LE SALAIRE DE LA PEUR

LE SALAIRE DE LA PEUR

Henri-Georges Clouzot, 1953

LE COMMENTAIRE

Boire ou conduire, il faut certainement choisir. C’est à dire renoncer. Se concentrer sur la route, pas sur son téléphone. Tenir son cap (cf Locke). Toutes celles et ceux qui se croient au dessus des lois s’exposent à la sanction. Les adeptes du zig zag finissent par perdre le contrôle à un moment ou un autre.

LE PITCH

Deux hommes transportent un camion chargé de nitroglycérine.

LE RÉSUMÉ

Au beau milieu de l’Amérique Centrale, Mario (Yves Montand) perd son temps en compagnie d’une bande de mercenaires Européens jusqu’à l’arrivée de Jo (Charles Vanel). Ce repris de justice fort en gueule est arrivé sans valise et ne compte clairement pas faire de vieux os à Las Piedras.

Pourquoi vous vous barrez pas ??

L’incendie d’un puits de pétrole de la Southern Oil Company (cf Deepwater) contraint l’Américain Bill O’Brien (William Tubbs) à réclamer quatre volontaires pour une mission périlleuse : conduire un camion rempli d’explosifs jusqu’au puit afin de stopper l’hémorragie. La route est mauvaise. Les camions n’ont pas d’amortisseurs. Il s’agit plutôt d’une mission suicide (cf Sorry we missed you).

It’s murder! 

Luigi (Folco Lulli) et Bimba (Peter Van Eyck) constituent le premier équipage. Mario et Jo forment le second. En un sens, ils sont les premiers nouveaux esclaves du capitalisme car ils acceptent le travail que personne d’autre ne veut. À la clé, une somme d’argent. Suffisamment pour mettre les voiles vers Rio par exemple. Le prix de la liberté ? De quoi prendre le risque en tout cas.

Sur le chemin, Jo se dégonfle petit à petit.

Je m’en fous du pognon, je tiens à ma peau.

Il prétend être malade, ou s’invente des excuses pour ralentir…

Y’a peut-être un limitateur de vitesse ?

Mario doit prendre le volant. Il s’agace.

Ah il est joli Al Capone! (…) T’as peut-être été un homme dans le temps mais ça remonte à l’époque de ma grand-mère.

Un ponton prêt à s’effondrer. Des rochers qui bloquent le chemin longeant le pipeline. Mario déjoue tous les pièges contrairement à Luigi et Bimba qui explosent dans une collision.

Le camion des deux Français finit par patiner dans une marre de pétrole, conséquence d’une avarie du pipeline liée à l’explosion. Jo descend pour disposer des branches et aider le camion à avancer. Mario est contraint de rouler sur la jambe de son co-équipier. Jo meurt quelques heures plus tard. Il ne verra pas l’arrivée, ni la prime.

Mario délivre la nitroglycérine et empoche une somme d’argent. Pressé de rentrer pour encaisser son salaire, il prend la décision de rentrer seul et malgré la fatigue. La radio joue une valse. Mario est euphorique.

Il se permet quelques imprudences sur une route sinueuse.

Perd le contrôle de son véhicule.

Et meurt dans le ravin.

L’EXPLICATION

Le Salaire de la Peur, c’est le syndrome Français.

Il est légitime de dire que par le passé, la France était un pays qui compte. D’abord sur le plan des idées, grâce aux philosophes des Lumières. Le pays a eu l’audace de décapiter son Roi, bousculant le régime monarchique. Napoléon Bonaparte a conquis l’Europe.

Puis il y a eu la défaite cinglante de Waterloo. Le plafond de verre. La gueule de bois. Deux guerres mondiales qui n’ont pas été gagnées et qui auraient même pu être perdues dans les grandes largeurs sans l’aide de l’Oncle Sam. Sans les Ricains de Sardou, notre beau pays de cocagne serait peut-être Germanie aujourd’hui. Dans les années 50, la France se retrouve égarée au milieu de nulle part avec ses voisins Européens. Plus que jamais débitrice envers les États-Unis.

À Las Piedras, l’or noir est aux mains de Bill O’Brien. C’est lui qui a les pétrodollars. Big stack à la table de poker. Donneur d’ordres pour quatre kamikazes qui vont jouer les pompiers de service pour le gendarme du monde. Les États-Unis ont la main ferme et inspirent la terreur aux autres.

You don’t know what fear is.

Luigi, Bimba, Jo et Mario sont effectivement morts de trouille (cf Fast and Furious 10).

J’ai les foies de pas être à la hauteur.

La France se sent toute fragile, au service de l’Amérique pour faire son sale boulot. Elle n’est plus intéressée par les honneurs. Jo fait la morale à Mario qu’il considère trop insouciant.

Toi tu crois que t’es incassable. (…) Tu l’auras ta légion d’honneur, à titre posthume!

À défaut de pétrole, la France essaie de compenser… par son charme et son courage. Il prend les commandes abandonnées par Jo.

Tant pis faut y aller!

Coûte que coûte. La détermination de Mario est admirable. Il ne lâche rien. Don’t go gentile into that good night (cf Interstellar).

Tu vas pas te laisser mourir non!

Mario essaie de compenser le manque de ressources par les fameuses idées. Tout d’abord, il fait preuve d’une belle lucidité en analysant la situation.

La connerie, c’était de s’embarquer dans cette course d’andouilles!

Puis il se montre créatif face aux challenges qui se présentent à lui. Le conducteur trouve toujours une solution pour redémarrer s’il est à l’arrêt. Il parvient à manoeuvrer pour aller de l’avant, pas par appât du gain, mais pour ce que l’argent va lui permettre de trouver : la liberté. Mario est un romantique.

S’il patine parfois, il finit toujours par retrouver une certaine adhérence qui lui permet de délivrer. La mission est accomplie. Les Américains eux-mêmes sont impressionnés par ce Frenchy, survivant revenu de nulle part (cf The Revenant), qui prend une double prime pour sa peine. Good job!

Mario a su appuyer sur le champignon quand il le fallait pour surmonter la peur et prouver ainsi sa valeur.

Malheureusement, il fait preuve d’un cruel manque de bon sens. Il fanfaronne. Bien trop content d’avoir prouvé que l’impossible n’était pas Français. Mario relâche la pression et se fait surprendre. Pendant quelques minutes, il se voit peut-être un peu trop beau. Il gâche tous ses efforts en commettant l’erreur bête alors qu’il n’est pourtant plus sous la menace. En vérité, il ne va pas au bout. Car livrer la marchandise n’était pas tout, il fallait aussi revenir en vie (cf Das Boot).

Stimulés par le danger mais auto-suffisants, les Français font preuve d’un cruel manque de rigueur. Incapables de finir ce qu’ils ont entrepris. Les Français finissent par se saborder en ratant le plus facile.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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