ENTER THE VOID
Gaspar Noé, 2009
LE COMMENTAIRE
À mesure que nous prenons conscience de la raréfaction des ressources, le gaspillage nous est de plus en plus insupportable. On trie les déchets, on utilise moins d’eau pour se laver les dents et les grands magasins commencent à éteindre leurs lumières la nuit puisqu’il n’y a plus de clients dans les rues. Et l’on fait bien. Cependant quand on éteint les guirlandes, alors on ne distingue plus le sapin. Qu’est-ce qui se passe quand plus rien ne clignote ?
LE PITCH
Un jeune homme revoit défiler sa vie après avoir été abattu dans les toilettes.
LE RÉSUMÉ
Oscar (Nathaniel Brown) est un jeune toxicomane Américain à Tokyo (cf Lost in Translation). Son ami Alex (Cyril Roy) lui rend visite, essentiellement pour lui demander des nouvelles de sa soeur Linda (Paz de la Huerta).
Oscar s’est pris de la DMT. Il doit rejoindre Victor (Olly Alexander) au Void pour lui livrer un peu de drogue. En chemin Alex partage des extraits du livre The Tibetan Book of the Dead sur les hallucinations pré-mortelles dont certains individus sont frappés.
Une fois au Void, Oscar est piégé par la police. À peine a-t-il le temps de se réfugier dans les toilettes pour jeter la came qu’il se fait tirer dessus. Il s’écroule au sol pendant que son esprit se détache (cf Ghost).
They say you fly when you die.
La vie d’Oscar se met à défiler comme s’il était pris dans une sorte de bad trip. Ses parents qui meurent dans un accident de voiture. La promesse rompue qu’il ne se séparerait jamais de sa soeur, puisqu’à la mort de leur grand-parents Linda et Oscar ont été envoyés dans deux familles d’accueil.
Oscar observe Linda après qu’elle l’ait rejoint à Tokyo, devenue stripper dans un club, abusée par son patron (Masato Tanno). Il se revoit en train de coucher avec la mère de Victor. Chaque épisode sexuel lui rappelant sa mère. Ses relations avec Bruno (Ed Spear), un dealer local, au mépris les conseils de son ami Alex.
I’m not a junkie.
Jusqu’à se voir mort dans les toilettes.
Après quoi la vie continue. Oscar observe Linda à la dérive après un avortement. Peinant à faire son deuil d’Oscar, trop triste de cette nouvelle promesse non tenue par son frère.
I really feel so happy with you, I feel free, I feel very, very free. You promise me you’ll never leave me.
Of course.
(…) We’re immortal?
Yes. We will never die.
Good. And if you die?
I’ll come back.
Que des mensonges.
Linda regrette de s’être mise avec Mario plutôt qu’Alex. Elle insulte Victor venu lui faire ses excuses. Puis elle prend un taxi avec Alex pour aller faire l’amour au Love Hotel, rempli d’autres couples en pleine action. L’esprit d’Oscar prend la forme du corps de sa soeur pénétré par Alex.
Son trip se termine par une vision floue de sa propre mise au monde, lors du coupage du cordon. Le moment où il se met à crier.
L’EXPLICATION
Enter the Void, c’est être perdu dans le vide.
Pas vraiment sûr que la vie ait du sens, malgré tous nos efforts pour croire l’inverse. On remplit, on remplit, on remplit… peut-être pour rien. Quelques rares heureux événements ne sauraient compenser trop de drames existentiels. Aucune idée de ce à quoi toute cette comédie bien servir. Incapable d’honorer la moindre promesse.
Do you remember that pact we made?
C’est pour cela qu’Oscar est parti au Japon. Fuir sa vie pour un monde aux codes psychédéliques qui donne à cet occidental l’impression de ne plus être dans le réel. Comme si Tokyo ne suffisait pas, il rajoute des drogues pour se détacher de tout. Dans l’espoir de s’offrir un voyage différent du sien. Prendre une forme de distance.
Sa soeur n’était pas d’accord avec lui. Voir la vie d’en haut est aussi prendre le risque d’avoir le vertige. De se rendre encore plus compte de la contingence.
I wonder what Tokyo looks like from up there…
I don’t.
Why not?
I’d be scared.
Scared of what?
Of dying, I guess. Falling into the void.
Oscar cherche à fuir le vide à sa manière, mais il va quand même devoir le confronter au moment de sa mort. La prophétie de son ami Alex se réalise.
Basically, when you die your spirit leaves your body, actually at first you can see all your life, like reflected in a magic mirror. Then you start floating like a ghost. You can see anything happening around you, you can hear everything but you can’t communicate. Then you see lights, lights of all different colors, these lights are the doors that pull you into other planes of existence, but most people actually like this world so much, that they don’t want to be taken away, so the whole thing turns into a bad trip, and the only way out is to get reincarnated.
Il se retrouve effectivement embarqué dans un bad trip. Obligé de revoir le mauvais film de sa vie, dans lequel même les moments plus doux sont également amers.
La mort de ses parents a eu des conséquences terribles sur sa vie et celle de sa soeur. Oscar a voulu endosser le rôle du protecteur mais n’avait pas l’étoffe – de toute évidence. Le destin a fait échouer toutes ses tentatives de jouer les héros pour sa soeur qu’il n’est jamais parvenu à garder auprès de lui. La vie l’a écrasé. Oscar n’est jamais parvenu à rendre Linda heureuse.
My life is fucked. (…) I don’t wanna be here.
Plus de drogue possible pour éviter les sentiments de honte, entremêlés de culpabilité. Pas de happy end (cf L’échelle de Jacob).
Oscar ne peut pas se sortir de son cauchemar. Il est en plein dans le vide et l’expérience n’est pas plaisante. Sa mort l’oblige à regarder tout ce qu’il n’a pas voulu voir. Une enfance douloureuse, une vie chaotique une fin sordide.
Peut-être que la vie ressemble à cela, quand on la voit pour ce qu’elle est – et rien d’autre.
Suivant le précepte du Tibetan Book of the Dead, Oscar finit par échapper à ce mauvais rêve en se réincarnant. L’histoire s’arrête pour recommencer sur un cri de douleur. C’est reparti pour un tour du manège qui rend malade.