, l’apprenti de Hauru et Calcifer, le feu qui permet les mouvements du château. Auprès de Hauru, Sophie se fait passer pour la femme de ménage.
Une guerre grondait entre deux royaumes voisins. Elle éclate enfin suite à la disparition d’un prince. Hauru est convoqué (cf Une Vie cachée). Il envoie Sophie pour négocier son exemption, en la faisant passer pour sa mère. Madame Suliman, la sorcière du roi, exige qu’Hauru aille au front (cf 1917). Elle jette un sort à la sorcière des Landes qui se transforme à son tour en vieille dame, privée de ses pouvoirs.
Hauru arrive à la rescousse pour sauver Sophie des griffes de Madame Suliman. Ils s’échappent en emmenant avec eux la sorcière des Landes ainsi que Hin, le chien de Madame Suliman.
La pression s’intensifie. Les villes sont bombardées nuit et jour.
Hauru se transforme en oiseau. Sophie aimerait l’aider.
Je veux te libérer de ton maléfice.
Tu n’arrives déjà pas à te libérer du tien!
Ça m’est égal si tu es un monstre.
Lors de l’une de ses sorties, la sorcière des Landes dérobe le coeur de Hauru des flammes de Calcifer. Le château se désassemble et Sophie tombe dans un gouffre du passé. Elle découvre comment Hauru a donné son coeur à Calcifer, et leur demande à tous les deux de la retrouver dans le futur.
La sorcière des Landes rend le coeur de Hauru à Calcifer. Sophie redevient elle-même, mais garde ses cheveux blancs. Elle embrasse Navet qui reprend sa forme humaine : il est le prince qui avait mystérieusement disparu.
Attendez moi, je vous promets de revenir.
La guerre s’achève, pour un temps. Des bombardiers s’envolent au loin. Sophie et Hauru prennent la direction opposée.
L’EXPLICATION
Le Château Ambulant, c’est la préservation du monde.
On n’a qu’un monde et il est ce qu’il est madame Castella, il faut faire avec (cf Le Goût des Autres). Une autre manière de reprendre la pensée de Camus qui pensait qu’il était important d’empêcher que le monde se défasse. On peut se plaindre du monde. C’est toujours mieux que tout bascule dans le chaos.
À l’origine, Sophie est parfaitement épanouie dans son village aux allures d’Alsace. Tout est beau, tout est joli.
J’ai l’impression de vivre un rêve.
Elle vit toute seule dans son petit monde, le monde des idées. Car dehors, le vent se lève dans la réalité. Avec les prémices de la guerre, Sophie commence à sentir la menace des soldats. Elle perd soudainement sa naïveté – comme si on lui avait jeté un sort. Quand la guerre éclate, ses cheveux virent aussitôt au blanc. Elle doit s’enfuir, et trouve de l’aide grâce à Hauru et sa troupe qui l’accueille.
On appelle ça un château ?
Ce refuge est ce qu’il reste d’un monde qui avance tant bien que mal. Dans ce château, Sophie doit faire alliance avec Navet, Marco, Calcifer puis plus tard la sorcière des Landes, ainsi que Hin. Cet équipage de fortune repose sur un équilibre précaire. Ils ne sont pas forcément amis. Notamment la sorcière des landes qui a considérablement vieilli Sophie. Malgré tout, ils doivent apprendre à composer les uns avec les autres.
Toute notre famille est pareille.
Logé·es à la même enseigne, chacun·e est contraint·e de jouer son rôle pour faire en sorte que le château avance. Sophie et les autres doivent faire des efforts pour que tout ne s’écroule pas. Pas grand chose ne fait de sens par temps de guerre. Pourtant, ensemble ils vont réussir à préserver le monde.
Hauru est la clé de voute de ce château. Cependant, lui aussi ses propres démons. Il ne veut pas prendre ses responsabilités et préfère se planquer derrière sa superficialité.
À quoi sert de vivre si on n’est pas beau ?
Le chateau ambulant avance comme un poulet sans tête car Hauru est absent. Tellement épris d’indépendance, il ne sait pas vraiment qui il est. Son manque de personnalité se traduit par une absence de direction claire.
Vous avez combien de noms ?
Autant qu’il faut pour pouvoir vivre libre.
Toute seule, rien n’a d’intérêt pour Sophie. Alors qu’avec les autres membres du château, elle va se trouver une fonction. Elle n’est simplement là que pour faire le ménage. Au contraire, elle va convaincre la sorcière de rendre le coeur d’Hauru à Calcifer pour empêcher que tout ne s’écroule. Elle est inspirée par Hauru et sa magie.
C’est grâce à lui que je suis ici.
En retour, la présence de Sophie donne une bonne motivation à Hauru de ne pas se transformer définitivement en papillon de nuit. Plutôt que de prendre le risque de se faire une entorse entre deux royaumes pour une raison qui le dépasse, il se verrait bien passer son temps auprès de Sophie. Cela ferait davantage de sens pour lui.
J’ai enfin trouver quelqu’un à protéger.
Comme des pièces d’un puzzle qui finissent par s’assembler, chacun se retrouve. Sophie rompt le charme dont elle a été victime et peut donner de l’amour autour d’elle, en embrassant Navet qui redevient le prince. Le temps où l’on vivait à côté de ses pompes est révolu. Sophie, et les autres, sont parvenus à éviter la destruction du monde. On n’est pas passé loin. À présent, Sophie peut commencer à réfléchir à la suite – avec Hauru.
Je n’ai jamais connu une telle sérénité.
La guerre s’en va comme elle est venue. Elle existe toujours, mais elle s’éloigne. L’horizon se dégage un peu.
Hauru, Sophie et la troupe ne sont plus perdus. Ils ont survécu dans la tempête. À présent, ils voient plus loin. Ils vont peut être même pouvoir construire quelque chose qui ne soit pas une utopie. Mieux qu’un château ambulant, une République en marche ? Au moins jusqu’à la prochaine guerre…