MONDOVINO

MONDOVINO

Jonathan Nossiter, 2005

LE COMMENTAIRE

Plus rien n’arrête la curiosité des médias qui s’infiltrent partout, jusque dans les dernières pyramides encore inviolées que sont les vignobles sardes. Il faut une élégance toute italienne pour fuir les caméras avec classe et échapper aux questions embarrassantes dans un sourire. Le vieil homme et la vigne.

LE PITCH

Un amateur de vin part à la rencontre de ceux qui font le vin.

LE RÉSUMÉ

Dans les Pyrénées avec Yvonne Hegoburu, une viticultrice de soixante-quinze ans s’occupe de la vigne suite à la mort de son mari. Elle apprécie la recherche du partage et de la rencontre.

L’amour et le plaisir, c’est ça qui a mené le monde. Qui devrait mener le monde!

En Sardaigne, Battista et sa femme parlent du vin de la Malvasia, un cépage cultivé historiquement par les habitants de Bosa. Il regrette que ce vin qui rapprochait les classes ne finisse par céder aux sirènes du consumérisme. Parce que pour lui, le vin est avant tout un savoir vivre. Aujourd’hui, il n’a plus d’identité.

Non c’è più dignità.

À Bordeaux, le consultant Michel Rolland est enthousiaste. Le « flying-wine maker » comme il se décrit lui-même fait du vin dans douze pays avec la plupart des stars mondiales du vin. Il passe d’exploitation en exploitation pour recommander sa technique.

Vous comprenez madame ? Qu’est-ce que c’est la micro-oxygénation ?

Non, mais elle s’en fout. Si elle comprenait tout d’abord je serais pas là. Et puis si je lui dis « on micro bulle », ben on micro bulle. Pis si ça marche pas, elle me vire!

Un peu plus loin, à Aniane, Aimé Guibert est plus sceptique. Ce romantique remonte aux origines du vin qui pendant des millénaires voyait l’homme entretenir une relation quasi-religieuse avec les éléments naturels.

Le vin est mort. Soyons clairs, le vin est mort!

Guibert-Asterix protège son village des Mondavi, une famille d’exploitants californiens qui vend des millions de bouteilles dans le monde. Depuis Napa, on ne comprend pas.

It was a combination of jealousy and fear.

Interdits de séjour en France, les Mondavi regardent vers l’Italie. Confortés par le succès de l’Ornellaia, devenu une franchise au succès commercial planétaire. Pour les Staglin, voisins et collaborateurs des Mondavi, le vin est également un business.

The first thing we did was to develop a marketing plan.

Des businessmen, il y en a aussi en Bourgogne, comme les Boisset qui se targuent de faire deux cent trente cinq millions d’euros de chiffre – d’affaires. Ou Bernard Magrez, père de la Clés du Terroir avec Gérard Depardieu.

Parmi les grandes familles, les De Montille s’attachent au sens du le vin, même si ce sens est différent pour le fils et le père. Etienne voit un grand vin comme le fruit de la rigueur. Hubert reste avant tout un amoureux du terroir (cf La Soupe aux Choux).

Le terroir est dix fois plus important que le nom sur l’étiquette!

À l’inverse, les Anglo-Saxons cultivent la marque. Hubert de Montille déplore que même des Français comme les Mouton-Rotschild leurs emboîtent le pas. Les Boisset sont également dans la combine en collant les mêmes étiquettes sur des bouteilles qui ne viennent pas du même endroit.

À Londres, Michael Broadbent responsable du département vin chez Christie’s regrette une certaine tendance à l’uniformisation due en partie à Michel Rolland qui fait du Pomerol partout dans le monde, et bien encouragé par son « ami » Robert Parker.

Depuis son bureau de Baltimore, les notes de cet éminent critique, dont le nez et le palais sont assurés pour un millions de dollars, impacte tout le marché et fait danser tout le monde. Michael Broadbent prend l’exemple des Schyller dont le vin n’avait rien d’exceptionnel jusqu’à ce qu’ils travaillent avec Michel Rolland, voient leur cote remonter dans le Wine Spectator et se mettent à vendre.

Les Schyller de leur côté expliquent comment ils ont su évoluer « sans aller dans le sens Parker » mais en regagnant ses faveurs, démontrant ainsi la capacité des producteurs de grand vin à s’adapter sans scrupule, ce qui avait déjà été le cas à l’époque du fascisme.

Hubert de Montille explique comment « l’impérialisme américain » a redéfini le marché, imposant l’idée selon laquelle le goût du vin serait le goût du bois, pas celui du terroir. Les Mondavi impose la culture de la barrique en Italie.

Ainsi, le bon vin n’est plus la chasse gardée des Français. Et surtout, plus de différence entre des vins bien trop manipulés. C’est Robert Parker qui fait la différence, « au nom des consommateurs ».

Le Wine Spectator se prend d’une passion nouvelle pour l’Italie et voient en Ferragamo et l’Ornellaia un lifestyle élégant moderne, par opposition aux sacs Hermès et aux bouteilles de Bordeaux de papa. Les ventes s’envolent aussi sec.

Depuis leur Californie, les Mondavi ne comptent pas s’arrêter là. Ils s’excitent à la perspective de produire du vin sur une autre planète qui pourrait être Mars ou tout simplement l’état du Pernambouc au Brésil où Isanette et Isaldo Bianchetti viennent de s’installer pour y cultiver leurs six hectares de vigne.

L’avenir du vin est ici!

Tout est possible. Michel Rolland a déjà posé ses valises en Argentine.

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L’EXPLICATION

Mondovino, c’est l’évolution du monde autour d’un bon verre de rouge (cf Sideways).

Le fait est que nous vivons dans un marché mondial comme le dit sobrement Xavier de Eizaguirre, le directeur marketing de Mouton-Rotschild. Les modèles économiques se sont transformés. Tout a changé : les échelles et les règles.

C’est un métier de poètes de faire du grand vin. Maintenant c’est remplacé par des œnologues, et des brillants, comme Monsieur Rolland.

Ce marché mondial a vu bourgeonner de nouveaux acteurs.

Il y a dans le monde moderne une forme nouvelle du fascisme qui est le fascisme de la distribution qui est un monopole dans des républiques comme l’Amérique ou la France qui ont toujours condamné les monopoles. Qu’est-ce qui se passe ? L’épicier se retourne vers le vigneron: « tu m’emmerdes avec tes bons vins! Je veux un million de bouteilles, je veux tout pareil. »

Dans ce nouvel écosystème gravitent ensemble les Mondavi, Michel Rolland, Bernard Magrez et Robert Parker qui aiment ce qu’ils font et qui aiment peut être encore plus en tirer profit. La vérité c’est que le vin est tout simplement devenu un business comme un autre.

Hubert de Montille note avec une pointe d’amertume:

C’est moins une culture qu’une lutte commerciale.

Les Américains ont remplacé le terroir par des tonneaux et ont ainsi repris le marché aux Français. Mondovino c’est un jeu d’alliances.

Robert Parker poussait par goût. Il poussait également par intérêt pour les gens de la Californie.

Et les défenseurs du savoir vivre nagent en plein paradoxe. Aimé Guibert a du mal à justifier son rapprochement avec Bernard Magrez.

Certains disent que Magrez n’est juste qu’une version française de Mondavi ?

Nan, euh, Magrez est un homme intelligen. qui est parti de rien et qui a monté une belle affaire.

Et Hubert de Montille, qui crache sur Robert Parker, voit son fils faire la une du Wine Spectator.

Le salut viendra d’Alix de Montille qui a la foi en son métier et démissionne de chez Boisset, refusant d’être complice de cette mascarade. C’est grâce à des gens comme elle, leur passion, leur culture et leur intégrité, qu’on ne sombrera pas dans la barbarie et qu’on conservera une certaine idée de ce qu’est le vin.

Plus les amateurs de vin seront éclairés et moins ils seront à la merci de joueurs de flûte comme Robert Parker.

Le salut viendra aussi de ces Brésiliens qui se lancent dans ce business avec beaucoup de fraîcheur. Aujourd’hui le vin naturel est apparu en réponse à cette tendance de vin trafiqué dans les règles de l’art.

Tout n’est peut-être pas encore perdu pour les amateurs de grand cru – et les alcooliques (cf le dernier pour la route).

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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