LE GRAND CHEMIN
Jean-Loup Hubert, 1987
LE COMMENTAIRE
Les jeunes citadins sont fiers de jouer les rats des villes. Ils vont à des concerts à la Bellevilloise. Parlent un Français sans fausse note. Les subtiles senteurs de bouses de vaches n’atteignent pas leurs sensibles narines. Ils ne se couchent pas avec les poules. Ignorent qu’on peut malgré tout faire les 400 coups à la campagne, là où on garde les cochons ensemble. C’est là qu’on réalise qu’on peut se marrer aussi bien quand on est sur la paille.
LE PITCH
Un enfant se fait une petite mise au vert.
LE RÉSUMÉ
Claire (Christine Pascal) dépose son fils chez son amie Marcelle (Anémone) puis retourne à Paris pour y accoucher. Son mari l’a abandonnée. Louis (Antoine Hubert) n’est visiblement pas très content à l’idée de passer ses vacances à Rouans. Il se serait mieux vu à Nice, chez son père.
L’adaptation est un peu délicate. Le jeune garçon est choqué par le traitement qu’on réserve aux lapins. Il s’endort pendant les sermons du curé local. Des cauchemars la nuit. Pelo (Richard Bohringer), le compagnon de Marcelle, l’impressionne.
Louis sympathise avec la petite Martine (Vanessa Guedj) qui l’emmène dans sa cachette secrète et lui montre son pissou.
Pelo noie son chagrin dans le vin blanc (cf Le dernier pour la route). Souvent, il revient chez lui en brouette, à point d’heure.
Il est lourd le bonhomme!
Avec Marcelle, ils ont perdu un enfant à la naissance et ne s’en sont jamais vraiment remis. Louis se retrouve au milieu des disputes du couple, entre viols et claques dans la tête.
Pelo se rapproche enfin du petit.
Au début j’suis un peu méfiant, comme toi!
Tous les deux passent du temps ensemble à discuter de tout et de rien, de l’amour et de la mort aux détours de parties de pêche. Pelo se confie. Il ne l’a jamais vraiment fait auparavant, avec qui que ce soit. Cela lui fait du bien.
Mais ça fait pas mordre le poisson!
De son côté, Louis découvre que les cartes postales de son père sont pipeaux. Il n’a plus de père. Sa mère a tout inventé.
Alors il s’enfuit et se réfugie sur le toit de l’église. Tout le village est en panique. Pelo prend son échelle pour lui porter secours (cf Gilbert Grape). Louis finit par tomber du toit, dans la gouttière. Plus de peur que de mal.
Il est temps pour Louis de retourner à Paris.
Pelo et Marcelle se réconcilient.
L’EXPLICATION
Le Grand Chemin, c’est un Mars et ça repart!.
Louis, Marcelle et Pelo forment une triangulaire intéressante. Ils sont tous les trois bloqués. Le fantôme du père de Louis l’empêche d’aller voir du pays. Et la disparition du bébé de Marcelle et Pelo les a empêchés de passer la seconde. Les trois protagonistes essaient d’avoir foi en l’avenir, sans grande conviction.
Ils sont complètement à l’arrêt et parlent au passé – notamment Marcelle qui ne veut plus qu’on la touche.
J’pensais que ça s’arrangerait.
De son côté, Pelo a commencé à sombrer. Il continue comme si de rien n’était mais le chagrin de la disparition du bébé l’étouffe au quotidien. Ne supportant plus ce berceau dans cette chambre où personne n’a le droit d’entrer. Sa vie se sclérose.
Ça manque d’air ici!!
L’arrivée de Louis dans leur vie va apporter un nouveau souffle. Il donne l’occasion à Marcelle et Pelo d’experimenter ce dont ils ont été cruellement privés par le sort : être parents. Marcelle peut réconforter Louis et lui faire prendre son bain comme une maman attentionnée. Quant à Pelo, il a enfin un compagnon de pêche – ce qui vaut mieux que ses nombreux compagnons de beuverie.
Louis offre aussi une occasion au couple de reparler de ce passé qu’ils avaient essayé d’enfouir sous le tapis.
Tu sais, c’est pas simple…
C’est jamais simple.
Avec le petit garçon, Pelo va avoir le courage de réouvrir les dossiers qui font mal. Il se prouve qu’il est capable de faire ce dont il n’a pas envie avec le curé : se confesser. Louis lui permet de s’interroger sur l’homme qu’il est devenu – sans jugement.
J’suis un vilain bonhomme ?
De son côté, Louis va profiter de la légèreté de Martine.
Dis donc mon cochon, pourquoi tu regardes toujours ma culotte.
Elle va aussi lui servir d’électrochoc. À son arrivée à Rouans, Louis est un petit bébé qui n’arrive pas à sortir des jupes de sa mère. Il n’est jamais sorti de sa ville pour s’aventurer dans la jungle de la Province. Un peu précieux. Avec le besoin qu’on lui mette quelques anguilles dans le slip pour se réveiller.
Marcelle et Pelo vont aussi beaucoup aider le petit garçon qui n’aura pas eu la chance de voir ses parents s’écharper, puisqu’il n’a pas eu de parents. C’est avec Marcelle qu’il fait la douloureuse découverte que son père n’est qu’une supercherie. Dépourvu d’identité, le petit garçon timide laisse alors éclater sa colère. Il fugue. Crie sa haine du monde sur le toit de Dieu.
Vous êtes méchants!!
Il échappe de peu à la catastrophe et lorsqu’il s’en rend compte, il fait la paix avec lui même. Après coup, il réalise la chance qu’il a d’être encore en vie. Finalement, tout le monde finit par réussir à faire sa propre auto-critique puisqu’après le départ de Louis, Marcelle et Pelo crèvent l’abcès.
Tu vois donc pas que c’est que sur toi que tu pleures ?
Chacun finit par arrêter de s’apitoyer sur son propre sort. Cette visite inattendue aura permis à tout le monde de se reprendre en main. Louis était la pièce manquante du puzzle de Pelo et Marcelle. Ceux-ci ont offert le cadre dont avait été privé jusque là le garçon.
Dans la vie, on est tous confronté à ce moment pénible, qui surgit le plus souvent dans le milieu de l’après midi, et qui nous prend l’estomac. À cet instant, nous n’arrivons plus à nous concentrer. Nous devenons susceptibles, capricieux, prêts à faire des bêtises.
Précisément le moment de garder la tête froide et regarder autour de soi afin de saisir ce qui va nous permettre de rebondir. Ne nous renfermons pas sur nous-mêmes. Il y a toujours une barre chocolatée qui traine quelque part, sur une armoire ou dans un frigo. Un peu de graisse qui va venir sur loger sur nos fesses. De vitamines qui vont nous donner l’énergie d’avancer.
Car la route est encore longue.
Trop bien le commentaire ! MDR
Merci Florence