ÊTRE ET AVOIR

ÊTRE ET AVOIR

Nicolas Philibert, 2002

LE COMMENTAIRE

Tout·e élève normalement constitué·e doit trembler au moment de la remise des copies, avant de découvrir la note et l’appréciation que lui donnera son enseignant·e. D’où l’importance pour l’élève de bien revoir sa copie. L’importance aussi pour l’enseignant·e de prendre le temps d’évaluer correctement le travail de ses élèves. Ne pas bâcler ses copies. Parce qu’une seule note suffit à décourager autant qu’une appréciation constructive peut donner l’envie de progresser.

LE PITCH

Une année dans la vie d’un instituteur auvergnat.

LE RÉSUMÉ

Saint-Étienne-sur-Usson sous la neige. Le bus scolaire fait la tournée pour prendre les enfants et les déposer à l’école. Georges Lopez les y attend. Une classe d’une quinzaine d’élèves de la maternelle au CM2, tous mélangés.

Assoyez-vous!

Les plus petit·es réclament évidemment le plus d’attention. Ils ne sont pourtant pas nombreux.

Monsieur! J’ai pas bien r’gardé…!

Regardez Monsieur!!

Monsieur…!!

Le petit Jojo n’a pas trop envie de travailler. Il faut lui expliquer ce qu’il fait à l’école.

Pourquoi tu vas à l’école ? (…) Qu’est-ce qu’on fait ? Tu apprends quoi à l’école ? Que faire du coloriage..?

Nan…

Qu’est-ce que tu apprends aussi ?

… Le travail.

Qu’est-ce que c’est le travail ? Qu’est-ce qu’il y a encore ? Tu apprends à écrire…

Faire des six!

… Le calcul, apprendre à compter…

Après ‘six’, y ‘a ‘sept’. Pis après ‘sept’, y’a ‘huit’!

M. Lopez doit garder un oeil sur les plus grands, comme Julien et Olivier qui se battent. Il prend les deux garçons entre quatre yeux pour mettre les choses à plat (cf Three Billboards), toujours avec beaucoup de diplomatie.

Si vous avez quelque chose à vous dire, vous vous le dites maintenant. Comme ça, on règle le problème. Faut en parler comme ça, après c’est terminé. (…) Est-ce que c’est nécessaire qu’il y en ait un qui gagne ? Non. Ça sert à rien…

À la maison, les enfants font les devoirs avec leurs parents – souvent après les avoir aidé à la ferme car le village vit de l’agriculture. Julien n’a pas encore dix ans mais il conduit déjà le tracteur.

Nathalie souffre d’une forme d’autisme et M. Lopez essaie de trouver les mots pour l’expliquer à sa mère. Parler aux parents n’est pas forcément plus facile.

Dans son cas, vous seriez complètement disponible que ça changerait pas tout hein…

(…) Pour dire qu’elle est gémeaux comme moi, et ben on n’a pas du tout le même…

… Mais vous devez pas avoir le même ascendant!

C’est la fin de l’année. Bientôt, M. Lopez partira à la retraite. Le lien qu’il créée avec les petit·es est tellement fort qu’il doit commencer à leur en parler tout doucement.

Moi je vais partir. Mais vous, vous serez au collège…

Les beaux jours reviennent. Une visite d’information dans le collège d’à côté, chez les grands. On sort les tables pour faire la leçon dehors. Les élèves partent en classe verte. Le maître réconforte Olivier dont le papa est malade. Puis il essaie de rassurer Nathalie qui semble terrorisée à l’idée de quitter son maître avec lequel elle se sent en confiance.

Il faut bien qu’on se sépare un jour.

Et c’est déjà le moment de se dire au revoir.

C’est la dernière fois de cette année scolaire que vous allez sortir.

Au r’voir monsieuuuur!!

Georges Lopez doit accepter de voir ses élèves partir, non sans une petite boule dans la gorge quand même.

L’EXPLICATION

Être et avoir, c’est peut-être le plus beau des métiers.

Le plus beau des métiers est certainement celui qui passionne celles et ceux qui le pratiquent. De ce point de vue, M. Lopez ne se serait pas vu faire autre chose. Instituteur était sa vocation. Il a fait la fierté de ses parents et il a toujours trouvé du plaisir à la tâche.

J’aurais pas pu faire un autre métier que celui-là.

Le plus beau des métiers, dans l’absolu, est celui qu’on fait au service des autres.

En tant qu’instituteur, M.Lopez se met au service des enfants pour leur apprendre le b.a.-ba en complément de l’éducation que leur fournit les parents. Le maître est là pour leur apprendre à lire, écrire, compter, s’exprimer correctement. Il les aide à découvrir et maitriser les fondamentaux. Quoi de plus beau que de permettre à des enfants de grandir ?

Dans le parc naturel régional Livradois-Forez, on est loin des écoles primaires parisiennes qui préparent au concours d’entrée à HEC ou Polytechnique. À Saint-Étienne-sur-Usson, on se satisfait des choses simples. Pas forcément de grandes choses, mais de belles choses comme réussir à retourner une crêpe ou descendre une pente enneigée sur sa luge.

Cet exemple peut donner une vision naïve ou idéalisée. L’école des bisounours pourraient affirmer les plus cyniques. Une école à l’ancienne qui disparait – si elle n’a pas déjà complètement disparu.

Y’a une chanson qui dit ‘comme avant, quand c’était le bon temps’. Y’a pas de raison que ça continue pas.

Avec un maître à bord, qui habite dans son école où l’on prend le temps de se parler, sans s’énerver ni élever le ton.

Un mot ça peut blesser.

Aujourd’hui, la campagne se meurt. Les classes rurales ferment. Désormais, les enfants qui n’ont pas la chance de fréquenter un établissement privé se retrouvent livrés à eux mêmes dans des classes bondées et devenues sauvages (cf Entre les Murs). Des conditions anormales qui poussent les enseignant·es les plus motivé·es à devoir perdre leur sensibilité (cf Detachment), voire à rendre leur tablier.

Néanmoins, il faut espérer qu’il existe encore de tel·les enseignant·es. Car on a besoin de personnes qui s’occupent ainsi des enfants pour les motiver.

T’as pas envie de travailler aujourd’hui ??

J’ai envie…

Ben alors faut pas t’arrêter mon vieux!

Des enseignant·es qui ne considèrent pas leur métier comme un simple travail.

Combien de dictées j’ai pu faire dans ma vie…? En fait, j’ai jamais compté. C’est pas important le nombre.

Des enseignant·es qui ne donnent pas l’impression que l’école soit faite pour contraindre l’individu à se conformer – comme on a tendance à lui reprocher parfois. Qui représentent plutôt une institution qui ferait honneur aux principes de Condorcet, pour permettre à l’individu de se réaliser. Dans une société qui identifie l’être à l’avoir, M. Lopez montre que la vraie richesse est dans l’avoir de son être. Le pur plaisir d’exister.

Des enseignant·es qui observent et qui écoutent, se souciant d’abord du bien-être et de l’épanouissement des enfants comme s’ils étaient un peu les leurs.

Je m’investis beaucoup et les enfants me le rendent bien.

Grâce à des personnes comme M. Lopez, on est naturellement content de quitter l’école pour partir en vacances. Tout comme on est content d’y retourner en Septembre.

M.Lopez fait partie de celles et ceux dont on se rappelle (cf Gatsby le Magnifique).

Il est le premier en dehors du cercle familial à donner l’idée aux enfants qu’ils peuvent en valoir la peine.

Un sacré beau métier.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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