LE DERNIER POUR LA ROUTE

LE DERNIER POUR LA ROUTE

Philippe Godeau, 2009

LE COMMENTAIRE

Pour comprendre la France, il faut comprendre sa tradition viticole et son admiration pour Bacchus. Il faut avoir chanté Fanchon avec ses collègues de bureau ou ses camarades de promotion dans des soirées interminables, à bien se marrer surtout. On associe la picole à la pause, c’est à dire à la fête. Si on aime à rire alors on aime à boire. L’articulation est aussi redoutablement simple qu’elle est logique. Inversement, celui qui ne boit pas, c’est le non-français. Le sobre, c’est le triste. On peut donc affirmer que la France entretient une relation aussi étroite que vicieuse avec l’alcool. Et pourtant on est encore loin de la Russie.

LE PITCH

Un alcoolique profite d’une mise au vert pour faire une mise au point.

LE RÉSUMÉ

Hervé Chabalier (François Cluzet) quitte son appartement Parisien aux aurores. Sa femme (Anne Consigny) fait mine de dormir. Au bar du coin où il a ses habitudes, son petit verre de blanc l’attend déjà. Puis un autre. Encore un autre à la gare avant de prendre le train, pour se donner du courage, direction la cure de désintoxication.

Hervé y est privé de ses affaires personnelles et photographié au moment d’entamer ses cinq semaines. Il rejoint le groupe et rencontre Pierre (Michel Vuillermoz), Jean-Marie (Lionnel Astier), Soledad (Françoise Pinkwasser), Sandra (Ninon Brétécher), Gunther (Éric Naggar), Hélène (Raphaëline Goupilleau), Kris (Eva Mazauric) et les autres.

Sa première réaction est d’avoir envie de partir, vite.

Bon, je vais y aller!

Et puis de session en session, coupé du monde mais pas des autres membres du groupe, Hervé va se rappeler, écouter puis parler. Petit à petit, il accepte cette maladie chronique qu’est sa dépendance à l’alcool. Il se reconnaît comme alcoolique.

Pendant sa cure, Hervé va se rapprocher de la jeune Magali (Mélanie Thierry) qui boit déjà trop malgré ses vingt-trois ans et surtout qui profite de ses visites pour se faire passer un peu d’alcool en douce. Hervé essaie de la raisonner, sans succès.

Au cours de cette épreuve, il va notamment avoir la visite de sa femme qui n’en peut plus. Ses mots font mal.

J’ai cessé d’avoir peur sauf du jour où tu vas revenir à la maison. Ton absence me fait du bien.

Son fils Thomas (Arthur Moncla), victime collatérale de l’alcoolisme de son père, vient également régler ses comptes.

À chaque fois t’avais le choix et t’es un imbécile si tu penses le contraire!

Hervé tient bon malgré la rechute puis la disparition brutale de son ami Pierre, lâché par son foie. Lorsqu’il sort, il rejoint Magali en boîte. Face à la tentation, Hervé préfère quitter les lieux. Il ne veut plus de cette vie là.

Hervé prend le ferry pour revenir dans le monde où il compte bien retrouver Thomas. Il est toujours abstinent.

François Cluzet

L’EXPLICATION

Le Dernier Pour la Route, c’est la possibilité de changer.

Hervé pense qu’il a touché le fond. Il se rend de lui même à la clinique. C’est sa démarche. Il va remonter la pente et chaque pas sera compliqué.

Le premier pas n’est pas le plus évident. Comme un nouveau né, il faut se dresser sur ses jambes et se mettre à marcher en reconnaissant d’abord quel est son point de départ. Hervé le directeur d’une agence de presse à Paris part de très loin. Lorsqu’il met les pieds au centre, il n’est plus qu’un homme parmi les alcooliques, ainsi que les patients en psychiatrie, les toxicomanes ou encore les mannequins anorexiques. Il n’est plus. Avec l’impression de se réveiller dans les poubelles. Alors naturellement il s’interroge.

Franchement je me demande ce que je fais là.

Le deuxième pas, c’est d’accepter sa condition en cochant des cases puis en se reconnaissant dans le discours à la fois pathétique et courageux des autres. Hervé est allé trop loin (cf Shame). Il ouvre les yeux (cf Eyes Wide Shut) et se débouche les oreilles en écoutant les malheurs d’Hélène.

Le verre de whisky, jamais avant 5h je vous assure!

Le pas suivant c’est de faire preuve d’humilité en admettant la difficulté de la tâche. C’est dur de vivre avec les autres. Hervé se dispute. Il leur fait la leçon. Très souvent il ne peut pas supporter le groupe.

Là ça va être au dessus de mes forces.

Et ça n’est pas grave. Se retirer quand la situation l’exige, ça n’est pas fuir. Comme un joueur de poker conscient de la faiblesse de ses cartes, il peut toujours se coucher plutôt que flamber. Au moins il reste à la table. Carol (Marilyne Canto) et Marc (Bernard Campan), les animateurs du centre, alcooliques eux-aussi, vont aider Hervé à mieux comprendre le périmètre de son champ d’action.

Le plus important c’est de savoir ce que tu peux changer. Ce que tu peux pas changer. Et de bien faire cette différence.

Le pas d’après, c’est de parler et s’inclure dans le groupe, revenir dans le monde. Savoir c’est une chose. Trouver les mots en est une autre. C’est assumer, devant les autres, à travers son témoignage personnel. Hervé finit par participer et parle de ses raisons, avec humilité: la disparition de sa petite soeur, sa culpabilité, sa tristesse puis sa dérobade face aux épreuves de la vie.

Ma petite soeur venait de mourir et moi je pensais qu’à moi. […] L’alcool c’était comme l’aventure. […] Trompe la mort et pilier de bar. […] J’étais sûr que je pouvais vivre sans. […] À la fin, je buvais plus pour être bien, je buvais pour plus être mal.

La pente est savonneuse. On peut glisser à tout moment. Pierre rechute pendant la cure. À la sortie de la clinique, certains tiennent bon. D’autres ne donnent plus de nouvelle, comme Jean-Louis. Et quand Hervé a l’occasion de retrouver Magali, il préfère partir plutôt que de la suivre, lancée à toute vitesse sur ce circuit de Formule 1 virtuel. Paradoxalement, quand il quitte cette boîte de nuit, il ne disparaît pas.

Le dernier pas qu’Hervé doit faire, c’est d’être conscient qu’il ne s’agit pas du dernier. C’est un leurre. Il n’y a pas de point d’arrivée. Quand on marche, on ne s’arrête plus. Ça donne parfois le vertige. Il ne faut pas avoir peur de ne pas apercevoir la ligne d’arrivée, ni de regarder en arrière parfois pour se rappeler d’où on est parti, mesurer ses progrès et se prouver tout simplement qu’on peut le faire. Dans cette marche on ne peut compter sur personne. On n’est pas seul, on est avec soi-même.

Faut pas compter sur les autres pour te protéger. T’as un ami sérieux, c’est ta mémoire.

La vie est loin d’être aussi géniale qu’on veut bien nous la vendre. Elle l’est encore moins quand on est menotté à sa bouteille (cf Leaving Las Vegas). Hervé ne s’est pas donné un nouveau but dans la vie. Il a juste changé ses habitudes au quotidien. Et c’est déjà énorme. Il fume.

Nul n’est parfait.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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