CHANTONS SOUS LA PLUIE
Gene Kelly, Stanley Donen, 1952
LE COMMENTAIRE
Les Parisien·nes râlent énormément, tout particulièrement par temps de pluie. Il faut admettre que hormis Coluche, Jane Birkin et Jacques Villeret, personne n’aime vraiment la gadoue. En Chine, on a pour habitude de dire qu’il ne pleut pas tous les jours – pour se donner du courage. Aux États-Unis par contre, on est tellement positif qu’on chante même sous la pluie. Rien ne peut arrêter la machine. Le bonheur passe à travers les gouttes.
LE PITCH
Un acteur prend le bon wagon du train de la modernité en marche.
LE RÉSUMÉ
Don Lockwood (Gene Kelly) et sa partenaire Lina Lamont (Jean Hagen) arrivent au cinéma pour la première de leur nouveau film The Royal Rascal. Grandes vedettes du cinéma muet, ils sont acclamés par une foule en délire.
Everyone is breathlessly awaiting the arrival of Lina Lamont and Don Lockwood!
Don accorde quelques minutes à Dora Bailey (Madge Blake), le temps pour l’acteur de se remémorer comment il en est arrivé là. Pas vraiment doué, il avait formé un duo avec son pote Cosmo Brown (Donald O’Connor) avant d’arriver à Los Angeles où il s’est fait remarqué… comme cascadeur. De fil en aiguille, il est arrivé jusqu’en haut de l’affiche, sans oublier d’où il vient – ni son crédo.
I’ve had one motto which I’ve always lived by: Dignity. Always, dignity.
Il fait par hasard la rencontre d’une jeune artiste Kathy Selden (Debbie Reynolds) qui fait preuve d’un beau caractère.
You mean l’m not an actor? Pantomime on the screen isn’t acting?
Of course not. Acting means great parts, wonderful lines, words. Shakespeare! lbsen!
Le courant passe davantage avec cette jeune femme qu’avec Lina avec laquelle Don doit entretenir une relation de façade pour les fans. Pas de sentiment.
Try to get this straight : there’s nothing between us. There has never been anything between us. Just air.
R.F. Simpson (Millard Mitchell) regroupe ses collaborateurs pour la projection d’un film parlant. L’assistance semble ne pas comprendre ce qui se joue.
It’s just a toy, it’s a scream, it’s vulgar…
Ce film s’annonce pourtant comme un tremblement de terre pour le cinéma qui doit se repenser (cf The Artist). The Jazz Singer de la Warner fait déjà de l’ombre à Monumental Pictures. Il est l’heure de proposer quelque chose de nouveau, sinon le studio coulera.
La production de The Dueling Cavalier est lancée. Malheureusement Don et Lina peinent à trouver leurs repères. Les dialogues, la technique… rien ne va. Lors de la première projection, le public sort de la salle en ricanant.
I never want to see Lamont and Lockwood again. Wasn’t it awul?
We’re ruined, we’re all ruined!
Don sait que si le film échoue, sa carrière est finie.
Once they release « The Dueling Cavalier », Lockwood and Lamont are through. The picture’s a museum piece. l’m a museum piece.
Il met en place un conseil de guerre avec Cosmo et Kathy. Tous les trois ont alors une idée : profiter des quelques jours qui restent avant la sortie officielle de The Dueling Cavalier pour en faire une comédie musicale : The Dancing Cavalier.
La voix de crécelle de Lina reste un problème. Qu’à cela ne tienne : Kathy accepte de chanter à sa place.
Cependant, l’ego de Lina supporte mal la situation. Forte de son aura médiatique, elle négocie avec R.F. Simpson pour garder le premier rôle et exige que Kathy reste dans l’ombre.
The Dancing Cavalier est un succès. Le public réclame une chanson de Lina, en live. Elle monte sur scène en playback, Kathy contrainte de chanter derrière le rideau. C’est alors que Don et Cosmo révèlent la supercherie.
Le public se moque du ridicule de Lina mais Kathy se sent humiliée. Don la fait retenir en expliquant devant tout le monde qu’elle est la vraie star du film.
Ladies and gentlemen, stop that girl, that girl running up the aisle. Stop her! That’s the girl whose voice you heard and loved tonight. She’s the real star of the picture. Kathy Selden!
L’EXPLICATION
Chantons sous la pluie, c’est ne pas se laisser ennuyer.
Don Lockwood et son ami Cosmo Brown ne sont pas du genre à se laisser abattre. Ils ont bien l’intention d’être heureux dans la vie, à travers la célébrité. Pour y arriver, ils vont devoir consentir à des sacrifices et ils y sont prêts.
Tout d’abord essuyer des critiques, ce qui n’est jamais plaisant dans un métier où l’ego est nécessaire pour ne pas se faire écraser par la concurrence.
Who need ya? They’d come to see me if l played opposite a monkey!
Les comédiens doivent revoir à la baisse leurs prétentions pour mieux rebondir. Les chiens aboient, mais la caravane passe.
What’s the first thing an actor learns? « The show must go on!’ Come rain, come shine, come snow, come sleet, the show MUST go on! (cf Bohemian Rhapsody)
Tant qu’ils ne perdent pas cette dignité si chère à Don, tout est acceptable. Ils passent donc d’acteurs à cascadeurs pour les besoins du métier, puis danseur et chanteur s’il le faut.
La route de la gloire est bien encombrée (cf La La Land), c’est pourquoi Don et Cosmo empruntent des itinéraires alternatifs plutôt que de faire du sur place. Tous les chemins mènent à Rome.
The price of fame. You’ve got the glory, you gotta take the little heartaches that go with it. Now look at me: I’ve got no fame, I’ve got no glory, I’ve got no big mansions, I’ve got no money! But I’ve got – what have I got?
I don’t know, what have you got?
I gotta get out of here!
Le secret de ces deux hommes est d’être de vrais caméléons qui s’adaptent en permanence à leur environnement. Patients dans cette quête qui doit les conduire vers la gloire. Convaincus que la providence finira par leur sourire un jour ou l’autre.
Toujours fidèle à cette providence, ils continuent à avaler des couleuvres. En effet, leur statut n’est pas si joyeux qu’on l’imagine.
Well, we movie stars get the glory. I guess we have to take the little heartaches that go with it. People think we lead lives of glamour and romance, but we’re really lonely – terribly lonely.
Cependant Don Lockwood sait qu’il n’a pas le droit de se plaindre.
Sa partenaire est insupportable. Il joue la comédie.
Elle joue comme une patate. Il fait le dos rond.
Le cinéma devient parlant. Il apprend son texte.
Le public est critique. Il le surprend.
Le mauvais temps ne va certainement pas l’empêcher de chanter.
From where I stand, the sun is shining all over the place.
Don ne se trouve aucune excuse. C’est ainsi qu’en cherchant la célébrité, il finit par trouver l’amour.