REALITY

REALITY

Tina Satter, 2023

LE COMMENTAIRE

Un interrogatoire se fait rarement dans le confort, encore moins lorsqu’il a lieu à domicile. Les représentants de l’autorité vont trouver un moyen de s’installer dans la pièce de la maison la moins agréable. Pas de torture. Juste une lumière perçante. Pas de quoi s’asseoir. Dos au mur. Cela suffit pour obtenir des aveux.

LE PITCH

Une jeune employée de la NSA se retrouve interrogée par des agents du FBI.

LE RÉSUMÉ

Comme de nombreux Américains, Reality Winner (Sydney Sweeney) regarde impuissante les décisions lunaires de Donald Trump se succéder, comme celle de renvoyer le directeur du FBI James Comey.

Un mois plus tard, elle rentre chez elle. Deux agents du FBI l’attendent.

How’s your day today?

Justin Garrick (Josh Hamilton) et Wallace Taylor (Marchánt Davis) enregistrent immédiatement la conversation. Ils se présentent brièvement. Les deux hommes ont un mandat.

The reason why we are here today is because we have a search warrant.

Elle ne semble pas surprise, ni inquiète.

Do you have any idea what this might be about?

I have no idea!

Son premier réflexe est de penser à sa chienne et sa chatte.

Puis d’autres SUV stationnent devant sa maison. L’affaire semble grave. Pourtant, les agents ne se montrent pas agressifs. Au contraire, ils sont plutôt maladroits. Garrick dévoile le motif de leur présence.

This is about possible mishandling of classified information.

Reality travaille pour la NSA. Elle traduit des documents en Pashto, Dari et Farsi. Ancienne membre de la US Air Force, elle avait demandé son détachement au Proche-Orient.

Apparemment, elle aurait eu accès à un rapport confidentiel qui aurait fuité. C’est ce que les agents cherchent à savoir. À la demande de Reality, ils s’installent dans une pièce vide de sa maison pour l’interrogatoire. Pas d’avocat comme dans les films. Les premières questions sont anodines.

As far as you’re aware, you haven’t committed any security violations?

Reality ne voit rien de compromettant. Rien à déclarer.

Alors le ton change petit à petit…

Reality, what if I said that I have information to suggest you did print out stuff that was outside of that scope?

La menace commence à prendre forme.

Reality, we obviously know a lot more that what we’re telling you at this point. And I think you know a lot more than what you’re telling us at this point. I don’t want you to go the wrong road.

Reality admet qu’elle a imprimé un rapport de la NSA, soit disant pour le lire.

There’s one I printed out, because I wanted to read it.

La voix de Reality se fait plus hésitante. Alors Garrick insiste.

Are you sure that’s what you did with it?

Reality a envoyé ce rapport de la NSA à un media d’investigation. Garrick veut savoir pourquoi.

It’s getting very specific. So, I’m gonna ask you again… I’d like to know the reason.

Reality comprend que c’est fini. Garrick veut lui faire avouer qu’elle voulait nuire à l’administration Trump.

I think you might have been angry over what’s going on politics-wise. (…) You know that’s a problem that concerns us too.

Plein d’hommes sont en train de fouiller dans ses affaires. Elle se sent seule. Ses yeux rougissent. Elle reconnait les faits.

It made me very mad.

Puis elle bredouille quelques excuses.

I wasn’t trying to be a Snowden or anything…

Reality ne pense pas comme une ennemie de la nation. Pourtant elle n’est pas prête de revoir sa chienne et sa chatte.

This sounds really bad. Am I going to jail tonight?

Elle va être condamnée à cinq ans de prison en vertu de l’Espionnage Act de 1917. Les médias républicains l’accablent.

She claimed to hate America. (…) It’s litteraly the worst thing to happen on the planet. (…) She was a quintessential example of an insider threat.

Quelques voix prennent sa défense. Le document faisait état d’une possible collusion entre la campagne de Donald Trump et la Russie afin d’influencer les élections de 2016…

We are less concerned with the leak that the Russians attacked our democracy and that the president campaign has participated in that.

L’EXPLICATION

Reality, c’est l’interdiction de penser.

On ne demande pas aux soldats de réfléchir. Ils doivent obéir et exécuter les ordres, point final. Les yeux fermés. Se mettre au service du système sans jugement de valeur.

Reality est une soldate qui s’est engagée au nom d’un système dont elle partageait des valeurs qu’elle croyait immuables. Reality pensait être au service du peuple américain.

I knew it was secret. But I also know I had pledged service to the American people.

Elle a interprété ce qu’elle croyait être son devoir. Reality était en fait au service du gouvernement américain, non du peuple. Et le gouvernement ne sert pas toujours les intérêts du peuple, comme l’a illustré l’arrivée de Trump à la Maison Blanche.

Quand Donald Trump a été élu en 2016, il a fait le grand ménage au sein de l’administration. Il a changé le programme. Celles et ceux qui n’étaient pas content·es ont pris la porte – comme James Comey. Pour celles et ceux qui sont resté·es, il fallait marcher au pas. Sinon, on envoie la patrouille! Les traitres sont identifié·es, inculpé·es et enfin condamné·es.

Le système peut se retourner contre les siens. Il ne le fait pas avec fracas comme on pourrait l’imaginer. Pas de sirène, ni de gyrophare. La voiture est déjà garée. Les agents sont là. Polis. Calmes. Ils travaillent dans les règles. Tout est enregistré. Ils sont déterminés. Le système intervient d’une manière insidieuse.

I’m not asking you or forcing you to do anything.

Il avance pas à pas, s’enroule autour du cou puis étouffe sa victime. Le piège se referme sur Reality. Les deux agents tombent sur son dos comme dans un roman de Kafka (cf Le Procès).

Were you surprised to see us today?

On ne sait d’abord pas vraiment pourquoi ils sont là. Reality n’est pas sûre non plus. Ils posent des questions ouvertes.

Anything other than that?

Ils vont à la pêche.

Anything you can think of…?

En fait, ils savent tout.

We’re not worried about fraud, waste or abuse.

Le passage aux aveux est présenté à Reality comme une opportunité.

Now is the perfect time. This is a podium.

Les agents suggèrent la réponse : Reality n’est pas en ligne avec les décisions du gouvernement. Garrick et Wallace reconnaissent être concernés eux aussi. Cependant, ils ne font pas de vague. Ils continuent de servir la cause. Dans un système juste, ils devraient l’aider. Aujourd’hui, ils sont là pour l’arrêter. Elle est devenue un danger pas parce qu’elle a transmis des documents secret défense, mais parce qu’elle a réfléchi.

I think you might just have made a mistake.

Le système est très conscient de ce qu’il fait, il documente tout. Reality a agi parce qu’elle a vu une preuve de quelque chose qui n’était pas juste, selon elle.  Elle a voulu le partager avec le grand public, via un media, pour que tout le monde ouvre les yeux – en comptant sur une éventuelle révolte. Telle était sa raison.

They didn’t care about anything else, they were just straight-up curious to know why.

Reality n’est effectivement pas l’ennemie numéro un, comme Snowden a pu l’être.

I don’t think you’re a big bad master spy or anything.

Néanmoins, elle constitue une menace majeure pour la sécurité nationale car son geste pourrait éveiller les consciences. Son attitude peut bouleverser l’ordre. Il faut donc la mettre hors d’état de nuire, avec une peine symbolique pour dissuader quiconque voudrait se mettre à penser. Elle doit servir d’exemple.

Chacun·e peut se poser la question du rôle à jouer dans ce système, conscient·e des sacrifices que cela impose.

Well… I lied!

Don’t we all..?

Ou peut-être vaut-il mieux ne pas se poser de question du tout, par précaution ?

Cela rappelle quand même de mauvais souvenirs. Toute ressemblance avec des faits réels ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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