MONSIEUR SCHMIDT
Alexander Payne, 2002
LE COMMENTAIRE
Quand l’âge de la retraite sonne, le moment de faire le bilan s’impose. Tant d’années d’une vie à avoir autant travaillé, dans quel but ? Des années qui ne reviendront pas. Découvrir, au soir de la vieillesse, que je n’avais pas vécu (cf Le Cercle des Poètes disparus). Et que faire des quelques années qui restent ?
LE PITCH
Un employé lambda fait ses cartons.
LE RÉSUMÉ
Warren R. Schmidt (Jack Nicholson) regarde avec impuissance les aiguilles de l’horloge le pousser vers la sortie après des années de bons et loyaux services pour un cabinet d’assurances (cf Rollerball). Il a droit à un dîner, un discours et un cadeau d’adieu. Toutefois, il a du mal à s’ajuster à cette nouvelle vie. Il propose ses services à son ancienne boîte qui n’en a rien à faire : tous ses cartons sont déjà partis à la poubelle. On ne veut plus de lui. Ne revenez plus!
Une publicité pour un organisme de parrainage d’enfants en Afrique attire son attention. Schmidt s’inscrit pour parrainer le petit Ndugu Umbo. L’occasion de raconter sa vie dans des lettres interminables.
Dear Ndugu…
Les événements se bousculent avec la mort soudaine d’Helen (June Squibb), la femme de Warren. Lors de l’enterrement, Jeannie (Hope Davis) n’est pas tendre avec son père à qui elle reproche d’être pingre. Warren la supplie de quitter Denver pour revenir s’établir à Omaha et s’occuper de lui. Elle refuse poliment. Jeannie n’a pas que ça à faire puisqu’elle va se marier avec Randall (Dermot Mulroney).
Warren déprime et se laisse complètement aller, souffrant de l’absence d’Helen. Il tombe par hasard sur une correspondance que sa femme entretenait avec son amant Ray (Len Cariou), un « ami » de Warren. Cette découverte est un détonateur. Revigoré, Warren prend aussitôt la route avec son mobile-home, direction Denver, avec la ferme intention de dissuader sa fille de se marier avec Randall qu’il considère comme un tocard.
Il profite du voyage pour retourner sur le campus de son ancienne Université puis s’arrête dans sa ville natale. Perché sur le toit de son mobile home, il s’adresse à sa femme en regardant les étoiles.
Helen, what did you really think of me, deep in your heart? Was I really the man you wanted to be with, was I? Or were you disappointed and too nice to show it? I forgive you for Ray, I forgive you. That was a long time ago, and I know I wasn’t always the king of kings. I let you down, I’m sorry, Helen. Can you forgive me?
Une fois à Denver, Randall essaie de convaincre Jeannie.
You’re making a big mistake, don’t marry this guy, don’t do it.
Erreur. Sa fille le remet sèchement en place. C’est comme ça et pas autrement. Victime d’un lumbago, il se shoote pour faire passer la douleur lors de la cérémonie et délivre un discours plus émouvant que sincère.
Sur le chemin du retour, déprimé de nouveau, il écrit une lettre intense à Ndugu dans laquelle il s’interroge sur ce qu’il a accompli dans la vie: pas grand chose.
Relatively soon, I will die. Once I am dead and everyone who knew me dies too, it will be as though I never existed. What difference has my life made to anyone. None that I can think of. None at all.
Une fois rentré, une lettre de Tanzanie l’attend. Ndugu lui a envoyé un dessin. Warren fond en larmes.
L’EXPLICATION
Monsieur Schmidt, c’est la vie continue.
M. Schmidt n’est pas n’importe qui. Un assureur. Il a passé son existence à prévoir le risque, réduisant la vie à des probabilités. L’assureur dédommage la victime, à condition que les closes du contrat soient scrupuleusement respectées évidemment. Il fait surtout du profit sur le dos de ceux qui prennent le risque de vivre.
Warren n’a que son boulot (cf Ressources Humaines). Autant dire que quand sa carrière s’arrête, tout s’arrête. Débranché de la matrice (cf The Matrix). Et cela le fait paniquer. À la mort de sa femme, il est bien obligé de se prendre en main.
Dans un premier temps, il n’y arrive pas et se comporte comme un vieux bébé en l’absence de sa mère. Lorsqu’il réalise qu’Helen n’était pas une sainte, il prend conscience qu’il est bien bête de s’apitoyer sur son propre sort. La vie l’a trompé pendant toutes ses années. Alors il part à l’aventure au volant de son mobile home.
Les voyages forment la jeunesse. Ceux du troisième âge sont un peu plus amers. Warren se refait le film de sa vie. Il a été remplacé partout. Sa maison natale est devenue un magasin de pneus. Warren n’a plus sa place dans ce monde. Progressivement effacé de la réalité (cf Retour vers le futur). Au crépuscule de sa vie, il réalise qu’il n’est rien du tout.
I know we’re all pretty small in the big scheme of things, and I suppose the most you can hope for is to make some kind of difference, but what kind of difference have I made? What in the world is better because of me?
Il va bientôt mourir et il ne manquera à personne, sûrement pas à sa fille dont il ne s’est jamais vraiment soucié.
All of a sudden you’re taking an interest in what I do?
Même avec Ndugu, il a passé son temps à lui donner des leçons alors qu’il ne le connaît même pas.
You’ve got to appreciate what you have while you still have it.
Warren n’est pourtant pas le monstre que l’on croit (cf Tatie Danielle). Il est lucide sur Randall et sa vente pyramidale minable. Au contraire, Warren veut faire partie du monde. Simplement, il s’y est mal pris. Il a donc fini par mener une vie médiocre, lâché par son boulot de toujours et cocufié par sa femme de toujours. Regarder l’horloge à côté de ses cartons, en attendant l’heure à laquelle on sera mis à la poubelle.
Une vie d’autant plus médiocre que Warren l’a menée comme un égoïste. Au final, il n’aura servi à rien. Il en souffre énormément car il se soucie malgré tout du sens des choses et surtout de ce qu’il pourrait apporter au monde.
La lettre de Ndugu va remplir le coeur de ce vieil homme qui pensait que le parrainage se résumait à un chèque. Encore plus qu’un « merci », ce dessin est aussi inattendu qu’inespéré. Les bouteilles à la mer de Warren ne sont pas restées sans réponse. Il fait partie de la vie ensoleillée d’un petit garçon. Ndugu est la vie qui continue.
Plutôt que de se laisser partir à petit feu, Warren va pouvoir mourir l’âme en paix. Car quelqu’un, quelque part, se rappellera de lui et en parlera en bien.
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