FRENCH CONNECTION
William Friedkin, 1971
LE COMMENTAIRE
On n’a pas toujours ce que l’on veut dans la vie. À dire la vérité, on n’a pas souvent ce que l’on veut. La plupart du temps, ce que nous convoitons nous échappe de peu en nous narguant tel un barbu dans un métro. Ce qui ne doit pas nous donner une raison de baisser les bras, ou d’arrêter de courir.
LE PITCH
Deux flics New Yorkais enquêtent sur la filière Marseillaise.
LE RÉSUMÉ
Alain Charnier (Fernando Rey) dirige un gigantesque traffic d’héroïne depuis Marseille. Il a dans l’idée d’utiliser son amitié avec le présentateur TV Henri Devereaux (Frédéric de Pasquale) pour faire passer sa marchandise à New York à bord d’une Lincoln Continental, ni vu ni connu.
By Friday we’ll be gone.
De l’autre côté de l’Atlantique, les flics de la police Américaine Jimmy « Popeye » Doyle (Gene Hackman) et Buddy « Cloudy » Russo (Roy Scheider) apprennent l’existence d’un vaste réseau de stupéfiants lors d’une arrestation à Brooklyn. Ils suivent Salvatore « Sal » Boca (Tony Lo Bianco) et sa compagne Angie (Arlene Farber), pour finalement remonter jusqu’à l’avocat Joel Weinstock (Harold Gary) bien connu pour ses liens avec le milieu (cf L’Impasse).
Difficile de remonter jusqu’au gros bonnet, mais Popeye s’accroche.
Jimmy, give it up. Give it up, it’s all over with. If there was a deal, it’s gone down by now. We blew it, we blew our warrants, and we blew our cover.
Listen, I know the deal hasn’t gone down yet. I know it, I can feel it, I’m dead certain.
Boca rencontre Charnier. L’héroïne est plus pure que prévu. L’affaire s’annonce juteuse. Cependant Charnier a remarqué qu’il a été pris en filature depuis son arrivée à New York. Son homme de main, Pierre Nicoli (Marcel Bozzuffi) engage une course poursuite avec Popeye dans le métro aérien mais se fait abattre par le détective.
La Lincoln Continental est saisie avec 60kgs d’héroïne à son bord. Les flics la laissent finalement passer pour tenter d’interpeller Charnier lors du deal qui doit avoir lieu dans une usine désaffectée de Ward’s Island.
La transaction se déroule comme prévu. Les autorités américaines interviennent. Sal Boca meurt dans la fusillade. Charnier s’échappe, poursuivi par Popeye qui abat son collègue Mulderig (Bill Hickman) par erreur (cf Insomnia).
Mulderig… You shot Mulderig!
Cloudy pense que tout s’arrête. Popeye, au contraire, est bien décidé de continuer à mener la chasse.
That son of a bitch is here. I saw him, I’m gonna get him!
L’EXPLICATION
French Connection, c’est perdre une bataille.
Popeye est ce que l’on pourrait décrire comme un petit soldat de la lutte anti-drogue. Les tenants et aboutissants politiques lui échappent (cf Sicaro). Ce n’est pas son métier. Lui ne travaille pas dans les bureaux mais sur le terrain. Son quotidien se résume à courir après les méchants pour les arrêter et aboyer des ordres.
I want to hear it! Come on!
Popeye est donc un soldat ultra-déterminé, voire quasi radical. Il intimide par défaut. Quand il a une idée dans la tête, il ne l’a pas ailleurs. Sorte de rottweiler, il ne lâche pas sa proie.
We’re going to sit here all night if we have to.
Il est la figure du gendarme du monde à l’ancienne. Celui qui est le héros de l’histoire. Increvable.
Depuis la Provence, on regarde ce genre d’excités avec beaucoup de recul. Popeye incarne le cliché du détective Américain zélé. Un fada.
Our American friends are becoming overcautious.
Il est de fait que ces soldats têtes brûlées (cf Jarhead) sont constamment sur le qui-vive.
Never trust anyone!
Habitués aux cascades en tout genre, ils font des galipettes sur la route ou dans le métro. Tirent dans tous les sens – parfois même sur leurs collègues (cf Collateral Damage). La vie sans gilets par balle. Sans filet. Ce n’est pas l’état d’esprit. Surtout ce n’est pas comme cela qu’on livre des batailles. Ceux qui ne sont pas jusque-boutistes comme lui et son collègue Cloudy peuvent rester à la maison.
One thing I’ve learned: move calmly, move cautiously, you’ll never be sorry.
(…) Hey look, if this is the way you’re coming in on this, why don’t you stay home and save us all a lot of grief?
Cependant, on ne peut pas toujours faire un sans faute et gagner toutes les batailles. N’en déplaisent aux Amerloques qui ne sont pas habitués à perdre.
En l’occurrence, Popeye va pourtant tomber sur un os à ronger en la personne d’Alain Charnier. Car la France de l’époque n’est pas la France d’aujourd’hui. À l’époque, on ne rigolait pas. La France reliait Paris à New York en trois heures et demi grâce au Concorde, en moins de temps qu’il n’en faut au TGV aujourd’hui pour aller à Marseille. D’ailleurs le TGV a été inventé au début des années 70. L’âge d’or Français!
Pas de pétrole mais plein d’idées. De bonnes idées.
Charnier produit une héroïne qui est tellement pure que le chimiste (Patrick McDermott) n’en croit pas ses yeux. Il ne s’agit pas de la French touch mais bien de la French connection. L’exception culturelle!
Le plan de Charnier est machiavélique. Il va infiltrer les Etats-Unis grâce à un présentateur TV. Le caïd Français est insaisissable. Popeye a beau lui courir après, Charnier lui échappe sans cesse. La France glisse entre les doigts.
Impensable. Inacceptable. Les sanctions tombent mais sont réduites pour la plupart des personnes impliquées dans l’affaire. Weinstock est épargné. Boca écope d’une peine avec sursis. Seul Henri Devereaux prend quatre ans ferme. Injuste. Comme une défaite en finale de coupe Davis ou au Jeux Olympiques de basket. Villepin qui dit non à la guerre en Irak. Inconcevable.
Popeye ne se donne pas du mal pour rien. Il n’a pas tué un collègue par erreur pour rien non plus! Il a peut-être perdu la bataille mais il n’a pas dit son dernier mot. Tandis que Cloudy baisse les bras, Popeye est déjà reparti à l’assaut. Le goût de la défaite lui reste en travers de la gorge.
Cette bataille perdu ne fait qu’augmenter sa rage. Popeye ira jusqu’au bout pour atteindre son objectif. Sa guerre n’est pas terminée.