INDIGÈNES
Rachid Bouchareb, 2006
LE COMMENTAIRE
Par contre quand l’hymne national est sifflé, c’est la faute des Arabes (les Algériens en 2001 et les Marocains en 2007). Il faut savoir qu’au Maghreb, on siffle souvent l’hymne adverse, et pas que la Marseillaise. Quand les Bleus gagnent la Coupe du Monde à nouveau (cf Les Bleus 2018) ils sont Français, sinon ils sont noirs. Quand les Français ne descendent pas du bus en Afrique du Sud, c’est un coup des Kaïras. Par contre, quand il fallait faire la guerre pour la France (cf Tirailleurs) ou bosser dans les usines pour reconstruire, le sang et la sueur n’avaient soudainement plus d’origine. Comme disait Marco (cf Nikita), il faudrait peut-être arrêter de compter que quand cela nous arrange.
LE PITCH
Pour que la France reste la France, il a d’abord fallu que les Arabes contribuent à sa libération.
LE RÉSUMÉ
En 1943, Saïd (Jamel Debbouze) quitte la misère de son Bled pour se battre au nom de la France contre l’occupant Nazi. Yassir (Samy Naceri) s’engage au nom de l’argent. À Setif, Abdelkader (Sami Bouajila) passe l’examen pour devenir Caporal pendant que Messaoud (Roschdy Zem) se motive sous les ordres des militaires français.
Soyez fiers de servir la France! Et la France sera fière de vous!
Les quatre hommes se font tirer comme des lapins en Italie. Les hommes d’Abdelkader continuent cependant d’avancer pour faire une percée décisive. L’heure n’est pas à compter les morts. On positive.
La France a reconquis sa place et la confiance des Alliés!
Le racisme transpire pourtant jusque sur le champs de bataille. À la cantine, certains soldats n’ont pas le droit de manger des tomates. Alors Abdelkader s’insurge.
Avec nos frères d’armes français, on combat sous le même drapeau, sur le même terrain, face au même ennemi. Il faut partager les tomates aussi.
Les soldats rentrent en France. En Provence, ils sont accueillis en héros sous les applaudissements et les drapeaux tricolores. Messaoud rencontre Irène (Aurélie Eltvedt) et lui promet de revenir pendant que Yassir fait du business.
Les hommes remontent la vallée du Rhône. Les lettres de Messaoud et Irene se perdent dans le courier militaire. Les tensions sont toujours vives entre Messaoud et Saïd qui se fait chambrer depuis qu’il sert le Sergent Martinez (Bernard Blancan), que les soldats ne portent pas dans leur coeur depuis l’histoire des tomates – bien qu’il ne soit pas un si mauvais bougre dans le fond. Abdelkader intervient pour calmer les esprits.
Les soldats atteignent les Vosges. Abdelkader se politise et cite même De Gaulle en réclamant un peu de cette fameuse liberté qu’on promet aux soldats. Il se dispute à ce sujet avec le Sergent Martinez et échappe de peu à la court-martiale. Ce qui fait les affaires du Colonel qui a besoin de soldats courageux pour une mission suicide afin de retenir les Allemands jusqu’à l’arrivée des Américains. Il promet les honneurs à Abdelkader et ses hommes.
Les 4 Indigènes résistent à Wehrmacht puis tombent sous les balles (Nassir) ou les roquettes (Messaoud et Saïd) allemandes. Abdelkader est le seul rescapé quand l’Alsace est libérée. Les soldats Français – de souche – posent fièrement pour la photo. Le Colonel a déjà oublié ses belles promesses. Abdelkader est néanmoins applaudi chaleureusement par les locaux.
60 ans plus tard, ce héros de guerre vient se recueillir sur les tombes de ses camarades. Puis il rentre chez lui, seul, dans l’oubli.
En 1959, une loi a été passée pour geler les pensions des tirailleurs des pays de l’empire colonial français qui accèdent à l’indépendance. En 2002, le Conseil d’État a finalement sommé le gouvernement Français de payer ces pensions intégralement. Les gouvernements successifs ont repoussé cette échéance.
L’EXPLICATION
Indigènes, c’est tout ça pour quoi, pour du Schnaps ?
En 1940, les Indigènes sont les soldats originaires des colonies. La 1re armée française du Général de Lattre de Tassigny était ainsi composée pour moitié d’Indigènes. S’ils n’avaient reçu aucune formation, ils n’en étaient pas moins vaillants et déterminés. Beaucoup d’entre eux ne se sont pas engagés par hasard.
Je libère un pays, c’est mon pays!
Les Coloniaux que nous étions à l’époque les traitaient comme des moins que rien, des remplaçants, des doublures, des intermittents du spectacle. Bien que la raison de leur engagement était toute aussi noble que celle de nombreux soldats de métropole, on leur niait pourtant leur humanité.
Vous les connaissez les Indigènes Martinez!
Ne les appelez pas comme ça devant eux mon Capitaine.
Les Musulmans.
Ça non plus ils n’aiment pas.
Comment voulez vous qu’on les appelle ??
Des hommes mon capitaine, des hommes…
Abdelkader est celui qui se bat au nom de la France, au nom des siens. Derrière lui, il y a déjà la volonté d’indépendance (cf Qu’un sang impur).
On est en train de changer le destin de la France. Il est temps que les choses changent pour nous aussi.
Il passe ses examens dans le but de réussir, même si dans ces circonstances particulières les règles ne veulent plus dire grand chose. Ses espoirs de devenir Sergent ou Capitaine font bien marrer Saïd et Messaoud. En plus de se battre tous les jours contre l’ennemi, il doit oeuvrer à maintenir un équilibre fragile au sein même de ses propres troupes. Il veut croire à la méritocratie et la reconnaissance. Son éthique est ce qui lui donne sa force.
Et même si on doit payer 10 fois, 100 fois plus qu’eux alors on paie! Et là ils reconnaitront notre mérite.
Le pauvre va bien déchanter : On a permis aux Américains de libérer Paris en grandes pompes. Lui, il libère Obernai, dans l’intimité glaciale et discrète du Grand Est. Il voit tous ses amis mourir un à un. Il est oublié par le Colonel puis réaffecté à une autre section comme un vulgaire fusible. Et lorsqu’il rentre à la maison, il prend les transports en commun pour rejoindre son HLM.
Il s’est battu au nom de la Liberté pour un pays dans lequel il vit désormais et qui n’était même pas le sien à l’origine. Au crépuscule de sa vie, Abdelkader s’est peut-être demandé à quoi tout cela avait servi.
À faire un film en hommage à ces hommes d’honneur. Faire comprendre aux générations futures que répondre à la bêtise par la bêtise n’est certainement pas une solution. Que des sourires et des tapes dans le dos valent parfois plus que le flash des photographes.
Tout cela n’aura donc pas servi à rien.
Rappelons enfin qu’est indigène, par définition, celui qui est originaire du pays d’où il vit. Nous sommes donc tous des indigènes.
Je suis Italien, et voilà mon commentaire…
http://www.liberation.fr/societe/2015/05/15/elle-avait-17-ans-et-elle-a-ete-violee-par-40-soldats_1310075
Merci Enrico. Une chose est certaine, la guerre ne nous montre pas sous notre meilleur visage. Il y avait des monstres dans tous les camps, vous avez raison de le rappeler.