SILENCE
Martin Scorsese, 2016
LE COMMENTAIRE
Lorsque le Chrétien sort le nez de son Église, il s’expose aux lumières de son créateur ce qui lui permet de prendre des couleurs. Il entend aussi son créateur lui asséner des vérités qui ne font pas toujours plaisir. Comme le fait qu’il a besoin de se raser et se laver un peu le visage parce que le Jésuite, bien qu’il ait fait vœu de pauvreté, ne peut pas se permettre de ressembler à un hobo.
LE PITCH
Deux moines partent au Japon à la recherche d’un confrère.
LE RÉSUMÉ
Macau, XVII siècle. Le prêtre Jésuite Alessandro Valignano (Ciarán Hinds) reçoit de mauvaises nouvelles du père Ferreira qui aurait renoncé à Dieu sous la torture Japonaise. Ses disciples, le père Sebastião Rodrigues (Andrew Garfield) et Francisco Garupe (Adam Driver) refusent tout simplement de croire en cette apostasie. Ils partent sur les traces du père Ferreira (Liam Neeson).
Guidés par Kichijiro (Yōsuke Kubozuka), un pêcheur alcoolique depuis qu’il a vu toute sa famille brûlée par l’inquisition, Rodrigues et Garupe arrivent à Tomogi, un petit village où la communauté chrétienne vit cachée de peur des représailles de l’inquisiteur Inoue Masashige (Issey Ogata).
Rodrigues et Garupe décident de se séparer pour éloigner la menace des habitants de Tomogi. L’un part à Goto et l’autre part à Hirado.
Rodrigues est trahi par Kichijiro et se fait capturer par des samouraïs. Il est emmené à l’inquisiteur qui lui explique que les Japonais ont étudié la doctrine chrétienne en profondeur mais qu’elle est incompatible avec les coutumes locales. Au Japon on est bouddhiste un point c’est tout. Il demande à Rodrigues de renier son Dieu.
Step on your Jesus!
Rodrigues refuse. Ce sont d’autres prisonniers chrétiens qui sont torturés et qui meurent, par son obstination.
L’inquisiteur l’introduit à Ferreira, devenu Sawano Chūan. Celui-ci lui explique qu’après 15 ans passés au Japon, il a compris que c’était peine perdue. Jésus n’est pas le bienvenu au Japon. C’est un problème culturel et presque un problème linguistique. Sawano Chūan pense aussi que le Japon est l’endroit où l’homme a pris sa forme originelle.
Ce qui pose évidemment un problème plus profond à Rodrigues, en pleine crise de foi et qui ne peut pas complètement ignorer ce que dit Ferreira. Rodrigues connaît son Saint Jean. « Dieu est esprit et ceux qui adorent, c’est en esprit et en vérité qu’ils doivent adorer. » 4, 23-24. Il a donc bien remarqué lui-aussi que les Japonais ne semblent pas comprendre le sens de la foi.
I worry, they value these poor signs of faith more than faith itself.
Tandis que cinq Chrétiens sont torturés, Rodrigues les somme de renier Dieu. Ils l’ont pourtant déjà fait. C’est au tour de Rodrigues de le faire s’il veut mettre fin à leur souffrance. Ferreira tente de le raisonner.
The price for your glory is their suffering!
Au moment de marcher sur l’icône, Rodrigues entend Jésus le pardonner. Rodrigues s’exécute avec un peu moins de scrupules.
Il travaille au côté de Ferreira au service de l’inquisition pour trouver tout symbole chrétien cachés dans les objets importés d’Europe. Tout comme Ferreira, Rodrigues se marie et prend le nom de Okada San’emon.
Kichijiro vient à lui pour se confesser. Rodrigues refuse dans un premier temps puisqu’il n’est plus prêtre. Il finit par craquer et l’absout.
Le jour de sa mort, il sera incinéré selon les coutumes bouddhistes, avec une croix cachée subtilement entre ses mains.
L’EXPLICATION
Silence, c’est un match entre Jésus et Edmond Honda.
C’est un choc de cultures. Le poids plume contre le poids lourd. La Bible contre Street Fighter. Dans ce bras de fer, le fils de Dieu n’est pas à la hauteur du Yokozuna.
Le bateau catholique est en train de couler en eau Japonaise (cf The Wicker Man). Rodrigues et Garupe partent en mission commando pour sauver l’un des leurs et essaient d’en profiter au passage pour prêcher la bonne parole. Jésus a échoué en ce territoire hostile. La mayonnaise ne prend pas.
Face à cet obstacle, la foi de ces évangélistes est mise à l’épreuve. À Macau, Rodrigues et Garupe sont des stars. Au Japon, ils doivent se cacher. C’est un changement de statut difficile à encaisser pour Rodrigues qui demande aussitôt conseil au créateur.
I pray but I am lost. Am I just praying to silence?
Deux points de vue s’opposent:
Celui de Ferreira, éclairé, qui fait preuve d’intelligence en essayant de comprendre ce peuple et sa culture. Il voit la souffrance de ces prêtres qu’on torture et il a la sagesse d’y mettre fin. Revient en arrière. S’adapte tel un roseau. On peut aussi le considérer comme un traître qui a marché sur son Dieu et qui n’a pas hésité à se convertir. Il pourrait être le collabo.
Celui de Rodrigues, obstiné, qui ne veut rien lâcher. Il est persuadé d’être dans le vrai. Ne rien cèder, même face à la torture (cf Des Hommes et des Dieux). Filou, il fait cacher une croix entre ses mains au moment de ses funérailles. Loyal jusqu’au bout. Dans le milieu footballistique, on le qualifierait d' »ultra« .
On peut aussi le considérer comme l’imbécile qui ne change pas d’avis.
Il y a ici une confrontation dans l’interprétation des textes et dans la profondeur de la foi. Rodrigues a l’intime conviction que la vie doit se vivre dans la souffrance, comme Jésus sur la croix.
Nous sommes sur la terre pour en baver. La vie n’est pas une partie de plaisir. Elle est un test permanent qui doit nous permettre de prouver notre valeur et gagner notre place au paradis. Rodrigues s’interroge mais garde son cap. Ferreira, confronté à la douleur, s’est posé la question et a changé d’avis.
You see Jesus in Gethsemane and believe your trial is the same as His. Those five in the pit are suffering too, just like Jesus, but they don’t have your pride. They would never compare themselves to Jesus. Do you have the right to make them suffer? I heard the cries of suffering in this same cell. And I acted.
Face à la violence de l’instant, Ferreira a compris ce qui comptait. Il a critiqué la promesse d’un paradis hypothétique et s’est dit que ça ne valait tout simplement pas le coup. Comme Brandon dans l’île de la tentation, il a décidé d’arrêter l’expérience.
On n’a plus qu’à espérer pour Rodrigues qu’il sera effectivement sauvé et que son Dieu lui pardonnera d’avoir bossé pour l’ennemi. Qui sait ? Dieu est peut être miséricordieux avec les agents double ?
Les voies du seigneur sont impénétrables parait-il (cf Jesus Camp). C’est bien pratique.
Silence, on prie.
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