ADIEU PARIS
Édouard Baer, 2021
LE COMMENTAIRE
Un homme de la fin du XXe siècle a pris l’habitude qu’on le remarque. Il fait des entrées fracassantes dans la droite lignée de l’homme du début du XXe siècle. Moins dur que son prédécesseur, il n’en reste pas moins fier. La tête haute, il refusera toujours d’admettre qu’au fond de lui, il a encore besoin qu’on le couve.
LE PITCH
Quelques anciennes gloires privatisent un restaurant, comme chaque année.
LE RÉSUMÉ
Benoit (Benoît Poelvoorde) se rend avec beaucoup de nervosité sur le lieu du rendez-vous accompagné par Isabelle (Isabelle Nanty). Et pour cause, il est l’attraction du repas des amis de Yoshi (Yoshi Oida).
Je suis invité par des légendes de Paris!
De son côté, Alain (Jackie Berroyer) vit reclus et n’a pas très envie de retrouver les autres à la Closerie des Lilas. Son infirmière (Léa Drucker) l’encourage.
J’ai plus les codes pour ça. Avec eux il faut virevolter, je sais plus faire…
Ça va vous faire du bien de voir du monde!
Tout comme la fille de Michael (Ludivine Sagnier) essaie de remuer son père (Gérard Depardieu) qui n’est guère motivé par l’exercice.
C’est toujours agréable de rater le début.
Bertrand (Daniel Prévost) arrive avec ses lunettes bleutées. Il retrouve Pierre-Heny (Bernard Murat) au bar. Les deux hommes se chauffent au blanc, sans même faire attention à Alain.
Puis c’est au tour d’Enzo (Bernard Le Coq) de rentrer en scène, suivi de Louki (François Damiens) et Jacques (Pierre Arditi) qui refuse formellement que Benoit se joigne à eux.
Tout le monde passe donc à table, sauf le Belge. Malaise.
Pourquoi ils veulent pas de vous à la table?
Je sais pas, je connais pas le rituel…
Les hommes se disputent. Enzo s’agace qu’on lui donne déjà 72 ans alors qu’il n’en a que 71. Jacques monte dans les tours. Bertrand prend la mouche.
Arrête de me faire chier!
Louki se vexe que son art ne soit pas reconnu. Jeff (Jean-François Stévenin) râle aussi.
Vous vous foutez de ma gueule depuis 40 ans et c’est aujourd’hui que je m’en rends compte!
Pendant que Benoît se morfond seul au bar, Pierre-Henry va se prendre un peu de cocaïne dans les toilettes pour se redonner du courage. Les éléphants prennent tour à tour leurs pilules avant d’attaquer le pot-au-feu, qui s’avère être de la daube.
Enzo harcèle la serveuse (Sigrid Bouaziz), à l’ancienne.
Édouard (Édouard Baer) passe en coup de vent puis repart.
Michael ne s’est finalement pas montré.
Je crois que j’ai jamais vraiment eu envie d’y aller.
Ce sont tes amis quand même.
Je ne les aime plus.
Il est déjà l’heure de régler l’addition – toujours trop salée au goût de Jacques.
Le homard, je n’y ai pas touché moi.
Ces grands noms du microcosme Parisien quittent les lieux, un à un.
L’EXPLICATION
Adieu Paris, c’est faire la clôture.
Cette assemblée qui se retrouve Rive Gauche est une sorte de confrérie vieillissante qui a pris du plomb dans l’aile. L’écrivain, le sculpteur, le chanteur, le philosophe, le directeur de théâtre, l’acteur essaient encore de se rassurer comme ils le peuvent.
Y a rien qui a été inventé depuis.
S’ils savent qu’ils appartiennent déjà au passé, ils tiennent à garder la tête haute (cf Les Acteurs).
On est à Paris!
Alain est le seul à avoir le courage de mettre les pieds dans le plat.
C’était moins emmerdant nos conversations avant.
Enzo est contraint de reconnaître qu’il n’est plus que l’ombre de ce qu’il a été.
Ça fait trente ans que j’ai pas dit un truc intelligent.
En fait, ces anciennes gloires s’ennuient. Chacun à des états plus ou moins avancés de leur dépression.
Qui va bien? Personne ne va bien!!
Il n’existe déjà plus de complicité entre ces grands noms qui ne font que se chamailler comme des enfants habitués à être au centre de l’attention et angoissés à l’idée d’être remplacés. Mis dehors par le temps (cf Le Guépard).
Quelle époque à la con.
Une nouvelle génération d’artistes a déjà pris leur place. Au sein de ce conseil des sages, il n’y a plus aucun esprit de camaraderie. Les artistes Parisiens ne sont pas soudés.
Ça fait un bon moment qu’on est là et on s’est pas encore dit qu’on s’aimait.
Les liens se délitent puisque certains membres illustres sèchent le rendez-vous à l’image de Michael. On n’accueille ni les femmes, ni les nouveaux. Benoit n’a pas l’honneur de pouvoir ripailler en compagnie des sénateurs. Il est mis à l’écart. Isabelle doit le réconforter.
Te laisse pas souffrir. Y sont jaloux, c’est tout. Te laisse pas humilier.
L’influence de cette creative class Parisienne s’évapore petit à petit. Elle s’essouffle. Jacques procède à ses dernières petites éruptions avant de se transformer en volcan d’Auvergne.
Je sais même pas pourquoi je continue à gueuler pour rien. Si tout le monde est d’accord pour que plus rien n’ait d importance. J’ai aucune raison d’être le gardien du temple.
La serveuse n’est pas impressionnée par ces grands-pères qui font de la résistance. Elle a même un peu pitié d’Enzo.
Ces artistes savent très bien qu’ils doivent soigner leur sortie.
C’est pas parce que la vie est pas élégante qu’il faut se conduire comme elle.
Pourtant ils le laissent conduire par leur mesquinerie. Édouard refuse d’assister à ce spectacle douloureux, par nostalgie.
J’ai pas envie que les choses que j’admirais quand j’étais petit existe plus.
Il ne veut pas voir ses héros partir ainsi. Alors il quitte le restaurant pour rester sur une bonne note. Rester sur le Paris d’avant.
La Closerie est vide.
Ces invités sont les derniers. En réalité, ils sont les seuls. Jeff a la politesse de ne pas les chasser. Par respect pour le pognon comme dirait Jacques, car après tout, ce sont aussi eux qui le font manger.
Ces hommes qui ne sont plus que l’ombre de ce qu’ils ont été s’accrochent aux branches jusqu’au bout mais il est quand même grand temps pour eux de partir.
Au revoir et adieu.
LE TRAILER
Cette explication n’engage que son auteur.