OKJA
Bong Joon-ho, 2017
LE COMMENTAIRE
La société va si mal qu’elle est capable de donner de l’argent à des charlatans qui se bombardent « comportementalistes ». Ces « thérapeutes » d’un nouveau genre font de l’ombre aux vétérinaires qui sont pourtant comportementalistes par définition. C’est du business. Tout cela parce qu’on ne prend plus le temps de s’occuper de nos bêtes et de les laisser nous caliner.
LE PITCH
Une fois n’est pas coutume, une petite fille regrette d’être séparée de son porc.
LE RÉSUMÉ
Lucy Mirando (Tilda Swinton), la nouvelle grande patronne du groupe agro-alimentaire éponyme, annonce en grande pompe la découverte de super porcs avec à la clé un grand concours pour célébrer le plus beaux d’entre eux.
La plus belle c’est Okja. Elle vit quelque part en Corée où elle a été bichonnée dans la nature par Mija (Ahn Seo-hyun) et son grand-père Heebong (Byun Hee-bong). Une équipe de scientifiques de Mirando accompagnés de la figure et caution de la marque, le célèbre zoologiste Johnny Wilcox (Jake Gyllenhaal) débarque chez Heebong. L’équipe est subjuguée par la santé d’Okja et l’embarque aussitôt pour New-York afin de l’exhiber.
Car il ne s’agit que d’un coup de communication. Jay (Paul Dano), le leader de l’ONG A.L.F. (Front de Libération des Animaux) le sait très bien. Mirando a conçu cette nouvelle race de porcs mutants en laboratoire. La compagnie a besoin d’une opération de séduction pour que le monde entier tombe sous le charme de cet animal, au moins juste assez pour en vouloir dans son assiette. A.L.F. capture Okja pour mieux la relâcher après l’avoir équipée d’une caméra dans le but d’espionner les laboratoires Mirando et dénoncer les conditions déplorables dans lesquelles les porcs sont traités.
Pendant le kidnapping, Okja a semé la pagaille et a occasionné un dégât d’image considérable pour Mirando dont les employés ont molesté Mija. Lucy Mirando, aidée par son conseiller en communication (Giancarlo Esposito), va retourner la situation. Elle a l’idée d’inviter Mija à New York pour en faire le nouveau visage de la compagnie et mettre en scène une réunion émouvante entre la petite et son cochon.
She could be the new face of Mirando Corporation, she can be the embodiment of the Mirando ideal, she’s young, she’s pretty, she’s female, she’s eco friendly and she’s global, she’s a God send. Are you writing that down?
Lors du show, A.L.F. intervient et projette sur grand écran des images d’un Wilcox amer, torturant Okja et la forçant à s’accoupler avec un mâle. La foule est horrifiée. C’est une nouvelle fois la panique générale. Nancy Mirando (Tilda Swinton) fait intervenir la police et reprend le contrôle de la compagnie. Fini la méthode douce. Okja est envoyée à l’abattoir avec les autres.
Grâce à Jay, Mija retrouve Okja avant qu’il ne soit trop tard et la rachète à Nancy moyennant un cochon en or que son grand-père lui avait donné. Elle s’en retourne vers sa Corée avec Okja pendant que des centaines de cochons, parqués dans ce qui ressemble à des camps de concentration, se destinent à la boucherie. Deux cochons parviennent à glisser leur petit sous les barbelés afin de le sauver.
La vie continue. Okja gambade à nouveau dans la montagne avec son nouveau copain. Et Jay poursuit son combat.
L’EXPLICATION
Okja, c’est le nouveau visage de la dictature libérale.
Mirando représente la vilaine world company qui prive Sébastien de Belle. On voudrait aussi nous faire croire que Heebong est un monstre alors qu’il a pourtant raison:
To be honest, you’re nearly a grown woman now. I don’t like you playing with that pig all day.
Pourquoi diable Mija avait-elle besoin de sympathiser avec sa truie? Les Musulmans et les Juifs le savent bien qu’il y a rien de bon dans le cochon! Il est temps pour elle de grandir et pour nous d’ouvrir les yeux sur certains grands enjeux de société comme le réchauffement climatique, l’automatisation du travail ou encore la surpopulation.
The world’s population is 7 billion.
Vu sous cet angle, Mirando n’est pas le diable mais simplement une réponse du capitalisme (pas forcément la bonne) à ce problème, tout comme le sont McDonald’s, Monsanto ou IOI.
Le véritable problème avec Mirando, c’est que cette compagnie ment ostensiblement pour arriver à ses fins. Tout comme Lush qui marchande ses savons comme s’il s’agissait de produits naturels. C’est joli, ça sent bon, ça coute cher et surtout ça contient du paraben. Ou encore Chipotle qui fait des campagnes promotionnelles primées à l’autre festival de Cannes, celui de la publicité, pour mieux nous faire avaler le fait qu’il s’agit d’une chaîne de fast food finalement pas si différente des autres.
Lucy Mirando se vante de faire partie d’une nouvelle génération de patrons, plus jeunes et souriants. Elle met un point d’honneur à dénoncer les méthodes de son grand-père, un peu à la manière d’une Marine Le Pen avec son Jean-Marie.
Now I know, we all know, that Grandpa Mirando was a terrible man.
Lucy pousse donc les vieux dans les orties sans ménagement.
Now the rotten CEOs are gone!
Lucy n’est rien d’autre qu’Emmanuel Macron qui n’a cessé de vouloir se démarquer des autres candidats trop vieux et pourris. Il offre une cure de jeunisme à une France qui a honte de ses rides. Lucy, comme Macron, décape.
I’m not here to put you to sleep with some corporate speech like my boring sister might have.
Avec elle, c’est la façade de Mirando a changé.
It’s new Mirando era with me and with new core values: environment and life.
Lucy a passé son temps dans des écoles où on forme les patrons de demain à penser des manières plus efficaces de faire du business. Ça commence par savoir raconter de belles histoires, comme celle d’Okja, montée de toute pièce.
We needed a miracle. And then we got one. Say hello to a super piglet. This beautiful and special little creature was miraculously discovered in a Chilean farm. We brought this special girl to the Mirando Ranch in Arizona. Our scientists have been raising her with love and care ever since.
Parce qu’au final tout cela n’est que du vent, jusqu’à cette vidéo de Wilcox.
Well fucking film me Jennifer! You can’t fake these emotions.
Toute cette mascarade scandaleuse a été rendue possible par notre société qui ne se soucie plus que de l’image et pas du reste. De la forme plutôt que du fond. Un peu comme on s’intéresse à une poignée de mains plutôt qu’au contenu d’un sommet international. L’image, il faut le reconnaître, marque l’opinion. Elle peut à elle seule réhabiliter ou tuer.
That image… We’re dead.
Lucy l’a compris. Tout ce qu’elle entreprend, elle le fait dans le but de faire des RP.
Do you remember what the New York Times said about our super pigs? ‘Intriguing’ right? Slate. ‘Lucy Mirando is pulling off the impossible. She’s making us fall in love with a creature that we’re already looking forward to eating.’ I mean those are journalists who never write about pigs.
Dans le fond, rien n’a vraiment changé. Mirando est toujours la même compagnie à l’éthique douteuse. Lucy et sa soeur Nancy sont jumelles. Elles sont interchangeables. De la même manière, Macron n’est pas différent des autres. Il nous faudra un peu de temps pour le découvrir.
Ses arrivées « James Bondesque » ne masqueront pas longtemps le fait qu’il est un énarque comme son premier ministre et comme la plupart des hommes et femmes politiques. Il a déjà oublié ses promesses. Le business fait toujours la loi. Et l’argent n’a pas plus d’odeur qu’il n’a de visage. C’est d’ailleurs ainsi que Mija obtient la libération de Okja, grâce à un deal. Le capitalisme est plus fort que tout.
Try to learn english. It opens new doors.
Mija retourne dans sa campagne. Le monde est rassuré. Rien à foutre que des milliers de poulets en batterie se fassent charcuter chaque jour. On fait confiance à la filière. Le monde a aussi besoin de KFC.
Alors on mange un peu de son Président chaque jour et on en redemande, bien trop fier de ce beau produit présidentiel si fringuant derrière son prompteur. On lui pardonne tout, même ses sorties malheureuses sur les kwassa-kwassa ou sur ceux qui ne sont rien ou sur les pauvres qui restent pauvres. On se félicite d’avoir sauvé le monde de la dérive populiste en votant pour lui.
Qu’est-ce qui a changé, en vrai ?
Je pensais que j’allais apprécier votre site de CINEMA mais non du Macron et du Macron et du Macron ! Adios !!!
Et un peu de Trump aussi.
Une belle allégorie de notre monde de merde fasciste et capitaliste. La scène du camp de concentration est terrible. La joie du couple qui réussi à envoyer son petit vers un monde meilleur nous aide à penser. Il faut juste le vouloir
Merci pour votre commentaire Coelho. C’est juste. C’est un point qui mérite d’ailleurs d’être rajouté: On n’est pas obligé de se resigner et accepter cette vision du monde en batterie. Et si l’on peut glisser des petits sous les barbelés avant de passer à l’abattoir, alors il y a de l’espoir.