LES TONTONS FLINGUEURS
Georges Lautner, 1963
LE COMMENTAIRE
Le crime est un business comme une comédie comme une autre avec ses acteurs, sa hiérarchie et ses règles. Les plus téméraires intimident les autres pour s’emparer du pouvoir. Une fois en place, le boss doit garder un oeil sur les autres. La menace peut venir de partout.
LE PITCH
Un homme reprend le contrôle d’une organisation criminelle.
LE RÉSUMÉ
Louis dit « le Mexicain » (Jacques Dumesnil) revient en France pour y mourir.
Question de laisser ses os, y’a que la France!
Avant de partir, il tient à ce que son ami Mr Fernand (Lino Ventura) s’occupe de ses affaires et aussi de sa fille Patricia (Sabine Sinjen). Fernand, un ancien gangster qui est s’est recyclé dans la vente de matériel de travaux publics à Montauban, traine un peu des pieds puis accepte. Louis annonce officiellement sa succession à tout le monde : Théo (Horst Frank) et Tomate (Charles Régnier), les frères Volfoni Raul (Bernard Blier) et Paul (Jean Lefebvre), Pascal (Venantino Venantini).
Tout commence par un audit. Fernand rencontre Maître Folace, le notaire de Louis (Francis Blanche). Le business ne va pas si bien. L’argent ne rentre pas. Les Volfoni ne règlent pas les redevances. Tomate a plus d’un mois de retard.
Fernand rencontre Patricia, une petite tornade dont le petit-ami Antoine (Claude Rich) ne plait pas à son nouveau tuteur.
Fernand doit remettre de l’ordre dans la gestion des tripots, des distilleries et des bordels. Il va en remettre certains à leur place, n’en déplaise à Raoul.
Y connait pas Raoul ce mec… Il va avoir un réveil pénible.
Fernand passe au travers des balles de Théo alors que les règlements de compte se multiplient. On se croirait chez Les Républicains ou au Parti Socialiste, et peut-être bientôt à La République En Marche. Ça tire dans tous les sens.
C’est Patricia qui reste encore la plus difficile à gérer. Tout va se résoudre lorsqu’elle décide de se marier à avec Antoine. Si l’idée ne plait pas à Fernand, il s’en accommode. Le mariage lui permet en effet de se débarrasser de tous ces problèmes. Car c’est le père d’Antoine (Pierre Bertin) qui va récupérer l’administration de la dot de sa belle-fille. Le nouveau patron du FMI ne sait pas encore ce qui l’attend. Fernand va pouvoir retourner dans sa province.
Tout le monde se retrouve au mariage de Patricia. Sauf Théo, dont la voiture explose devant l’Église.
L’EXPLICATION
Les Tontons Flingueurs, c’est un grand patron (cf El buen patron).
Certains obtiennent le plus haut poste dans leur entreprise parce qu’ils ont fait pression, ou des courbettes, pendant des années. D’autres en héritent. Ce qui n’est pas forcément un cadeau. Fernand devient le chef malgré lui, pour rendre service à un ami.
Il ne reprend pas la compagnie dans son propre intérêt mais pour la noble cause : que Patricia ne finisse pas sur le trottoir comme le craignait Louis. C’est donc tout à son honneur.
Fernand est l’élu (cf Matrix). Il a été choisi, il n’a pas choisi. Ce qui veut dire qu’il n’a pas non plus choisi ses hommes.
On fait pas toujours ce qu’on veut.
Quand on prend la tête d’une entreprise, on ne peut pas faire la grande lessive comme le prouve les difficultés de Vincent Bolloré avec Canal+. On doit composer avec les forces, et les faiblesses, en présence (cf le Stratège). En l’occurrence, Fernand n’est pas entouré que par des lumières. Il doit donc s’attendre au pire.
Les cons ça ose tout.
Fernand regrette la disparition de l’esprit fantassin. L’armée n’est plus composée de soldats dévoués et aux intentions irréprochables. Au contraire, l’armée est désormais faite de mercenaires grossiers et sans scrupule. Espérons que le rétablissement du service militaire redresse un peu cette jeunesse française qui boit de l’eau pétillante plutôt que de la goutte.
Maître Folace joue les arbitres en rappelant à tout le monde de ne pas faire de fausse note. Dans l’entreprise, il n’y a pas d’amis. Juste des concurrents qui veulent la place (cf there will be blood). Il faut se méfier des coups bas!
Fernand n’est effectivement pas au bout de ses surprises. Reprendre une entreprise implique de gérer la frustration des ambitieux, comme celle de l’énigmatique Théo:
La bave du crapaud n’empêche pas la caravane de passer.
Fernand doit donc asseoir son autorité. Il profite que Louis l’ait nommé patron de manière officielle. Ça n’est pas suffisant. Il doit aussi coller son poing dans la figure de Raoul à plusieurs reprises devant tout le monde pour se faire respecter.
On va le retrouver éparpillé par petits bouts façon puzzle…
Fernand s’impose comme un grand chef (cf Le Parrain). Avec cette assemblée d’enfants turbulents, il fait le choix de diriger par ordonnances.
Moi je connais qu’une loi : celle du plus fort.
Il s’appuie sur Pascal, son premier ministre, pour consolider son pouvoir. Folace, son ministre des Finances, s’occupe de diriger le budget d’une main de fer.
Touche pas au grisbi salope!!
Tout en maintenant le dialogue.
Vous êtes des hommes d’action, je vous ai compris.
Fernand invite d’ailleurs les frères Volfoni à boire un coup pour arrondir les angles. La liqueur adoucit les moeurs, c’est bien connu.
J’ai connu une Polonaise qui en prenait au petit déjeuner… Faut quand même reconnaître que c’est plutôt une boisson d’homme.
Certes le patron gagne plus d’argent que les autres. Il s’agit néanmoins de la rémunération des ennuis. Car si tout le monde n’aspire qu’à prendre sa place, il ne faut pas oublier que le patron ne gère que des problèmes du matin au soir. Il ne profite jamais. Constamment il doit arbitrer les petits malaises de tout le monde.
Facile de casser du sucre sur le dos du patron. Plus compliqué d’endosser son costume, ce que sait faire Fernand – un homme pressé qui ne dort plus la nuit.
Je ne rêve pas en noir, je ne rêve pas en couleur, je ne rêve pas du tout je n’ai pas le temps.
Fernand est un grand patron car il sait gérer le plus compliqué : passer la main. Certains n’y arrivent pas. Fernand a fait son devoir. Patricia est entre de bonnes mains. La mission est remplie, le boss peut partir à Montauban la conscience tranquille.
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