BLACK
Adil El Arbi, Bilall Fallah, 2015
LE COMMENTAIRE
Le féminisme est sans frontière. Il est en train de gagner la bataille. La parité homme-femme investit les bureaux de Wall Street (cf Working Girl) et aujourd’hui elle descend enfin dans la rue en Belgique. Aujourd’hui, les filles occupent des postes stratégiques dans les gangs. Elles prennent leurs responsabilités. À l’aise avec le calibre, au moment de braquer le boulanger.
LE PITCH
Deux adolescents bruxellois se retrouvent tous les deux victimes d’une histoire d’amour impossible.
LE RÉSUMÉ
Marwan (Aboubakr Bensaihi) est un membre des 1080, une bande de Marocains de Molenbeek. Il met à profit ses qualités de coureurs de fond pour faire des vols à l’arraché. C’est au poste de police qu’il va faire la rencontre de Mavela (Martha Canga Antonio) qui fait partie des Black Bronx, des Congolais de Ixelles.
Coup de foudre.
Tes yeux vont tomber de ta tête.
Les deux bandes rivales vont se croiser à une station de métro pour s’expliquer parce que l’un des 1080 drague la copine d’un Black Bronx. C’est aussi simple que cela. On ne se parle pas (cf Romeo + Juliet).
Marwan va braver les interdits en cherchant à reprendre contact avec Mavela. Tous les deux se baladent en ville et flirtent comme des amoureux, à coups de sourires et de discussions futiles.
Attends, tu peux roter et moi j’peux pas ??
Mavela sent néanmoins le poids de la menace des garçons de son gang. Elle sait ce qui arrive aux filles. Trop tard. X (Emmanuel Tahon) va la forcer à se rendre complice du viol en réunion de Loubna (Sanaa Bourrasse), la copine de Nassim (Soufiane Chilah) qui purge une peine de prison.
Mavela ne peut s’empêcher de voir Marwan. Tous les deux se retrouvent dans une petite chambre cachée dans un coin d’une église en réfection. Sindi (Marine Scandiuzzi) prend Marwan en photo pour mieux provoquer les Black Bronx. Leur vengeance ne se fait pas attendre. Ils font une descente à l’église et profite de l’absence de Marwan, arrêté par la police, pour violer Mavela l’un après l’autre. Gangbang.
Salie et sans issue, elle devient la chose du gang sans autre choix que d’accepter son triste sort. Elle ne répond plus à Marwan malgré ses appels répétés. Le jeune homme va la confronter. C’est ainsi qu’il apprend pour Loubna.
À sa sortie de prison, Nassim est fou de colère. Il réclame vengeance et va se servir de Marwan pour tendre un piège aux Black Bronx vers la Gare du Nord. Il n’en fallait pas plus à X, passé à tabac par les hommes du parrain local pour une histoire de concurrence.
Les deux bandes se retrouvent pour se faire justice. Marwan et Mavela se retrouvent victimes collatérales de cette violence. Ils meurent de la même balle. La police arrive trop tard (cf La Haine).
L’EXPLICATION
Black, c’est un amour de quartiers, une histoire sans lendemain.
À l’origine, Marwan et Mavela sont deux chérubins sans cuillère en argent dans la main (cf La Cité de Dieu).
Ma mère est en prison, mon père est en prison, ma soeur est en prison. Si c’est pas une jeunesse pourrie ça.
Le tableau n’est pas si sombre. La mère de Mavela n’est pas en détention. Au contraire, elle fait de son mieux pour s’intégrer mais sa fille dénigre ses efforts.
C’est pas une pièce de théâtre maman, c’est un cirque de négresses!
L’influence du groupe sur elle est déjà trop forte. Ses préjugés également.
Je sors pas avec des Marocains!
Attends, on est tous Africains.
Marwan dénote dans l’univers de Mavela. Il est séduisant et séducteur. Un petit vent de légèreté. Avec lui, tout devient plus plus facile. Leur relation est fluide. Quand ils sont tous les deux, Marwan et Mavela prennent un peu de recul et de hauteur sur les événements. Rafraichissant. Vu de leur amour, ces histoires de gangs sont bien ridicules.
Nous on est les 1080.
Ahaha un code postal!
Et vous vous êtes quoi?
Les Black Bronx. Ahaha on n’est pas à Chicago ma p’tite.
Faire partie d’un gang, c’est une posture. On bombe le torse pour impressionner les autres, on provoque les flics parce que c’est dans l’ordre des choses, on gonfle les muscles quand il le faut, on cherche constamment à montrer qui est le plus fort. Tout cela n’est finalement qu’une attitude.
Le problème de l’attitude est qu’elle repose sur un ego sur-dimensionné qui ne craint qu’une chose : le ridicule. Autrement dit ‘perdre son honneur’. Et la fierté peut conduire à faire n’importe quoi.
Les Black Bronx peuvent aller jusqu’à violer l’une des leurs pour marquer leur supériorité – de manière quasi animale. Il n’y a pas pire insulte pour X que de se faire tabasser et jeter d’une voiture dans la rue, les fesses à l’air avec écrit ‘gonzesse’ sur le dos.
Il ne saurait tolérer qu’on le traite de gonzesse. Même son de cloche chez les 1080 où le viol de Loubna est perçu comme une insulte faite au groupe. L’offense à la personne, visiblement, est secondaire. Ces bandes se nourrissent de leur rivalité.
On s’en fiche pourtant. Le débat est stérile. D’ailleurs il n’y a pas de débat. Et eux ne s’en fichent pas car c’est une question d’identité. À peu près tout ce qui reste à ces adolescents.
Même si t’es né ici, t’as grandi ici, tu seras toujours différent. Tu seras toujours un étranger.
Marwan et Mavela sont effectivement différents. Pas besoin du groupe pour définir leur identité. Une même envie de se démarquer pour trouver leur indépendance et vivre leur amour, qui serait une jolie manière de célébrer leur autonomie. Malheureusement, ils n’en auront pas la possibilité. Le gang les tient par la gorge.
Pas le temps de s’enfuir. La police échoue à sauver ces enfants.
Je te demande de tenir bon juste un peu et je te jure que je te sors de là.
Tout cela n’est donc que de l’attitude mais quand on vous met un revolver dans la main, ce n’est plus la même histoire. On menace, on finit par tirer, et on casse tout. La romance est rendue impossible.
En même temps, les Rita Mitsouko n’avaient-ils pas énoncé qu’on n’a pas que de l’amour à revendre ? Ça non.
Excellent👌merci d’avoir écrit dessus