TIRAILLEURS
Mathieu Vadepied, 2023
LE COMMENTAIRE
Les États-Unis ont créée une certaine culture de la guerre grâce à leur machine hollywoodienne (cf Babylon). Des plages du débarquement (cf Il faut sauver le soldat Ryan) au Viet-Nam (cf Apocalypse Now, Voyage au bout de l’enfer), en passant par Guadalcanal (cf La Ligne Rouge). Les soldats Américains ne sont pourtant par les seuls à savoir faire preuve de camaraderie.
LE PITCH
Un père sénégalais et son fils sont embarqués malgré eux dans les Ardennes.
LE RÉSUMÉ
Lors d’un conseil des chefs de village, Bakary Diallo (Omar Sy) apprend que les Français font des raffles. Son obsession devient de mettre son fils à l’abri. Malheureusement, Thierno (Alassane Diong) est capturé. Enrôlé dans l’armée française sans qu’on lui demande son avis. Bakary se porte volontaire pour protéger son fils dans les tranchées.
Sur place, Bakary fait tout ce qu’il peut pour empêcher Thierno de se retrouver en première ligne. Malheureusement, ses tentatives échouent. Il va falloir se battre.
N’écoutez pas votre peur, votre lâcheté, n’écoutez que votre courage. Si vous prenez cette colline, vous serez considérés comme des héros par tous les habitants de ce pays. Après cette bataille, vous ne serez plus des indigènes. Vous serez des citoyens français!
Lors du premier assaut, Thierno se fait remarquer par le lieutenant Chambreau (Jonas Bloquet). Il est même fait caporal, au grand damn de son père qui ne cherche qu’un moyen de déserter en rejoignant le port du Havre.
Thierno souscrit aux discours de ses supérieurs – repris depuis par des entraîneurs de football.
On vit ensemble, on mange ensemble, on combat ensemble et on mourra ensemble plutôt que d’abandonner l’un des nôtres.
Thierno se dispute violemment avec son père qui est devenu son subordonné.
Il n’y a pas d’issue papa! Aucune. Tu le sais. On doit combattre et l’emporter.
(…) C’est moi ton père! Tu as compris !?
Chambreau s’est mis en tête de prendre la colline en attaquant la nuit avec un petit commando. Thierno aimerait faire partie des héros. Il quitte son père pour participer au raid.
Bakary traverse alors les lignes ennemies pour venir en aide à son fils et à Chambreau qui ont été faits prisonniers. En faisant demi-tour, il prend une balle dans le dos.
Thierno doit abandonner son père au sol.
La colline sera finalement prise à l’ennemie.
Chambreau recevra la légion d’honneur de son général de père (François Chattot), à titre posthume.
Thierno retourne dans son village auprès des siens, comme le souhaitait son père.
Rentre chez nous. Retrouve notre famille.
Les os de Bakary seront exhumés deux années après la fin de la guerre (cf La vie et rien d’autre). Avec d’autres, ils reposent sous l’arc de triomphe.
Suis-je dans votre coeur ? Ai-je ma place parmi vous ? Souvenez-vous de moi, souvenez-vous de nous.
L’EXPLICATION
Tirailleurs, ce sont ceux grâce à qui on ne vit pas en Germanie.
Les deux guerres mondiales du XXe siècle ont remis la France à sa place sur l’échiquier mondial : une nation qui reste influente mais qui n’est plus la grande puissance qu’elle fut autrefois – et cela en dépit de son arme atomique. Depuis 1945, on a tendance à se tourner outre Atlantique avec un regard à jamais reconnaissant. Si les Ricains n’étaient pas là, comme l’avait exprimé si brillamment le grand penseur Michel Sardou.
Ce grand merci aux Ricains ne devrait pas éclipser la bravoure de nos poilus (cf Au revoir là-haut), ni surtout minimiser la contribution majeure de ceux qu’on appelait les indigènes. 200,000 de ces hommes se sont battus pour la nation et ont permis de gagner des batailles.
Des hommes qu’on est allé chercher de force, chez eux, pour défendre un pays qu’ils ne connaissaient pas et où nombre d’entre eux ne s’étaient même jamais rendus (cf Glory). Contre un ennemi qui n’était pas le leur. Déportés pour servir de chair à canon.
Au nom de quels principes peut-on demander à quelqu’un de risquer sa vie pour un autre pays ? Les valeurs de la République ? Liberté, égalité, fraternité ? Le pinard et saucisson, Bakary et Thierno n’en sont même pas amateurs.
Des hommes que la France a déracinés puis a fait se séparer. Bakary et Thierno sont d’abord arrachés de leur terre. Contraints de laisser leur famille et leur village. Après quoi le lieutenant Chambreau sème la zizanie dans la relation pourtant si solide entre le père et le fils – inversant le rapport hiérarchique.
Ce n’est plus toi qui décide! C’est la guerre!
Malgré tout, ces hommes vont rester ensemble. Quand Bakary obtient finalement son billet pour Dakar et qu’il découvre que Thierno va sonner la charge sur la colline, il revient sur ses pas. Il donne sa vie pour sauver son fils qui voulait se sacrifier pour faire triompher la France.
Quoi qu’il arrive, on ne se sépare pas.
Des hommes envers lesquels l’état français n’a d’ailleurs pas toujours tenu ses promesses, leur faisant miroiter monts et merveilles pour mieux motiver les troupes, sans se soucier de la suite. Quelques paroles en l’air auxquelles les soldats ont pourtant voulu croire.
Il y aura du travail pour nous après la guerre, et on deviendra citoyen français.
Thierno sort de ce conflit évidemment bouleversé, en se demandant s’il ne s’est pas trompé. Croyant bien faire. N’ayant pas vraiment compris ce qu’il se jouait, erreur de jeunesse. Se sentant désormais responsable de la mort de son paternel.
Est-ce l’orgueil qui a conduit mes pas ? (…) Suis-je condamné a errer éternellement dans l’ether de ce pays que je ne connais pas, loin des miens ?
Ces hommes faits prisonniers, courageux et généreux, auront eu le mérite de ne pas perdre leur poésie dans l’horreur des tranchées. L’esprit de Bakary accompagnera toujours Thierno d’une manière qui nous échappe.
Je suis dans le vol de l’oiseau, je suis dans la terre qui te nourrit, je suis dans le ruisseau qui coule et te désaltère, je suis dans le sang qui coule dans tes veines.
Il était quand même grand temps d’être reconnaissant envers ces valeureux tirailleurs.
Sans doute la raison pour laquelle Michel Sardou a chanté la nostalgie de ce qu’il a appelé le temps béni des colonies…
Il faut l’espérer en tout cas.