LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE
Steven Spielberg, 1981
LE COMMENTAIRE
Il n’est pas toujours facile de finir le travail. Apporter la dernière touche à l’ensemble, de façon à ce que l’oeuvre soit achevée. Tant de kilomètres parcourus pour finalement trouver son trésor. Ne pas avoir la main qui tremble au moment de s’emparer du trophée. Peut-être aurait-il fallu se poser la question plus tôt de savoir cette quête était la bonne (cf Jurassic Park)?
LE PITCH
Un professeur d’archéologie se lance dans une course contre les Nazis.
LE RÉSUMÉ
Professeur tout terrain, Henry Indiana Jones (Harrison Ford) se fait doubler au Pérou par son concurrent le Français René Belloq (Paul Freeman) dans la course à une idole Chachapoyan.
There is nothing you can possess which I cannot take away!
De retour aux États-Unis, Jones est recruté par les services secrets pour retrouver l’Arche d’Alliance, sorte d’arme ultime permettant de mener n’importe quelle armée à la victoire. Les Nazis sont déjà sur le coup. Il faut faire vite! Un voyage au Népal pour retrouver Marion (Karen Allen), qui le conduit en Egypte, où Sallah (John Rhys-Davies) l’aide à découvrir le puits des âmes. Pendant ce temps, Belloq collabore avec les Nazis… Ah bravo la France!
Indiana Jones est le premier à retrouver l’Arche puis se fait comme toujours voler la politesse par Belloq.
So once again, Jones, what was briefly yours is now mine.
Ligotés à un poteau, Indiana Jones et Marion vous pouvoir assister à l’ouverture de l’Arche par les Nazis. Après une procession, l’agent de la Gestapo Toht (Ronald Lacey) et le maréchal Dietrich (Wolf Kahler) sont déçus de constater que l’Arche ne contient que du sable. Soudain les lumières s’éteignent et les fusils s’enrayent. Indy ordonne à Marion de fermer les yeux.
Marion, don’t look at it. Shut your eyes, Marion. Don’t look at it, no matter what happens!
Des esprits aux allures de Séraphins sortent alors de l’Arche et massacrent tous ceux qui ont profité du spectacle. Belloq, Dietrich et Toht connaissent une mort atroce avant d’être aspirés dans l’Arche.
Indy et Marion, qui n’ont rien vu, sont épargnés par les fantômes. De retour à Washington, Indiana Jones exigent des garanties de la part des services secrets. Ceux-ci se veulent rassurants.
We have top men working on it right now…
L’Arche est effectivement en sécurité, dans une boîte, quelque part dans un gigantesque entrepôt secret-défense, entourée de centaines d’autres boîtes similaires.
L’EXPLICATION
Les Aventuriers de l’Arche perdue, c’est la limite à ne pas franchir.
Belloq est un petit archéologue au sens traditionnel, qui attribue la valeur des objets au seul temps qui passe.
Look at this. It’s worthless – ten dollars from a vendor in the street. But I take it, I bury it in the sand for a thousand years, it becomes priceless. Like the Ark.
Au delà de son absence d’éthique (cf La Momie) ce qui le conduit à collaborer avec les Nazis pour assouvir ses propres désirs de grandeur, Belloq ne comprend tout simplement pas la rareté. Cette notion le dépasse.
Le Professeur Jones a un point de vue sensiblement différent. Sa conception de l’archéologie est beaucoup plus profonde. Il attribue la valeur des choses aux expériences. En cela, il préfère la vie à la poussière. Comme il l’explique à Marion:
It’s not the years, honey, it’s the mileage.
Le voyage plutôt que la destination.
La valeur d’une chose est d’autant plus grande qu’elle génère de la frustration. On convoite peut-être ce qu’on a sous les yeux tous les jours (cf Le Silence des Agneaux). Par contre, on veut ce que possède l’autre plus que tout, comme Belloq. Vouloir ce qu’on ne peut pas avoir. Ce qu’on ne devrait pas avoir. La frustration d’Indiana de ne pas voir ce que cache cette Arche est énorme.
Cette aventure permet donc à Indy de réfléchir sur la notion de propriété (cf Baby Boss). Parce qu’on ne possède finalement jamais rien pour soi. Le professeur Jones est bien placé pour le savoir, lui dont le métier consiste à retrouver des vestiges pour leur donner la vie éternelle dans un musée, accessible à ceux qui en ont les moyens. Jones apprend néanmoins que dans la vie, certaines choses relèvent du sacré et qu’il doit le respecter (cf Et pour quelques dollars de plus).
The Ark. If it is there, at Tanis, then it is something that man was not meant to disturb. Death has always surrounded it. It is not of this earth.
Difficile à accepter pour quelqu’un habitué à repousser les limites. Il s’agit alors d’une question d’ego. Belloq et Jones sont tous les deux des amoureux de l’Histoire au sens d’éternité (cf At eternity’s gate). Le Français est porté par sa vanité (cf L’associé du diable). Ce qui l’intéresse au delà de l’histoire, c’est sa propre gloire. Sa petite personne. Celui qui a découvert une oeuvre.
All your life has been spent in pursuit of archaeological relics. Inside the Ark are treasures beyond your wildest aspirations. You want to see it opened as well as I. Indiana, we are simply passing through history. This, this is history.
Il n’a pas compris que l’oeuvre dépasse son auteur, ainsi que celui qui la retrouve.
Indiana Jones quant à lui accepte de renoncer au prestige. Il est différent car il parvient à ne pas regarder – bien qu’il en ait envie.
Même s’il insiste pour savoir où se trouve l’arche, il ne la retrouvera plus jamais. Il le sait, et a la sagesse de l’accepter. Indiana Jones, sous son chapeau, est un homme de raison. Il résiste aux passions (cf Knock knock).
Ne pas être récompensé. Se satisfaire d’avoir croisé le chemin d’oeuvres intemporelles est déjà en soi énorme.
On peut garder les yeux ouverts (cf Eyes Wide Shut), tout en devant ne pas regarder certaines choses afin de ne pas finir carbonisé. Celui ou celle qui veut tout trouver, tout voir, tout savoir doit accepter de s’arrêter pour préserver la mystique. Les amoureux ou amoureuses du sacré ne doivent pas basculer dans le profane.
Dès lors, un défi terrible se pose à nous qui avons accès à tout ou presque, partout, à n’importe quelle heure. Sans aucune limite.
Excellent cet article… Une réflexion profonde et intéressante. J’adhère totalement.
Merci beaucoup.
Merci Olann pour ce commentaire.