WINTER SLEEP

Nuri Bilge Ceylan, 2014

LE COMMENTAIRE

Au coeur de la tempête, l’homme essaie de rester solide. Dans la neige et le froid, il regarde malgré tout vers le haut pour se sortir de la crise qu’il traverse avec les honneurs. Il tient bon, comme un chêne. En espérant que le vent ne se mette pas à souffler trop fort quand même.

LE PITCH

Un homme se fâche avec tout le monde, mais ne peut se résoudre à partir.

LE RÉSUMÉ

Aydın (Haluk Bilginer) est un acteur à la retraite. Il s’occupe désormais d’un hôtel en Cappadoce. Hidayet (Ayberk Pekcan) l’assiste dans la gestion de ses appartements. Ismail (Nejat İşler) fait partie des mauvais payeurs. Les huissiers sont venus saisir sa TV. En colère, son fils İlyas (Emirhan Doruktutan) a lancé un caillou contre la voiture de Aydın.

Quelques jours plus tard, Hamdi (Serhat Kılıç) se présente chez Aydın pour expliquer la situation dans laquelle se trouve son frère, et réclamer un peu de temps pour rembourser les impayés.

Suite à cet épisode, Aydın et sa soeur Necla (Demet Akbağ) débattent de l’attitude morale à adopter dans une pareille situation. Elle pense qu’il faudrait permettre aux personnes de pouvoir faire le mal pour qu’ils puissent se rendre compte qu’ils font le mal. Aydın n’est pas d’accord, mais Necla lui reproche de se cacher derrière Hidayet pour gérer ses affaires.

Je ne sais pas, mais je ne saurais pas me défiler comme tu le fais.

En quoi je me défile ??

Tu devrais y réfléchir…

Ambiance.

Hamdi vient à la rencontre de Aydın pour qu’İlyas s’excuse. Au lieu de quoi le petit garçon fait un malaise.

De temps en temps, Aydın discute avec ses clients. Il envie leur liberté.

Je vis au jour le jour, sans penser au lendemain. Sinon ce n’est plus un voyage. On perd le sens de l’aventure. Une vie toute tracée n’est pas une vraie vie. Comme dit le dicton : pendant qu’on est occupé à faire des projets, la vie passe.

Necla et Nihal (Melisa Sözen), la jeune femme de Aydın, débattent du divorce de Necla qui regrette avoir quitté son mari.

J’essaie de comprendre où je me suis plantée.

Nihal essaie de la convaincre de la limite de tout vouloir prendre sur elle, mais Necla n’est pas convaincue.

Tu veux que je rallie le troupeau de ceux qui pensent que le mal vient toujours de l’autre ?

Nihal essaie de s’investir dans les oeuvres de charité pour aider des écoles. Aydın n’est pas très à l’aise avec cette activité et lui fait clairement savoir, même s’il fait un don généreux à son association. Nihal le repousse et lui fait sentir qu’elle ne l’aime plus.

On essaie depuis des mois de rassembler des fonds mais ça ne t’a jamais intéressé. (…) Ne le prends pas mal, c’est censé être une réunion privé. (…) Tu peux nous laisser ? (…) On n’a pas besoin de toi.

Dur.

En plus, sa soeur se moque de son travail d’écriture, l’unique plaisir d’Aydın.

Peut-être que je n’ai pas de passion et toi que fais-tu ? Tu gâches tes meilleures années avec des choses qui ne te concernent pas.

Après une nouvelle dispute avec Nihal, il décide de partir. Aydın n’en peut plus de tous ces compliments.

Tu es un homme insupportable, tu es égoïste, méprisant, cynique. (…) Je reconnais que tu es un homme cultivé, honnête, juste, intègre. Mais parfois tu utilises ces qualités pour étouffer les autres, les rabaisser, les humilier, les écraser.

Finalement, il ne peut pas partir à Istanbul et se réfugie chez son ami Suavi (Tamer Levent).

Personne ne doit savoir que je ne suis pas parti.

Nihal se rend chez Hamdi pour leur donner une somme d’argent pouvant les aider à s’acheter une maison. Se sentant insulté, Ismail jette l’enveloppe de billets dans les flammes.

Finalement, Aydın retourne à la maison et réclame à Nihal de l’accepter – avec ce lyrisme qu’elle déteste.

Je ne suis pas parti, je n’ai pas pu. Suis-je devenu vieux ou fou ou alors un autre homme ? Qu’importe ce que tu penseras. Je ne sais pas. Mais ce nouvel homme en moi me retient. Toi non plus ne me chasse pas. (…) Continuons notre vie commune, même à ta manière.

Et tombe la neige, impassible manège.

L’EXPLICATION

Winter Sleep, c’est le crépuscule d’un Roi.

En Cappadoce, Aydın est un peu le Roi dans son royaume.

Un lieu comme ça, ça se mérite.

Il est un homme pressé. Propriétaire terrien, il a plusieurs affaires. En parallèle il écrit des chroniques pour un journal. Aydın a un projet de livre sur le théâtre turc. Cet homme, à lui seul, fait tourner l’économie locale. Il ne peut évidemment pas tout faire tout seul.

Je possède plusieurs maisons et boutiques en ville. Si je m’en occupais personnellement, je ne pourrais plus travailler sur mes livres et mes articles. C’est pour ça que Hidayet et les autres s’occupent des loyers et des procès. Je ne suis pas au courant de ce qu’ils font. S’ils me le disent, j’oublie. Je ne savais même pas que vous étiez mes locataires!

Aydın observe le fossé se creuser entre sa famille et son peuple. La fracture sociale est béante. Tandis qu’Ismail est privé de TV, Necla passe son temps à philosopher sur son divorce.

Il y a trop de choses dans ma tête…

Il fait crédit à pas mal de monde. Quelques loyers en retard ? Une vitre cassée ? C’est pas grave! Tout le monde essaient de le gratter. À chaque fois Aydın fait le dos rond, comme un bon roi généreux.

C’est bon ce n’est pas grave, on va pas en faire tout un plat…

Les roturiers se plaignent de leur condition.

À force de travailler, je n’ai pas pu me marier. Le destin je suppose.

Sa soeur est jalouse de ses courtisanes.

Chacun a son petit fan club. Il ne faut pas prendre tout ça trop au sérieux.

Quant à la reine, elle est passée à autre chose. Elle se montre volontairement cassante.

Grâce à toi, ma vie est totalement vide.

En plus, il essuie une pluie de feedback qui ne sont même pas constructifs. Comment peut-il progresser dans ce contexte ?

L’ennui, c’est que tu ne fais pas une critique claire et précise.

Malgré tout, le Roi prend la parole pour demander pardon ce qui fait de lui un gouvernant moderne.

Désolé de vous avoir déçus.

Il écoute les conseils de ses proches comme Suavi.

Puisqu’il y a des choses qu’on ne peut pas changer, il faut être un peu souple.

Aydın en prend de la graine et se rend compte qu’il ne peut pas juste démissionner parce que personne n’est content. Ses sujets ne le seront jamais quoiqu’il arrive.

Je pourrais partir, mais on s’habitue.

En tant que Roi, son devoir est donc de rester.

Pour toujours fidèle au poste.

Alors il rentre au palais, où il va pouvoir passer ses vieux jours à écrire son livre.

Les autres, il les emmerde – pour parler poliment.

Après tout, c’est lui le Roi.