SPENCER
Pablo Larraín, 2021
LE COMMENTAIRE
Qui n’a jamais rêvé de marcher sur le tapis rouge? Un honneur réservé aux happy few, comportant de pesantes contraintes qu’on ignore trop volontiers. Ce qui est présenté comme un aboutissement par la presse à sensation est en fait la réalité cauchemardesque d’une personne. Poursuivie en permanence. Ne voyant jamais la lumière au bout du couloir.
LE PITCH
Une princesse se perd sur les routes brumeuses de la campagne Anglaise.
LE RÉSUMÉ
Lady Diana (Kirsten Stewart) se rend à Sandrigham House pour y rejoindre la belle-famille à l’occasion des fêtes de fin d’année (cf Meet the Parents). Elle s’y rend en Porsche, par ses propres moyens – contrairement au protocole. Le majordome Alistair Gregory (Timothy Spall) fait remarquer qu’elle est en retard, ce qui agace prodigieusement la Reine (Stella Gonet).
Is she here yet?
Not yet ma’am, no.
Then she’s late.
Malaise.
Diana s’arrête en chemin et se rappelle de cet endroit où elle a grandi mais qu’elle ne reconnait plus.
How could you get lost? You’ve lived over the hill for years.
It looks different now. Everything looks different.
À son arrivée, elle refuse de socialiser. Maggie (Sally Hawkins), son assistante, l’encourage à faire face à ses obligations.
Stand very still and smile a lot.
Trois jours à tenir. Une éternité dans ce qui ressemble à une prison royale.
Here in this house there’s no future. Past and present are the same thing.
Pendant son séjour, Lady Di se refait l’histoire d’Anne Boleyn, la martyre. Elle est régulièrement prise d’hallucinations.
La présence de Camilla Parker Bowles (Emma Darwall-Smith) lors de l’office n’est pas une hallucination. Les paparazzis s’en donnent à coeur joie car ils savent très bien que le mariage bat de l’aile, malgré William (Jack Nielen) et Harry (Freddie Spry).
Diana évite le dîner de Noël pour se réfugier dans la maison de son enfance, désormais abandonnée. Le fantôme d’Anne Boleyn l’empêche de se suicider. Au petit matin, la princesse retrouve Maggie sur la plage et lui confesse qu’elle n’arrive plus à respirer. Maggie lui avoue son amour, ce qui lui redonne un peu d’oxygène.
Dans l’euphorie, Diana interrompt la chasse organisée par Charles pour emporter Harry et William avec elle à Londres. Le Prince de Galles n’a pas d’autre choix que d’accepter leur départ.
La mère et ses enfants sillonnent les routes de campagne sur All I Need Is a Miracle, avec plaisir. Une fois à Londres, ils s’arrêtent dans un fast food. Diana prend la commande sous son nom de jeune fille : Spencer.
L’EXPLICATION
Spencer, c’est qui l’on est.
Diana Spencer se définit elle-même comme une femme simple.
Do you know, I really like things that are simple. Ordinary. The things that are real.
Elle est en souffrance car son destin royal l’écrase littéralement.
There’s no hope for me, not with them.
Son caractère flamboyant ne correspond pas au classicisme de la Reine. Sa posture embarrasse. Ses paroles choquent.
Now leave me, I wish to masturbate. You can tell everyone I said that.
Elle pose problème.
Diana refuse tout simplement de se conformer à la tradition.
The thing is, Diana, there has to be two of you. There’s two of me, there’s two of father, two of everyone. The real one and the one they take pictures of. You have to be able to make your body do things you hate.
That you hate?
Yes. For the good of the country.
For the country?
Yes, the people. Because they don’t want us to be people. I’m sorry, I thought you knew.
La famille royale, de par ses obligations, lui impose de changer. L’institution écrase la notion d’individu.
They can’t change, you have to change.
Elle doit devenir un symbole.
They take a lot of photographs of you, don’t they? The only photograph they take that really matters is the one they put on the ten-pound note, and they took that one. You understand, my dear, that all you are is currency.
Son identité lui a été volée. Ré-écrite par la presse à scandale. Digérée par les lectrices et lecteurs. La bougie s’éteint à petit feu.
Alistair Gregory est l’un des gardiens du temple. Il lui fait remarquer que les soldats sont prêts à mourir pour la couronne. Il est attendu d’elle qu’il en soit de même. Mais elle n’a jamais demandé à personne de mourir pour elle, donc elle ne s’attend pas à devoir mourir pour qui que ce soit. Au contraire, Diana veut courir. Danser. S’amuser. Vivre.
Diana ne veut pas qu’on la réduise à un visage sur une pièce de monnaie et qu’on la range dans un tiroir. Au contraire, Diana voudrait pouvoir se défaire de l’étiquette qu’on cherche à lui coller. Se soustraire aux règles. Au diable l’Histoire!
Qu’elle le veuille ou non, Diana est pourtant dans une position où elle fait l’Histoire. Impossible pour elle de revenir à l’anonymat. Lorsqu’elle gare sa Porsche sur le parking d’un restaurant afin de demander sa route, les locaux n’en croient pas leurs yeux. À Londres, elle doit porter une casquette et des lunettes de soleil pour ne pas qu’on la reconnaisse.
Anne Boleyn, la maudite, rappelle à Diana qu’elle ne peut plus faire n’importe quoi. La fuite n’est donc pas envisageable. Par contre, Maggie lui confirme qu’elle peut malgré tout faire ce qu’elle veut.
You are your own weapon.
Le ciel se dégage sur la plage. Enfin un peu d’espace et de sourire.
Alors Diana va écrire son histoire à elle. Celle d’une femme libre qui a osé défier les conventions. En séchant le repas de Noël. Allant vivre le plus loin possible de la grisaille du Norfolk. S’élevant contre des coutumes qu’elle estime archaïques, quitte à gêner son mari. Questionnant sans problème la notion de ridicule. Laissant son costume sur l’épouvantail qui éloigne les corbeaux.
Une mère qui souhaite avant tout que ses enfants puissent s’amuser un peu avant d’endosser le poids des responsabilités. Leur transmettre l’idée qu’ils ont le choix (cf Matrix).
Ainsi, Diana aura inspiré le monde. Surtout, elle l’aura inspiré à sa manière.
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