LE VOYAGE DE CHIHIRO

LE VOYAGE DE CHIHIRO

Hayao Miyazaki, 2001

LE COMMENTAIRE

On n’est jamais content. Quand il fait un temps d’automne en plein mois de mai, on peste contre les nuages et la grisaille. Puis quand arrive la canicule, sans prévenir, on trouve une bonne raison de se plaindre. Ça ne va jamais. Personne n’apprécie la promiscuité d’un métro blindé. Et pourtant lorsque le wagon se vide de ses passagers, on en viendrait presque à regretter leur mauvaise humeur.

LE PITCH

Une petite fille se perd dans un monde étrange.

LE RÉSUMÉ

Les parents déménagent, les enfants trinquent (cf Vice-Versa). La petite Chihiro Ogino fait la tête à l’arrière de la voiture. Son papa se trompe de chemin et finit sa course dans une ville abandonnée. Les parents s’arrêtent pour profiter de la nourriture à disposition tandis que Chihiro va faire un tour en ville.

À la tombée de la nuit, le jeune Haku lui ordonne de fuir. Il est déjà trop tard, les lumières s’allument. Les parents se sont transformés en porcs. Des esprits s’emparent de la ville. Chihiro a juste le temps de se cacher.

Chihiro prend le nom de Sen. Elle devient la baby-sitter de Bô, le bébé géant de la sorcière Yubaba. Sen ne doit pas oublier son nouveau prénom, sinon elle ne repartira jamais. Haku a oublié le sien mais semble se souvenir vaguement de la fillette.

Depuis cette escapade au village, un sans visage suit Sen. Employée aux bains, la petite fille reçoit des pépites d’or de la part d’un client. Cette récompense affole les habitants. Le sans visage se met à en produire pour mieux avaler tout ce qui bouge. Il se met en colère lorsque Sen refuse tout l’or qu’il lui offre.

La fillette est trop occupée à sauver la vie d’un dragon attaqué par des oiseaux en papier. Le dragon est Haku. En l’occurrence, Yubaba veut se débarrasser de lui. Un avion de papier qui s’est introduit dans l’appartement se révèle être la jumelle de Yubaba : Zeniba. Pour se venger de sa soeur, elle transforme Bô en petit hamster dodu. Le dragon reprend des forces et chasse Zeniba. Sen lui donne la boulette à Haku afin qu’il puisse recracher l’artefact qu’il a volé à Zeniba.

Sen finit par maîtriser le Sans Visage en lui faisant vomir tous ceux qu’il a mangés, puis part en sa compagnie, ainsi que du hamster, à la rencontre de Zeniba pour lui rendre son bien.

Yubaba est furieuse de la disparition de Bô. Haku lui promet de lui ramener son bébé en échange de quoi, elle libérera Sen et ses parents.

Sen rend l’artefact à Zeniba. En retour, la sorcière lui offre un élastique à cheveux magique et lui fait comprendre qu’elle ne pourra compter que sur elle-même dans la vie. Le sans visage reste aux côtés de Zeniba. Sen part sur le dos du dragon. En chemin, Sen se rappelle…

Once, when I was little, I fell into a river. She said they’d drained it and built things on top. But I’ve just remembered. The river was called… Its name was the Kohaku River. Your real name is Kohaku.

Le dragon se souvient désormais de son prénom et reprend forme humaine.

Yubaba rendra sa liberté à Sen et ses parents si elle les retrouve parmi un tas de cochons. Sen ne se trompe pas. Elle est désormais libre. Haku l’escorte jusqu’à la sortie de la ville où Chihiro peut retrouver ses parents qui ne se sont aperçus de rien. La fillette s’en mettrait presque à douter de tout ce qui vient de se passer. Son élastique à cheveux magique est là pour qu’elle n’oublie jamais.

L’EXPLICATION

Le voyage de Chihiro, c’est laissons les enfants prendre le volant.

Chihiro est une enfant qui vit à l’arrière de la voiture, comme les autres. C’est à dire que comme beaucoup d’enfants, elle laisse délibérément ses parents conduire. Son père est trop content de s’occuper de tout.

Don’t worry, you’ve got Daddy with you. He’s got credit cards and cash!

Cependant, il se trouve que les parents sont des irresponsables qui se perdent en voiture et se cachent derrière leur SUV.

Daddy, are we lost?

Don’t worry, I’ve got four-wheel drive.

De vrais incompétents en la matière.

Quand on est un enfant et qu’on voit comment ses parents gèrent le monde, en se goinfrant comme des porcs, on se dit qu’il est peut-être temps de faire quelque chose. Le syndrome Greta. Alors Chihiro prend les devants.

Guys, don’t take that food! We’re gonna get in trouble!

La bêtise de ses géniteurs l’envoie malgré elle dans un monde parallèle où Chihiro est dépossédée de son identité et où elle doit aussi apprendre à se débrouiller seule. Les jolies colonies de vacances. Merci maman, merci papa.

Il va falloir se mettre au travail et même parfois faire le sale boulot. Commencer par se faire respecter par la patronne. S’occuper des autres comme Bô ou Haku. Nouer des alliances stratégiques comme dans Koh Lanta et faire les bons choix comme dans une bonne vieille chanson de Leslie.

Ne jamais trahir ses principes en refusant les pépites faciles du sans visage cannibale. Une série de test qui vont déterminer de quel bois se chauffe la petite, et peut-être provoquer la fin du monde si elle se rate.

Contrairement à Alice qui cherchait à fuir le réel en s’enfonçant dans un monde de fantaisies, Chihiro est contrainte à devenir adulte dans un monde loufoque.

voyage

Elle va faire ses preuves en commençant par prendre son destin en mains, comme le chantaient les Inconnus.

C’est le début d’un voyage au cours duquel Chihiro découvre notamment que le faire vaut mieux que le savoir. Assez de blabla. Rien ne vaut mieux que l’action car quand on fait, on se rappelle. Et se rappeler, c’est tout ce qui nous reste (cf Total Recall, Memento).

Once you do something, you never forget. Even if you can’t remember.

Cela pourrait être la réhabilitation des formations pratiques dans une France des esprits. La victoire du L.E.P. sur l’E.N.A. Des métiers manuels sur les intellectuels. Le monde a besoin de petites mains plus que de grands principes.

Par ailleurs, les voyages font la jeunesse. Chihiro a gagné sa liberté toute seule. Elle est devenue une grande fille qui n’a plus peur de rien. Plus besoin de la materner désormais.

A new home and a new school? It is a bit scary.

I think I can handle it.

L’affaire était pourtant bien mal embarqué. Le père peut reprendre le volant, sereinement, maintenant que sa fille a fait tout le boulot. Chihiro s’est occupée de tout. Elle mérite au moins de pouvoir faire la conduite accompagnée.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

3 commentaires

  • Je partage votre analyse de ce film comme un voyage initiatique. Sacré voyage pour la petite Chihiro ! A titre personnel, c’est un film qui me rend terriblement nostalgique. J’y vois la mélancolie de mes grandes émotions d’enfant. Des émotions d’une intensité à tout jamais perdue. On y retrouve l’ennui mortel des longs trajets en voiture, l’angoisse d’un premier voyage en train seule, la peur terrible des monstres et des fantômes, le temps qui s’écoule sans fin, mais aussi la fantaisie et notre imagination sans borne à se raconter toutes sortes d’histoires farfelues! Alors je regarde et je re regarde le voyage de chihiro pour cultiver mon âme d’enfant! Merci d’avoir mis en avant ce très beau film.

    • Merci Delphine. Il y a un peu d’Alice au pays des Merveilles dans Chihiro. Un premier voyage dans un monde de fantasmes – sans les parents.

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