LITTLE MISS SUMO
Matt Kay, 2019
LE COMMENTAIRE
Il fait meilleur être femme aujourd’hui qu’au Moyen-Âge (cf The Witch), c’est évident. Le droit de vote, la contraception, le permis de conduire, l’allongement du congé paternité, l’ouverture du ballon d’or de football… furent autant de progrès permettant à la femme de devenir toujours plus autonome, et reconnue comme telle. Cependant la route vers la parité est encore longue. Elle passe par une lutte acharnée contre les violences conjugales et les propos sexistes. Les femmes sont encore contraintes de faire le grand écart.
LE PITCH
Une jeune lutteuse japonaise se bat au nom des femmes.
LE RÉSUMÉ
La jeune Hiyori Kon est une sumo d’une vingtaine d’années, dans la force de l’âge. Elle a pratiqué ce sport depuis toujours, avec beaucoup de succès puisqu’elle battait même les garçons. Au Japon, les filles peuvent faire du sumo. Pas les femmes. Après l’Université, c’est fini.
Women sumo is limited to when they are students because the environment forces them out after that. (…) Because of sumo traditions, women are banned from competing professionally.
Hiyori Kon s’accroche néanmoins. Elle se bat pour que son sport devienne de plus en plus populaire. Ses performances lui valent de faire la une des magazines.
I think if women sumo become more popular, it will be permitted in the future. That’s one of the reasons I’m working hard.
C’est compliqué, surtout au sein d’une société Japonaise extrêmement conservatrice.
The ‘ideal’ woman is modest and walks three steps behind the man. She’s not supposed to be visible.
Hiyori Kon peut compter sur sa famille. Sa mère l’a toujours supporté dans ses choix. Elle a même fait pression auprès de son mari pour que Hiyori Kon puisse poursuivre sa passion.
I told him : let her do it!
C’est à Aomori, la terre sacrée des Sumos que Hiyori Kon nourrit son ambition.
I’m always striving towards a goal, not just because it’s New Year. This year, I want to become world number one. I’ll train hard everyday to make it happen.
À Taiwan où elle se rend pour les championnats du monde, Hiyori Kon se fraie un chemin jusqu’en finale des poids lourds mais perd contre la Russe Anna Zhigalova, après un combat serré. La défaite est amère.
Even if you worked hard for so long, you can lose in a flash.
Hiyori Kon sort de cette compétition terriblement frustrée, mais pas vaincue. Elle n’est pas seule dans sa lutte.
I fight with opponents from other countries. But once we’re on the ring, there’s no difference between us.
Que de belles victoires l’attendent…
I believe that as a result of my hard work, women’s sumo will stop facing discrimination. I will continue to strive for it, with that belief.
L’EXPLICATION
Little Miss Sumo, c’est l’autre combat.
Dans chaque guerre, il y a des batailles plus stratégiques que d’autres. Quelques exemples en 2018 : pour mettre en avant la cause féministe et protester contre l’obligation des femmes à porter des talons sur le tapis rouge cannois, Kristen Stewart a enlevé ses escarpins. 82 femmes, réalisatrices, actrices ou productrices ont monté ensemble les marches du Palais des Festivals pour représenter les 82 films réalisés par des femmes et invités en compétition depuis la création du festival, 70 ans après sa création. C’est à dire 5% de la sélection seulement.
Ces victoires ont lieu sous les feux des projecteurs et font parler. Elles sont nécessaires pour faire évoluer les mentalités dans le bon sens.
Il existe des batailles plus discrètes et ingrates mais qui sont toutes aussi importantes. Les batailles du quotidien à la maison, à l’école, au bureau, à la salle, dans les transports en commun ou dans la rue. Là où il faut se battre sans relâche pour ne pas perdre du terrain, sans l’attention médiatique.
Et il y a les batailles de l’ombre, encore moins glamour, dont on ne parle pas car elles paraissent anecdotiques mais qui sont hautement symboliques, comme celle de Hiyori Kon qui pratique le sport des Dieux, réservé aux hommes. On pourrait même dire qu’en faisant ce choix, elle a pris une impasse dans la mesure où sa carrière sportive n’a a priori aucun avenir, au Japon.
Boys can aspire to become professional wrestler. They can easily see a future in sumo. After elementary school, girls tend to quit.
Non seulement elle n’est pas considérée mais en plus, elle dérange car elle va contre la tradition.
In the old days, only men practiced sumo. Because of this tradition, some people don’t like us.
Toutes les athlètes se préparent dur pour la compétition (cf Icarus). Il s’agit d’être prête pour atteindre, voire dépasser son objectif. Au cours de cette préparation, les moments de doute sont nombreux. C’est à ce moment précis que l’athlète se retrouve seule avec sa motivation. De son côté, Hiyori Kon doit se battre contre ses adversaires, contre le vent et n’est même pas sûre d’atteindra sa destination au bout du voyage. Par ailleurs, il lui manque un modèle référent qui serait bien utile dans les moments difficiles.
There weren’t many wrestlers young girls could look up to.
On imagine à peine à quel point sa route est longue. Elle doit néanmoins tenir la distance, pour elle et la cause qu’elle défend. Afin de triompher, Hiyori Kon doit pouvoir puiser des forces insoupçonnables, au plus profond d’elle-même. Pour se donner de l’élan, elle peut se rappeler tout ce qu’elle a déjà accompli. Et continuer de bouger pour déplacer les montagnes qui s’érigent en face d’elle.
You’ve come all this way. You’re the strongest. (…) Believe in yourself and don’t stop moving.
Elle accède aux championnats du monde, ce qui est déjà formidable en soi mais pas suffisant pour la feuille de route qu’elle s’est fixée. En plus, elle ne remporte pas la compétition, ce qui a priori la pénalise puisqu’elle n’a pas réussi à honorer la nation de Edmond Honda. Comment retourner dans son pays et réussir à populariser ce sport après avoir perdu ?
La tête haute. Les larmes séchées. Garder l’équilibre. Continuer de travailler dur. Et donner l’envie à d’autres femmes dans le monde de se mettre au sumo.
Merci beaucoup de m’avoir conseillé ce joli court métrage.
J’y vois comme vous un combat discret, dans l’ombre.
J’y vois aussi un combat d’une pureté totale.
Hiyori Kon ne cherche aucune médaille elle ne se bat pas pour elle même.
Elle se bat pour toutes les petites filles du japon. Qu’elle puissent concourir dans des compétitions professionnelles, qu’elles soient un jour vénérées au même titre que les sumotiros, considérés comme des demi dieux dans leur pays.
Hiyori Kon combat pour que les femmes puissent marcher 3 pas devant.
Et elle, sans le savoir, court déjà loin devant.