LA PETITE BOUTIQUE DES HORREURS
Roger Corman, 1960
LE COMMENTAIRE
Quand on entreprend, la règle d’or est de ne surtout pas avoir peur de l’échec (cf Soul Kitchen). Sous peine d’être paralysé·e et de ne prendre aucune décision (cf A most violent year). Une autre règle pourrait être de se fixer des limites. C’est moins évident. Cependant, quand on donne la main au business, il peut nous prendre le bras.
LE PITCH
Une plante carnivore devient l’attraction d’une boutique de fleurs.
LE RÉSUMÉ
Le sergent Fink se rappelle d’une triste histoire qui s’est déroulée dans un quartier mal famé…
My name is Sergeant Joe Fink, working the 24-hour shift out of homicide. And this is my workshop. The part of town that everybody knows about, but that nobody wants to see – where the tragedies are deeper, the ecstasy’s wilder and the crime rate consistently higher than anywhere else. Skid Row… my beat.
Un petit patron du nom de Gravis Mushnick (Mel Welles) y gérait une boutique de fleurs employant deux personnes : Audrey (Jackie Joseph) et Seymour (Jonathan Haze). Les temps étant toujours durs, Mushnick avait pour habitude de se plaindre (cf El buen patron). Surtout quand les clientes comme Madame Shiva (Leola Wendorff) venaient lui demander des ristournes…
I thought possibly because I give you all my funeral business, that maybe you should possibly give to me a little cut rate.
Look at me, Mrs. Shiva. What I, a philatelist?… To my throat I would be giving a cut.
Mushnick menaçait Seymour de le virer. Ce dernier avait récupéré des graines du jardin japonais et avait indiqué à Muchnick qu’il était prêt à lui mettre à disposition une plante d’un nouveau genre…
That ain’t fair Mr Muchnick. You wanna know what I’m doing? I’m working on a special surprise plant just for you, I’m growing a plant like you haven’t seen before.
Seymour avait appelé sa plante Audrey Junior, en hommage à sa collègue dont il était secrètement amoureux. Muchnick ne fut d’abord pas impressionné par la plante et donna une semaine à Seymour pour la faire grandir.
You call that a fancy plant?!
Un client (Dick Miller) avait flairé la bonne affaire.
Are you crazy? That’s probably the only plant of its kind in the world! (…) You’ll have people coming to see it from all over.
C’est alors que Seymour découvrit que la plante se nourrissait… de sang.
Feed me!
Il commença à se piquer tous les doigts pour qu’Audrey Junior se développe et suscite la curiosité des passant·es – comme promis.
That sure is a mad plant!!
Seymour s’est aussi rapidement fait remarquer. Ce qui lui a valu d’être adopté comme un fils par cet hypocrite de Muchnick.
I don’t want you to call me Mr Muchnick anymore, I want you to call me dad.
Mais Audrey Junior avait besoin de toujours plus de sang…
Feed me more!!
Désespéré, Seymour a tué un homme par accident sur un chantier. Et il a eu la sombre idée de donner des morceaux de son cadavre à la plante qui est devenue géante. Les client·es continuaient d’affluer à la boutique. Malheureusement Audrey Junior en voulait toujours davantage.
FEEED ME!!!!
Les meurtres se sont multipliés. C’est ainsi que la police a mené son enquête. Jusqu’à ce que le pauvre Seymour finisse par se jeter lui-même dans la plante, qui s’excusa devant Muchnick n’en croyant pas ses yeux.
I didn’t meant it…
L’EXPLICATION
La Petite Boutique des Horreurs, ce sont les contraintes liées aux affaires.
On ne voit souvent que le côté fleuri du libéralisme, qui promet à chacun·e l’augmentation des richesses grâce à l’accumulation du capital. Preuve que l’on ne voit que ce que l’on veut bien voir.
De fait, on préfère ignorer la violence de ce système. Ainsi on ferme les yeux sur les personnes marginalisées car elles sont tombées du train en marche. Pas notre problème. On ignore également de manière délibérée toutes les horreurs auxquelles le système peut nous conduire afin de trouver le profit.
De ce point de vue, nous sommes toutes et tous des victimes consentantes du système. À commencer par Muchnick qui ne fait que gémir. Il ne fait que travailler. Son entreprise lui cause du souci. Ses client·es l’ennuient. Il ne gagne pas assez d’argent. On a l’impression que la boutique de Muchnick est la cause de tous ses maux, bien qu’il se balade avec son cigare et son air satisfait.
Muchnick vend pourtant du bonheur – quand il s’agit pas de couronnes d’enterrement. Ses employé·es ont tout pour être heureux : Seymour et Audrey sont même amoureux.
Cependant, Muchnick agite constamment la menace du licenciement qui met la pression sur Stanley, contraint à commettre toutes les horreurs. Il ramène une plante carnivore qui incarne le besoin d’en faire toujours plus.
De par son appétit, Audrey Junior va dévorer toute conscience éthique professionnelle, et tout sens moral. Stanley aux abois doit donner son sang pour que l’entreprise prospère. Cela ne suffit pas, il doit tuer des gens pour que la boutique tourne!
Pris dans un engrenage infernal, il n’a pas moyen de faire demi-tour car les clients sont toujours plus nombreux. Muchnick en veut toujours plus et la plante réclame de la chair fraîche.
Face à l’horreur, personne n’ose démissionner. Et Muchnick n’a aucune intention de mettre la clé sous la porte. Surtout pas maintenant qu’il fait des envieux. Un cambrioleur rentre dans la boutique pour lui voler la caisse. Ce qui donne l’occasion à Muchnick de faire l’étalage de toute son hypocrisie. Devant le cambrioleur qui le menace de son arme et l’incite à ne rient tenter, Muchnick répond qu’il ne représente pas une menace puisqu’il n’a jamais rien entrepris de sa vie.
I never tried anything in my life!
Les client·es ne sont responsables de rien en aucune façon. La police ne peut empêcher quoi que ce soit. Seymour sombre dans la dépression et finit par se suicider. Audrey cautionne tout, l’air de rien. Muchnick déplore le drame et encaisse les profits.
La plante grandit…
Cela donnerait presque envie de travailler pour un organisme à but non lucratif.