LE CHATEAU DE MA MÈRE
Yves Robert, 1990
LE COMMENTAIRE
Les années passent. Adieu l’enfance. Plus de cris d’enfants, de rires et de joujoux. Plus de bonbons dans la maison... Avec le temps, le mari fait l’erreur de croire qu’il connait sa femme sur le bout des orteils, qu’ils vont pouvoir continuer de franchir des portes tous les deux comme aux premiers jours. Il oublie que la mécanique féminine est complexe, qu’elle s’essouffle et que tout ne se règle pas par un beau bouquet de fleurs.
LE PITCH
Un producteur de cinéma se paie sans le savoir un chateau hanté.
LE RÉSUMÉ
Marcel (Julien Ciamaca) a le mal des collines. La villa est à plusieurs heures de marche. Les aller-retours seraient trop épuisants pour s’y rendre chaque semaine. Joseph (Philippe Caubère) consent malgré tout à y retourner pour les vacances de Noël – sous l’influence d’Augustine (Nathalie Roussel).
Ces vacances, c’est une idée de maman!
Le petit écolier représente son établissement au concours des bourses. Son père lui met la pression tandis que sa mère relâche un peu la bride. Grâce à quoi Marcel fait la rencontre d’Isabelle (Julie Timmerman), la fille du fantasque Loïs de Montmajour (Jean Rochefort). La petite le fait tourner en bourrique.
Je jure obéissance et fidélité à ma reine. (…) C’est quoi ce jeu?
Je suis ta reine et tu es mon chevalier.
Et alors?
Alors tu devras faire tout ce que je veux!
Tout?
Tout.
L’été touche à sa fin. Marcel, aveuglé par ce qu’il croit être de l’amour, se rend enfin compte de la supercherie.
La reine s’appelait Isabelle Cassignol et elle avait la colique.
La santé d’Augustine ne va pas en s’arrangeant. Elle insiste pour retourner à la villa régulièrement. En chemin, la famille croise Bouzigue (Philippe Uchan), un ancien élève de Joseph devenu inspecteur du canal. Celui-ci leur propose un raccourci pour arriver aux Quatre Saisons en vingt minutes plutôt que les traditionnelles deux heures et demi.
Pour cela il leur faut traverser quelques résidences : celle d’un Comte (Georges Wilson), une autre surveillée par un jardinier (Patrick Préjean) et une dernière gardée par un ivrogne (Jean Carmet) avec son gros chien.
Les week-end s’enchainent sans problème. Jusqu’à ce que le garde finisse par poser un cadenas. Il joue de son autorité pour les obliger à défaire leurs valises puis faire demi-tour. Joseph craint d’être dénoncé puis révoqué. Augustine fait un malaise. Mauvais moment.
Mis au courant, Bouzigue va faire la police auprès du garde. Ce petit incident n’empêchera ni Joseph d’obtenir les palmes académiques, ni Marcel de décrocher son concours.
Malheureusement, Augustine décède quelques années plus tard. Puis c’est au tour de Paul d’abandonner ses chèvres pour rejoindre Lili, tombé sur le champ de bataille.
Le temps passe et il fait tourner la roue de la vie comme l’eau celle des moulins.
Marcel a grandi et s’est lancé dans le cinéma à Paris. Désireux d’établir des studios chez lui en Provence, il achète un domaine par l’intermédiaire de son représentant. Lorsqu’il retourne à Marseille, les lieux ne lui sont pas inconnus. Il s’agit de l’un des chateaux sur le chemin des vacances. Marcel se refait le parcours de son enfance et détruit cette maudite porte jadis cadenassée, qui avait refusé de s’ouvrir, causant tant de souci à sa mère.
Il me sembla que je respirais mieux. Que le charme était conjuré. Mais de l’autre côté du temps, il y avait une très jolie femme brune qui serrait sur son coeur fragile les roses rouges du roi. (…) Blême, tremblante, et pour jamais inconsolable elle ne savait pas qu’elle était chez son fils.
L’EXPLICATION
Le Chateau de ma Mère, c’est le coeur du fils.
A priori, Augustine donne l’impression d’être une femme plutôt en retrait.
Chaque jour recommençait l’histoire d’Augustine et de ses trois hommes.
En réalité, elle est le socle sans lequel tout s’écroule. D’ailleurs lorsqu’elle disparait, les hommes perdent immédiatement leur sourire.
Telle est la vie des hommes : quelques joies très vite effacées par d’inoubliables chagrins.
De Joseph, Marcel a retenu la rigueur. Il a aussi appris à faire la part des choses entre ses rêves et la réalité, acceptant sa part d’humanité (cf La Gloire de mon Père). Auprès d’Augustine il va apprendre d’autres choses : mettre de l’huile dans les rouages pour mieux faire fonctionner la machine. Elle est aussi celle qui montre qu’on peut faire des entorses à la règle, sans que ça ne soit puni par la sacro-sainte morale.
J’en connais beaucoup qui n’hésiteraient pas.
Si Joseph ressemble à une sorte de chêne intransigeant, Augustine serait plutôt un roseau. Marcel apprend la flexibilité. Qu’on peut trouver des arrangements avec un peu de souplesse.
Mes enfants votre mère a le génie de l’intrigue.
Elle a le sens des priorités. Joseph s’écrase.
Marcel je te rappelle que tu as ton concours dans 3 mois.
Et moi j’ai mon civet dans 3 heures!
Augustine est le contre-pouvoir sans lequel Joseph pourrait devenir un tyran. Sa légitimité naturelle de mère lui permet de recadrer son enseignant de mari.
Joseph, tu exagères!
C’est elle qui l’incite à penser plutôt que foncer tête baissée.
Avant de refuser, tu devrais réfléchir.
Cette influence, cette détermination reposent sur une belle finesse d’esprit.
Augustine apprend à son fils la gestion de sa propre fragilité. Le petit Marcel est un chien fou, éperdument amoureux, extrêmement naïf, totalement vulnérable. Lorsqu’il rencontre Isabelle, il est prêt à tout. Elle va bien l’exploiter.
Après ma vaillance, elle se plut à humilier mes vertus viriles.
Joseph cherche à barricader. Il protège en refusant l’accès à son fils. Augustine au contraire est là pour lui analyser la situation. Ça ne sert à rien de lui faire croire qu’il ne doit plus être amoureux, ou qu’il ne le sera jamais plus. Elle se contente de lui rappeler qu’il ne doit pas se faire marcher sur les pieds. Tout simplement.
Si les filles te font manger des sauterelles maintenant, je me demande ce qu’elles te feront manger lus tard…
Cela suffit à Marcel. Comme l’estime que sa mère lui porte compte presque plus que tout, il se soucie de ne pas passer pour un guignol à ses yeux. On va pouvoir passer à autre chose (cf Midsommar).
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