PAS SI SIMPLE
Nancy Meyers, 2009
LE COMMENTAIRE
La vie ne nous fait pas que des cadeaux. Sans rien demander, nous avons chaque jour de nombreuses raisons de nous prendre la tête. Comme si cela ne suffisait pas, nous en rajoutons en nous inventant des problèmes. Alors qu’à bien y réfléchir, nous pourrions reconsidérer la grande majorité de ces sujets et en rire.
LE PITCH
Deux divorcés remettent les couverts.
LE RÉSUMÉ
Jane (Meryl Streep) et Jake Adler (Alec Baldwin) sont séparés depuis quelques années. Elle souffre de solitude. Il n’est pas heureux dans son couple. Pour la cérémonie de diplôme de leur fils Luke, ils se retrouvent à New York. À l’issue d’une soirée un peu arrosée, Jane et Jake finissent dans le même lit. Comme quoi, tout peut arriver. Après cette nuit inattendue, ils continuent de se voir, en secret.
It’s official! We are having an affair!
Tellement heureux à l’idée de retrouver la femme qu’il pense avoir toujours aimée, Jake s’emballe.
Home Sweet Home.
De son côté, Jane ne vit pas cette relation de la même manière, oscillant entre plaisir et culpabilité. Alors que Jake se fait toujours plus pressant, Jane est également courtisée par Adam (Steve Martin), l’architecte qui travaille sur l’extension de sa maison.
Ainsi, elle se retrouve coincée entre ces deux hommes : l’un sur video chat et l’autre nu sur son lit. Suite à un quiproquo ridicule, les Adler doivent s’expliquer devant leurs enfants en état de choc. Jake en profite pour faire une déclaration officielle à son ex-femme, que celle-ci refuse. Malaise. Adam se déconnecte du chat. Jake s’en va la queue basse. Les enfants quittent la maison les larmes aux yeux. Et Jane se retrouve à nouveau seule.
L’occasion pour elle de se recentrer sur ce qu’elle veut.
Elle procède d’abord à une mise au point avec ses enfants.
I went out from my comfort zone (…) and I experimented with a part of myself (…), I hope you’ll forgive me for betraying your trust. But I did it for me and I did it for him.
Puis elle fait la paix avec Jake.
I don’t regret giving it another shot.
I don’t regret it either.
Ce qui lui permet d’envisager un futur avec Adam.
L’EXPLICATION
Pas si simple, c’est assumer jusqu’au bout.
Nous faisons mine que les relations humaines sont simples. Quand deux personnes se plaisent, elles se trouvent. Elles vivent heureux, avec beaucoup d’enfants. Inversement quand deux personnes ne s’aiment plus, elles se séparent et passent à autre chose. C’est en tout cas le point de vue des enfants Adler qui attendent un peu de clarté de la part de leurs parents. Blanc ou noir. Binaire. Cela ne devrait pas être plus compliqué.
Or, ce n’est pas si simple (cf Uranus).
L’Amour ne se vit pas de la même manière. Deux personnes peuvent se plaire beaucoup, mais pas complètement. Peut-être pas assez pour une vie entière. Parfois, ce n’est pas la bonne personne ou pas le bon moment (cf Her). Par exemple, Jake est convaincu qu’il est à un stade de sa vie ou il pourrait enfin apprécier sa relation avec Jane – ce qui n’était pas autant le cas avant. Deux personnes n’arrivent pas toujours à s’oublier non plus.
On peut se séparer et s’aimer malgré tout. La tentation de revenir en arrière est forte. Tordre ses principes dans tous les sens pour accepter quelque chose qui n’est pas parfait, plutôt que de se jeter entièrement dans le vide de demain. Tourner la page n’a effectivement rien d’évident. Adam en est réduit à devoir écouter un podcast pour l’aider à surmonter son divorce douloureux. Des années ont été nécessaires à Jane afin de se sentir à nouveau normale, comme elle essaie de l’expliquer à ses enfants.
Knowing how to be divorced is next to impossible.
En réalité, les complications sont amplifiées par de trop nombreuses conventions que nous nous imposons. Ces occasions symboliques de jouer une comédie qui ne plait pourtant pas à tout le monde. Les fiançailles, les mariages, les anniversaires de mariage où nous nous retrouvons en société pour faire semblant que tout va bien. De ce point de vue, Lauren (Caitlin FitzGerald) et Harley (John Krasinski) représentent le parfait stéréotype du petit couple heureux préparant son mariage, presque comme sur une chaîne de montage. Les jeunes générations pensent justement être les champions de ce jeu de rôles.
Alors qu’elles aussi pourtant sont confrontées très tôt à la complexité des sentiments. Elles aussi passent des heures sur leurs messageries à expliquer à leurs amis qu’elles n’arrivent pas à oublier leurs ex sans accepter que cette situation puisse s’appliquer aux autres, surtout leurs parents. Gabby Adler (Zoe Kazan) réclame de l’ordre à sa mère :
Mum, you have to understand how bonkers it sounds to us!
Jane essaie de jouer le jeu pénible de la bonne mère divorcée. Elle en souffre parce qu’elle éprouve toujours du désir pour Jake alors qu’elle estime que cela ne devrait pas être normal – surtout après ce qu’il lui a fait endurer. Jake est un homme invivable et très attachant à la fois. Jane cherche à se rassurer auprès de ses amies qui, plutôt que de l’écouter, n’ont de cesse de lui dire quoi faire. Tant que Jane attend qu’on lui donne une réponse, elle se trouve bloquée entre son désir et ce qu’elle estime être son devoir. Ce sont finalement les mots de son psychiatre qui vont l’aider à se débloquer :
Let go! It won’t hurt.
Elle boit du petit lait. Ces mots sont la permission que Jane n’osait pas se donner elle-même. L’occasion lui est donnée de desserrer un peu le frein à mains. Elle fume un joint avant de se rendre à la soirée de son fils et passe un très bon moment à flotter entre Adam et son ex-mari, sans souffrir de la présence de la nouvelle femme de Jake. Pour la première fois, elle n’est plus affectée par les conventions. Les choses ne sont pas si simples, mais elles ont perdu de leur gravité. La vie semble soudainement moins étouffante. Jane revit.
Plus tard, elle se retrouve confrontée à Jake, Adam et ses enfants. C’est l’heure de rendre des comptes et elle ne sait pas comment réagir. Car Jane doit aller jusqu’au bout en assumant pleinement ce qui se passe dans sa vie. Elle doit en finir une bonne fois pour toute avec cette hypocrisie insupportable qui la ronge.
Avec beaucoup de vulnérabilité, elle se met à nu devant ses enfants. Ce qui la soulage d’un poids énorme et lui permet de communiquer ce qu’elle veut pour elle-même. Ses enfants sont capables de l’entendre.
Ce moment de vérité, Jane doit également l’avoir avec Jake qui, lui aussi, est suffisamment intelligent pour lui demander pardon.
I’m sorry.
Jane s’est enfin trouvée. Elle se sent libérée. Plus besoin d’être aussi agressive envers un monde qui ne lui veut pas de mal en réalité. Jake n’est pas son ennemi. Elle n’a pas à s’en méfier.
Do you always have to be so hard on me??
… No, I don’t.
Tout va bien.
Tout simplement, elle ne se laisse plus dicter ce qu’elle doit dire, ce qu’elle doit faire ou ce qu’elle doit ressentir. Elle assume la complexité du monde. C’est précisément parce que ce n’est pas si simple et que Jane l’admet, et l’accepte, que les choses deviennent plus simples pour elle. À partir de ce moment, elle peut construire son avenir comme elle l’entend. Une nouvelle aile à sa maison. Adam va l’aider. Il n’est peut-être pas architecte par hasard…
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