LA NEUVIÈME PORTE
Roman Polanski, 1999
LE COMMENTAIRE
Depuis la nuit des temps, les hommes ont rejeté la faute sur les femmes. Les fantasmant comme des objets sexuels. Redoutant leurs charmes menaçants. Les hommes en ont fait des sortes de sorcières (cf The Witch) responsables de tous les maux. Coupables du réchauffement climatique, et du dérèglement des esprits.
LE PITCH
Un libraire mercenaire se lance à la recherche d’un livre maudit.
LE RÉSUMÉ
Dean Corso (Johnny Depp) est contacté par le richissime Boris Balkan (Frank Langella) pour retrouver les Neuf portes du royaume des ombres d’Aristide Torchia. Un livre dont la légende raconte que son auteur l’aurait adapté d’une oeuvre écrite par le Diable en personne.
Ne reste plus que trois versions. Balkan est prêt à dépenser sans compter pour mettre la main sur l’édition originale. Dean Corso va faire le boulot.
There’s nothing more reliable than a man whose loyalty can be bought for hard cash.
Toutes les personnes que Corso croise sur son chemin se suicident ou sont assassinées.
Une mystérieuse femme (Emmanuelle Seigner) le suit à la trace, comme si cette recherche était damnée.
De Tolède à Paris en passant par Sintra, Corso remarque que trois des neufs gravures de chaque livre sont signées LCF. Ce qui signifierait que les trois livres sont nécessaires à la réalisation de la prophétie.
To travel in silence, by a long and circuitous route, to brave the arrows of misfortune and fear neither noose nor fire, to play the greatest of all games and win, foregoing no expense is to mock the vicissitudes of Fate and gain at last the key that will unlock the Ninth Gate.
Balkan se procure les trois livres afin de récupérer les neuf gravures paraphées par Lucifer. Corso est piégé dans le parquet et devient le spectateur du rituel (cf Les aventuriers de l’arche perdue).
There have been men who have been burned alive or disemboweled for just a glimpse of what you are about to witness.
Balkan s’immole par le feu, persuadé d’être invincible.
It’s miraculous I feel nothing! Nothing at all.
Jusqu’à ce que les flammes commencent à le picoter, puis le réduire en cendres. Corso parvient à se libérer et s’emparer des neufs gravures.
Devant le chateau en feu, la jeune femme rejoint Corso et lui fait l’amour dans une sorte de danse maléfique. Avant de partir, elle lui révèle qu’une gravure était fausse et invite Corso à se rendre à nouveau chez les frères Ceniza.
Il y trouve une gravure signée par LCF, représentant une femme chevauchant un dragon. Une femme comme celle avec laquelle il vient de passer un pacte.
Les neufs gravures en poche, Corso se rapproche du chateau dont la neuvième porte s’ouvre à lui.
L’EXPLICATION
La Neuvième Porte, ce sont les démons qui sont en fait des anges.
Les hommes ne peuvent s’empêcher de chercher. Pas toujours au bon endroit, ni toujours de la bonne manière. Dean Corso et Boris Balkan sont deux hommes en quête de réponses, le premier travaillant pour le second.
Tous les deux sont à la recherche d’une vérité qu’ils croient pouvoir trouver dans un livre.
D’un côté, Boris Balkan est un homme désenchanté, que le monde autour de lui ennuie profondément. Tout est potentiellement une menace à son pouvoir hégémonique. Il a basculé du côté sombre de la force (cf Star Wars).
Look around you, all of you, what do you see? A bunch of buffoons, in fancy dress. You think the prince of Darkness would actually deign to manifest himself before the likes of you? He never has and he never will. Never!
Il cherche à fuir ce réel en s’offrant un sésame diabolique vers la toute puissance et l’immortalité. Quelque part où il régnera au Royaume des Ténèbres.
Sa non-maîtrise des histoires de vampires lui fait ignorer que l’immortalité tient plutôt de la malédiction (cf Entretien avec un Vampire, Dracula). Peu importe. Il est prêt à dépenser sa fortune pour obtenir ce qu’il cherche. Ça sert à ça l’argent.
Le client est roi, parait-il.
De l’autre côté, Dean Corso ressemble a priori à un cynique uniquement guidé par l’argent. Peu importe le client, tant qu’il paie. L’argent n’a pas d’odeur. Business is business.
I don’t have to like you, you’re a client and you pay well.
En vérité, il est un homme plus complexe. Érudit et curieux des mystères que la vie peut lui proposer. Il est un enquêteur, à la recherche d’une découverte inédite. La finalité ne le passionne pas tant que le voyage.
Ces deux hommes se trouvent donc radicalement à l’opposée. Pour Balkan, obsédé par la pulsion de mort, Lucifer existe en tant que force du mal pouvant le sortir de sa condition d’humain.
Even Hell has its heroes, señor.
Balkan est un homme torturé qui aime les cérémonies macabres. Aveuglé par son arrogance, il est brûlé par les flammes de l’enfer car il s’est trompé sur toute la ligne. Il s’agit pour lui d’un enfer qui n’a rien d’une révélation. Seulement de la douleur. Les démons déchirent sa vie misérable. Ce petit empire qu’il s’était créée s’écroule. Son chateau brûle.
À l’inverse, Corso est un homme qui a fait la paix avec lui-même. Frustré de ne pouvoir que deviner, sans véritablement trouver. Il s’est fait à cette idée. Si proche du but, mais pas déçu de ne pas toucher au but. Donc il accepte la privation et se trouve libéré de ses démons.
Accompagné dans son voyage par une jeune femme qui l’observe. Soudainement, cette femme que l’on croit maléfique le récompense. Elle est un ange.
Balkan et Corso trouvent trouvent tous les deux un chemin vers une mort qui n’a rien à voir.
La femme est la réponse. Elle offre la clé de la neuvième porte à Corso. Tout devient clair. La lumière se fait. Ce que l’on croyait être un Lucifer terrible, est un fait une âme bienveillante qui le libère. Dans ce refuge inattendu, on ne craint pas la chaleur. Les dragons y sont dociles.
Plus qu’à se mettre les pieds sous la table pour déguster un bon cassoulet. Arrosé d’un bon Pastis pour se remettre de toutes ces aventures. Pourquoi pas un petit massage des pieds ?
Le Paradis en quelques sortes.