UNDER THE SKIN
Jonathan Glazer, 2013
LE COMMENTAIRE
La femme est morte, vive la femme. Une nouvelle personne se relève et se rhabille, avec une détermination froide. Sans émotion. Les hommes peuvent se mettre à trembler.
LE PITCH
Une femme énigmatique chasse ses proies au volant de sa camionnette.
LE RÉSUMÉ
Un motard récupère un corps inerte abandonné le long de la route puis le dépose dans un van. Laura (Scarlett Johansson) s’en extrait. Elle va parcourir l’Écosse à bord d’une camionnette pour trouver des hommes et les inviter à des rendez-vous amoureux qui finissent tous de la même manière : tandis qu’elle se déshabille et qu’ils essaient de l’atteindre, le sol se dérobe sous leurs pieds et ils s’enfoncent dans le néant.
Laura s’aventure le long d’une plage où elle assiste à une scène de noyade. Un témoin tente de venir en aide à un couple surpris par les vagues et ne peut sauver que le mari. Celui-ci retourne immédiatement à l’eau. Laura assomme le témoin à l’aide d’un rocher et l’embarque dans sa camionnette pendant qu’un bébé abandonné hurle à la mort sur les galets.
Laura invite ensuite à bord un homme au visage déformé. Touchée par sa fragilité, elle décide de l’épargner.
Le fameux motard, qui n’est jamais très loin, intercepte l’homme et se met en recherche de Laura avec trois autres motards.
Elle abandonne sa camionnette dans le brouillard puis tente de manger une part de cake dans un restaurant, sans réussir à l’avaler (cf Swallow). Seule à un arrêt d’autobus, un homme lui propose de l’héberger. Laura se rapproche de cet homme visiblement plein de bonnes intentions. Le couple tente de faire l’amour avant de réaliser… qu’elle n’a pas de vagin!
Laura ère seule dans la forêt, avec les motards à ses trousses. Elle se fait repérer par un homme qui la pourchasse et tente de la violer. Alors qu’il lui enlève brutalement ses vêtements, Laura arrache sa propre peau pour laisser apparaître le corps sombre d’un alien. Le violeur prend peur, asperge sa victime d’essence puis l’immole.
Au loin, le motard tente de localiser Laura qui finit de se consumer dans les bois.
L’EXPLICATION
Under the Skin, c’est la calamité qui nait d’une rupture amoureuse.
Une femme émerge du corps sans vie d’une autre femme. On peut imaginer cette femme au sol comme étant la victime du motard qui la récupère sur le bord de la route. Symbole du mâle aventurier à jamais solitaire (cf Mad Max). Derrière lui, absolument rien ne repousse. Cette femme ressuscite. Elle prend quelques minutes pour observer son propre cadavre – ce qu’on ne fait jamais. Ce constat lui permet de devenir quelqu’un d’autre : Laura. Sorte de phénix.
Dénuée d’émotion, Laura se lance immédiatement dans une chasse à l’homme vengeresse. Elle débusque sans difficulté. Beaucoup d’hommes semblent prêts à suivre une belle inconnue sur la simple promesse d’une simple relation sexuelle. Laura n’a qu’à se pencher pour ramasser. Elle ralentit sur le bord de la route et invite ces messieurs à monter. Aucun problème. La pêche est facile. Jamais cependant elle ne laisse ces hommes l’atteindre. C’est fini. Ils vont se perdre l’un après l’autre dans ses troubles. Leur identité est dissoute. Ainsi Laura enchaîne les victimes sans les collectionner, comme une célibataire multiplie les plans sans les compter. Rien ni personne de suffisamment mémorable pour devenir un souvenir.
Pour Laura, le couples est voué à l’échec par noyade (cf Love), emporté volontairement au large par le courant. Submergé par les vagues. Si l’un des membres du couple s’en sort, il retourne à l’eau aussitôt. Bêtement. Le bébé qui est le résultat de cette relation forcément défectueuse doit être condamné à l’orphelinat. C’est comme ça. Rien de dramatique à cela car le monde ne peut de toute façon plus fonctionner autrement pour elle qui se retrouve comme ces néo-célibataires (cf The Lobster), assommés par leur nouvelle condition et qui observent les couples autour d’eux avec circonspection.
Laura est devenue une tueuse en série qui fonctionne en pilote automatique. Peu importe l’homme, elle l’aspire.
Enfin, pas tout à fait. La rencontre de l’handicapé va la surprendre. Cet individu n’est pas comme les autres. Tout comme elle, il est une victime du regard des autres et de leurs jugements. Si elle l’invite avec la ferme intention de s’en débarrasser, elle décide pourtant de lui rendre sa liberté. Quelque chose l’a touchée. C’est inhabituel. Cette rencontre est un point de rupture car elle coïncide avec l’intention de Laura d’abandonner son corbillard pour s’ouvrir au monde (cf Girl, interrupted).
Malgré ses efforts, les choses ne fonctionnent toujours pas. Elle est incapable de digérer. Le bus qu’elle attend ne passera plus. Par curiosité, elle s’essaie à la routine d’une vie de couple avec tout ce que cela suppose de pantoufles et de dîners devant la TV. Elle va même pour la première fois s’observer nue dans une glace et sentir le désir revenir. Sa bonne volonté la pousse à s’offrir à cet homme qui lui est venue en aide. Sauf qu’elle n’a plus de vagin. Elle ne peut plus faire l’amour. Quelque chose est définitivement brisé.
Les ténèbres derrière le rouge à lèvres.
Elle se promène dans les bois pendant que le loup n’y est pas. Croit-elle. Le loup n’est jamais très loin. En l’occurrence, elle se fait agresser par une sorte de bête sauvage (cf Harvey Weinstein), un employé de voirie trop content de pouvoir abuser d’une femme impunément, au milieu de nulle part. Cet homme transformera Laura en monstre. Il parachève sa transformation en quelques sortes.
Les femmes sont des espèces en voie de disparition. Trop soucieux de tracer sa route (cf Mad Max), l’homme à la moto a déconsidéré la femme. Il l’a harcelée, maltraitée, abusée, sous-payée, aliénée et résultat : il l’a transformée en poupée gonflable sans intérêt, une prédatrice sans vagin. Ce maraudeur ne peut pas la laisser tranquille puisqu’il la traque constamment. L’homme n’hésite pas à avoir recours à la force avant de tuer la femme. Enfin, il se retrouve seul comme un imbécile. Comme s’il avait tout gagné. Alors qu’il a évidemment tout perdu.
Quant à Laura, elle s’est relevée puis a tenté de survivre péniblement dans cet enfer, avant d’avoir été brûlée comme une vulgaire sorcière (cf The Witch).
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