KILLERS OF THE FLOWER MOON
Martin Scorsese, 2023
LE COMMENTAIRE
Dans les couples hétérosexuels, ce sont les femmes qui choisissent les hommes après que ceux-ci aient réalisé une parade nuptiale. Pour choisir son homme sur la longue durée, la femme sera plus sensible à l’humour ou à l’ambition qu’à la ceinture abdominale. La recette ne change pas. On retrouve déjà ici tous les ingrédients qui ont fait le succès de l’émission Tournez Manège à la fin du siècle précédent.
LE PITCH
Un ancien soldat se met aux ordres de son oncle.
LE RÉSUMÉ
Après son service lors de la première Guerre Mondiale, Ernest Burkhart (Leonardo DiCaprio) retrouve son oncle William King Hale (Robert de Niro), riche entrepreneur à Fairfax dans l’Oklahoma – en pleine réserve amérindienne.
Lorsque Henry Rohan (William Belleau), un Osage, vient chercher Ernest à la gare, il plante tout de suite le décor.
Who’s land is this?
My land…
Sur place, c’est pourtant bien le King qui fait la pluie et le beau temps. Il est au mieux avec la communauté Osage qui s’est considérablement enrichie grâce au pétrole (cf There will be blood). Cependant et en dépit de leur fortune, la loi a mis les Amérindiens sous tutelle. La banque est aux mains de Pitts Beaty (Gene Jones), membre du Klan. Et le King contrôle la police.
Il lorgne sur le patrimoine de Lizzie Q. (Tantoo Cardinal) qu’il lui vole par l’intermédiaire de l’héritage de ses filles.
We mix these families together and that estate money flows in the right direction. It’ll come to us.
Byron Burckhart (Scott Shepherd), le petit frère d’Ernest, est marié avec Anna (Cara Jade Myers), la fille de Lizzie. Et Ernest se marie avec Mollie (Lily Gladstone), une autre fille de Lizzie.
Autour d’eux, les Amérindiennes disparaissent les unes après les autres, ou meurent dans des circonstances étranges – sans aucune enquête. La communauté s’insurge contre les blancs et cherche à contacter le commissaire aux affaires amérindiennes à Washington DC.
They act like they own the place! (…) We were here before them!
Les personnes dépêchées par le gouvernement sont toutes victimes d’accidents. William King Hale n’a aucun intérêt à ce qu’on vienne fouiller dans ses affaires alors il se débarrasse des curieux. Ernest execute les volontés de son oncle.
Anna est retrouvée morte. Lizzie est mourante. Et Mollie commence à tomber gravement malade à cause de son diabète.
Like I said she’s not doing too well.
Pas de problème! Le King lui a obtenu de l’insuline. Il faut la piquer régulièrement. Ernest s’en charge. Bizarrement, la santé de sa femme ne fait pourtant que décliner… Le King prépare son neveu à l’inéluctable.
It will happen.
La maison de Rita (JaNae Collins) et Bill Smith (Jason Isbell) est soufflée par une bombe.
Mollie n’a plus rien à perdre et se rend à Washington. Suite à sa visite, Tom White (Jesse Plemons) du Bureau of Investigation arrive à Fairfax. Très vite, il remonte jusqu’au King et obtient d’Ernest qu’il passe aux aveux. Mollie est envoyée à l’hôpital où elle peut recevoir un véritable traitement pour son diabète, l’abri des loups. Sa santé s’améliore.
Le King fait pression pour qu’Ernest ne témoigne pas.
Money’s got to stay in the family! (…) We all have to sign it.
Finalement, Ernest accepte de comparaître. Devant le juge, il avoue tous les crimes. Lorsque sa femme lui demande ce qu’il lui administrait, Ernest répond néanmoins qu’il s’agissait que d’insuline alors qu’il savait qu’il l’empoisonnait.
Mollie obtient le divorce. Des années plus tard, elle meurt de son diabète.
Dans un show radio produit par le FBI, le verdict est rendu : William King Hale prend perpétuité mais obtient sa libération pour mourir tranquillement dans une maison de retraite. Ernest fut gracié et finit sa vie dans une caravane en compagnie de son frère.
L’EXPLICATION
Killers of the Flower Moon, c’est je suis #Ernest.
Dans la tradition Osage, la Flower Moon est une période printanière pendant laquelle fleurissent les champs à perte de vue. Colchique dans les prés. Une vision du monde à la Laurent Voulzy, certainement plus carte postale que des plaines recouvertes de puits de forage (cf Promised Land, Deepwater). De ce point de vue, les Osage apparaissent comme une communauté romantique, avec des principes moraux d’une noblesse sur laquelle la civilisation occidentale s’est assise avec ses grosses fesses.
Malgré tout, il est important de rappeler que les Osage étaient également cupides, faibles et naïfs. Attirés par l’appât du gain, ils se sont faits rouler par les ancêtres de celui qui écrira plus tard The Art of the Deal.
Pragmatiques, les tueurs du Flower Moon ont promis de grosses sommes aux Osage. Plein d’argent qui ne tient pas au doigt, ou dont on ne voit pas la couleur. Puis ils les ont noyés dans des rivières de whisky, servies par des hommes comme William King Hale – avec l’aide de son neveu Ernest.
Les tueurs du Flower Moon sont des égoïstes avec une vision économique de leur environnement comme étant un jeu à somme nulle : Pour s’enrichir, il faut nécessairement prendre des richesses à celles ou ceux d’en face.
Here money flows freely. (…) That’s good business.
Ces impérialistes consanguins sont persuadés que le monde leur appartient. Une forme de compétition qu’il faudrait remporter. Rien ne repousse derrière eux. Il ne s’agit pas de vivre en paix entre les peuples, ou de mixer la race.
Do you stand her kind..?
Au contraire, il s’agit plutôt de préserver l’espèce et d’étendre son espace vital. Si le monde ne leur appartient pas encore, alors ils y travaillent.
You have to take back control of your home.
Les tueurs du Flower Moon sont de sacrés hypocrites, à l’image de William King Hale qui prétend vouloir le bien commun.
I’m there for both of you.
Il parle le dialecte Osage et affirme que tout le monde pourra profiter du pétrole. Une industrie qui permettrait, selon lui, de créer des écoles, des hôpitaux et des restaurants. Dans les faits, le King se garde la plus grosse part du gateau. Les autres ne ramassent que des miettes, quand ils ont de la chance.
Les tueurs du Flower Moon sont surtout de beaux menteurs qui truquent la réalité, à leur profit (cf Des hommes d’influence). Entre balles perdues, poison dans l’insuline ou absence de preuves par faute de témoin…
Le mensonge est leur seconde nature. Par exemple, le King ne reconnait pas sa propre avarice et se permet même de donner des conseils aux autres.
Be at peace with what you have.
Ernest pense aimer profondément Mollie, au point où il témoigne contre les siens. Peut-être ne s’agit-il que de ses scrupules ? Car il refuse de reconnaître toute la vérité lorsqu’elle le lui demande. Chassez le naturel, il revient au galop.
You think you know everything with your indian ways??
Ces cyniques pensent qu’ils peuvent passer l’éponge sur leurs crimes et que personne ne viendra les retrouver. Comme si l’on pouvait éviter les gouttes. Après tout, le King est libéré pour bonne conduite. Son neveu échappe à la prison.
People forget, and they dont care.
Ils ont tort.
Désormais, tout le monde sait qui ils sont.
Ces États-Unis hérités du King et son neveu, construits autour d’une certaine idée de la liberté reposant sur le génocide des minorités et l’exploitation des ressources, ont façonné la société occidentale dans bien des domaines. Ce sont eux, et pas l’intelligence artificielle, qui ont assombri le ciel (cf Matrix). Si ces Ricains n’étaient pas là, on vivrait tous au Paradis (cf La Ligne Rouge).
En attendant, on préfère dénoncer les agissements du King, en roulant à l’électrique et en faisant son tri sélectif. On est pourtant tous un peu complice (cf Memento).