SWALLOW

SWALLOW

Carlo Mirabella-Davis, 2019

LE COMMENTAIRE

À l’heure où la France entière s’interroge sur la durée du temps de travail, les économistes devraient plutôt se reposer la question de la productivité. Comment travailler mieux plutôt que travailler plus ? Et pourquoi pas une semaine de quatre jours ? La Finlande n’est pas passée loin. Cela permettrait sans doute d’éviter les burn out (cf Chute Libre) ou de lutter contre le désoeuvrement de celles et ceux qui passent trop de temps au bureau à ne rien faire d’autre que de snacker pour mieux tromper leur ennui.

LE PITCH

Se sentant prise au piège, une femme se met à avaler tout ce qu’elle trouve.

LE RÉSUMÉ

Hunter (Haley Bennett) mène la belle vie de Sacha Distel en compagnie de son mari, le riche Richie (Austin Stowell), que son père vient juste de promouvoir au sein de l’entreprise familiale. Le paradis en apparence. La réalité est moins Barbie rose bonbon.

Hunter est réduite au rôle de femme-objet par son Ken, metrosexuel impatient à la cravate toujours impeccable. Dans leur maison témoin, offerte par la famille de Richie, Hunter a la sensation d’étouffer. Elle fait le ménage et la cuisine en attendant que son mari rentre à la maison, à l’ancienne.

Elle finit logiquement par tomber enceinte, ce qui ne la ravit pas vraiment.

C’est à partir de ce moment qu’elle commence à gober des choses.

Des glaçons au restaurant. Puis une bille. Ensuite un push pin qui la blesse. Cette habitude lui donne l’impression de reprendre le contrôle sur son environnement.

L’échographie révèle la présence d’objets non identifiés. Elle est hospitalisée. La belle-famille reprend les choses en mains en la contraignant à suivre une psychanalyse et en étant surveillée par Luay (Laith Nakli), un infirmier. Hunter ne guérit pas de sa maladie de Pica. Cette fois-ci c’est l’hôpital… psychiatrique.

Grâce à la complicité de Luay, elle s’enfuit. Elle en profite pour rencontrer Erwin, son père naturel (Denis O’Hare). La jeune fille est le fruit d’un traumatisme. Erwin a violé sa mère. Hunter lui réclame des comptes et obtient des réponses.

You’re not like me. 

Ouf!

Une IVG plus tard, Hunter sort des toilettes en se regardant dans la glace, avec un peu plus de sérénité.

Au même titre que les autres.

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L’EXPLICATION

Swallow, c’est difficile à avaler.

On peut passer une vie entière à se battre pour obtenir ce que nous promettent les magazines de décoration (cf Sick of Myself). Hunter a sans doute dû vendre beaucoup de produits de cosmétiques avant d’être choisie par Richie, ce bellâtre en marche. Elle a maintenant tout pour être heureuse. La maison parfaite. Les couchers de soleil magnifiques. La piscine impeccable. Hunter n’aurait sans doute pas pu rêver mieux.

Donc elle fait abstraction de l’inexistence de conversations avec Richie. Ils n’ont strictement rien à se dire. Elle fait aussi abstraction des violences verbales de son mari lorsqu’il découvre qu’elle a abîmé l’une de ses cravates en soie en la repassant.

Don’t you have another one?

Not to go with this shirt… What am I gonna do?

On se demande bien ce qu’il va pouvoir faire. Le pauvre.

Coincée dans ce couple où l’épanouissement est impossible, Hunter finit de se sentir verrouillée par la belle famille. Sa belle-mère (Elizabeth Marvel) lui suggère de changer d’apparence.

You should grow your hair. Richie loves his girls with long hair.

Et son beau-père (Michael Rasche) lui coupe la parole en plein dîner comme si ce qu’elle avait à dire n’avait pas d’intérêt. Hunter est complètement isolée.

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Une fois qu’on a décroché cette fameuse vie de magazine, on est bien obligé d’ouvrir les yeux (cf Eyes wide shut) pour la regarder en face et reconnaître qu’elle n’est pas si séduisante : des beaux-parents détestables, un mari grotesque, une maison qui ne nous ressemble pas. La vaisselle est propre mais on n’a pas envie de manger. Une perspective peu encourageante.

Tout simplement impossible à accepter pour Hunter. Est-il possible d’admettre qu’on puisse ne pas vouloir d’une vie qui serait le rêve de plein d’autres?  Comment reconnaître que ce pour quoi on s’est battu n’en valait pas la peine ? Certains parviennent à se mentir et se laisser dériver dans cette existence souhaitée, sans qu’elle leurs convienne.

Are you happy? Or are you pretending to be happy?

C’est quand le bonheur ? doit-elle plutôt se demander. Hunter n’a plus aucune emprise. Son seul échappatoire est d’ingérer ce qu’elle trouve autour d’elle, ce qui lui donne l’impression de maitriser à nouveau son environnement.

Ce sont plus généralement les enfants ou les adolescents qui sont victimes de ce syndrome pour mieux apaiser leur angoisse, masquer leur fragilité ou combler un vide. Ce trouble est une autre manière de se punir puisqu’il s’accompagne de choses très réjouissantes comme des vomissements, des douleurs intestinales, des constipations, d’occlusions intestinales ou même de perforations du tube digestif.

Il ne s’agit pas simplement de manger ce qui se trouve autour de soi pour se sentir mieux mais manifester un mal-être en s’infligeant une douleur supplémentaire. Rajouter à la souffrance. Chaque ingestion pourrait s’apparent à un acte suicidaire. Si l’acide de la batterie avait coulé dans son estomac, plus de Hunter!

Elle doit sortir de sa cachette, sous son lit. Partir dans la nature pour retrouver la liberté. Instinctivement, elle éprouve le besoin d’aller confronter la personne qui a pourri sa vie depuis le début. Traiter l’origine du mal : ce viol dont elle est née. Affronter cet homme à cause duquel elle a subi les événements sans oser s’opposer. L’ombre au tableau. Ce père monstrueux auquel elle croyait ressembler.

Am I like you?

Hunter ne se plaignait pas de sa vie comme d’autres peuvent le faire à longueur de journée. Mais elle avait fait mine d’accepter le passé et continuait de jouer la comédie au présent. À partir du moment où elle fait l’effort de faire face à son problème, elle accepte que la vie est bien difficile. Elle assume mieux les poids dont on l’a lesté et cela la soulage paradoxalement.

Elle se croyait isolée. Son cas n’a finalement rien d’exceptionnel. Hunter n’est pas une marginale. Elle est comme tout le monde. Plus besoin de se faire mal en avalant des épingles ou à se dégoûter en mangeant de la terre. Elle va pouvoir se refaire plaisir en dégustant de bons burgers et des glaces au goût neutre.

Miam.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

2 commentaires

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