LES APPRENTIS
Pierre Salvadori, 1995
LE COMMENTAIRE
Dans la vie parfois on se marre bien. C’est la fête et le champagne. C’est le Doliprane des lendemains matins qui résonnent un peu trop fort. Et puis des fois, on se marre moins. Parfois la vie elle nous reprend, comme le disait Édouard Baer assez joliment. C’est les gros pains en plein dans la gueule et les soupes à la grimace – sans sel. C’est les bains de Synthol. D’une manière ou d’une autre, ça se finit chez le pharmacien.
LE PITCH
Deux hommes égarés se rencontrent dans un refuge.
LE RÉSUMÉ
Antoine (François Cluzet) se fait mettre à la porte par sa copine Valérie. C’est ainsi qu’il rencontre Fred (Guillaume Depardieu), qui squatte chez Benoît (Jean-Baptiste Marcenac) qui vit aux « Stètes ».
Antoine enchaîne les lettres à Valérie sans jamais les envoyer.
Fred se fait pincer à la Fnac pour avoir essayé de piquer du papier photo pour le photographe avec qui il travaille. Antoine vient à sa rescousse.
Antoine fait des piges pour Karaté magazine, sans grande conviction.
Il faut que tu parles du côté chorégraphe des acteurs.
Chorégraphe…
Tu comprendrais si tu venais aux entraînements!
Les deux hommes se retrouvent dans une impasse quand la grand-mère de Benoît décide de vendre l’appartement. Ils essaient d’amadouer la vieille, qui n’a déjà plus toute sa tête.
Oh non il faut que vous partiez. IL FAUT VENDRE! Il faut vendre…
Antoine a des crises d’angoisse.
Fred! J’suis très inquiet.
Il a l’idée de cambrioler Karaté Magazine. Immédiatement après leur larcin, Antoine est repris de bouffées d’angoisse. Fred essaie de le calmer.
C’était ton idée!! Alors maintenant t’arrêtes. Allez va t’coucher.
Fred fait la connaissance d’Agnès (Claire Laroche) dont il tombe amoureux. Il lui fait une déclaration et couchera même avec elle, avec la bénédiction de Patrick (Bernard Yerlès), le mec d’Agnès.
Pendant ce temps, Antoine se fait rattraper par le rédacteur en chef de Karaté Magazine (Jean-Pol Brissart) qui lui casse la figure et lui réclame l’argent. Quand Antoine et Fred rentrent à l’appartement, la serrure a été changée. Ils atterrissent en catastrophe chez leur pote Nicolas (Philippe Girard). Antoine commence à sombrer dans la dépression. Il devient de plus en plus agressif avec Fred et se met à parler tout seul dans la rue. Il finit à l’hôpital psychiatrique et refuse de revoir Fred à sa sortie.
J’veux plus t’voir. On s’voit plus.
Il demande à son ex Sylvie (Judith Henry) s’il peut emménager chez elle. Manque de pot, celle-ci est sur le point d’emménager avec son nouveau petit copain Henri. Antoine retourne vivre chez ses parents.
Fred est totalement désemparé. Il agresse le directeur de Karaté Magazine et décide d’écrire une lettre à Valérie pour qu’elle accepte de revoir Antoine. C’est en fait Lorette (Marie Trintignant), l’ancienne colocataire de Valérie, qui répond à Fred. Elle était curieuse de rencontrer ce fameux Antoine dont Valérie lui a tant parlé.
Antoine avoue à Fred qu’il est touché par son geste.
J’vais t’dire une chose: j’avais toujours rêvé qu’tu fasses ça.
Les deux hommes se réconcilient en jouant au foot dans un square avec un groupe d’enfants.
L’EXPLICATION
Les Apprentis, ce sont deux compagnons de galère.
Valérie ne parlait-elle pas d’Antoine comme d’un marin ? Ils sont tous les deux dans le même bateau et dans la même tempête.
Fred et Antoine n’ont pas demandé à vivre ensemble et pourtant ils forment un couple intéressant car ils se complètent (cf Une affaire de Famille). Fred prend la vie comme elle vient, à la cool. Il regarde les portiques antivol avec confiance alors qu’il a pourtant des rouleaux de papier photo volés plein ses poches. Tout est possible. Positif, en toute circonstance.
J’essaie de trouver des solutions!
Fred a ses défauts. Il est naïf, menteur, voleur… Entier.
J’aime bien pisser au milieu… Ça m’donne un sentiment d’puissance… J’m’affirme!
Antoine est à peu près tout le contraire. Profondément insatisfait avec sa situation.
Au début, j’commençais ça avait du charme mais là ça fait dix ans que j’commence.
Il vit dans le passé de Sylvie et de Valérie. Angoissé en permanence. Donneur de leçons, même s’il ne montre pas l’exemple. Constamment dans l’échec.
On n’a pas une vie saine Fred, on mange n’importe comment, on vit pas normalement, on boit trop. Faut qu’on s’reprenne.
Fred et Antoine forme plus qu’un couple. Ils ne font qu’une seule et même personne qui doit faire face aux événements de la vie. Fred est cette part en nous qui nous fait dire qu’il faut pas se stresser, que tout finit toujours par passer.
Antoine à l’inverse est celui qui fait qu’on pense que c’est jamais assez bien et qu’on n’y arrivera jamais. Avec Antoine la barre est toujours un peu trop haute. Il faut le premier pour rassurer le second. Et le second ramène aussi un peu le premier sur terre quand c’est nécessaire.
T’en as pas marre de tes conneries ?!
Tous les deux sont des apprentis parce qu’ils s’initient à la vie ensemble, comme s’ils avaient besoin l’un de l’autre (cf Vice-Versa). Au début ils n’ont aucune certitude. Ils ne savent ni qui ils sont, ni ce qu’ils veulent. Quand ils se présentent comme étudiants à la grand-mère de Benoît, Fred est bien ennuyé pour répondre. Ils ne savent pas qui ils sont.
Math Sup, math Spé?
Je sais pas, j’hésite encore…
Il vont tout apprendre ensemble. À gérer l’ennui d’une vie monotone, dans laquelle il ne se passe parfois rien.
Y’a pas à dire on a une conversation passionnante…
À s’ouvrir et dire ce qu’ils ont sur le cœur.
Je ne te demande pas de gueuler comme un âme, je te demande… d’exprimer… l’Amour!
À gérer les imprévus.
Il faudrait que tu te ramènes avec la réserve de fric spécial coups durs…
À se débrouiller.
On bouffe que ce qui rentre dans tes poches: du gruyère, des steaks surgelés, des sardines en boite, du poisson pané, on bouffe que des trucs carrés…
Ils s’engueulent aussi, évidemment.
En attendant t’as moins de scrupules quand il faut qu’j’te pique ton Babibel au Suma « c’est minable »…!
Ils apprennent surtout à se serrer les coudes.
C’qui faut surtout c’est que tu lui parles, que tu sois avec lui quoi. Même si ça t’fait peur.
Paulo Coelho disait que la vie n’est pas de longues vacances, plutôt un apprentissage constant. Antoine et Fred sont deux stagiaires qui s’aiment et se détestent. Comme les deux doigts d’une main qui en compterait cinq. Deux enfants.
D’ailleurs quand on y pense, la vie ne devrait pas être plus compliquée qu’une partie de foot dans un square. Pas besoin de se faire des noeuds au cerveau avec les histoires de tactiques et de hors-jeu. Juste le plaisir de marquer des buts ou mettre des gros tacles.
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